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Evariste Zong-Naba : du matérialisme dialectique au cantique des cantiques

Publié le lundi 16 avril 2007 à 08h11min

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Evariste-Zong-Naba

Militant communiste, enseignant de philosophie, commerçant puis pasteur évangéliste, le parcours d’une vie faite de ruptures d’Evariste Zong-Naba.

Dans l’après-midi du 31 mars 2007 à Angers, dans l’Ouest de la France, il est un peu plus de 15 heures quand le pasteur Evariste Zong-Naba entre dans la salle de conférence d’un hôtel où l’attendaient une cinquantaine de personnes.

Costume blanc assorti d’une cravate marron beige à rayures, lunettes carrées, il vient lancer l’association internationale les Eaux vives pour l’Afrique (EVA), un projet sur lequel il travaille depuis plusieurs années. Sur les plaquettes qu’il a fait distribuer aux invités, des images insoutenables d’enfants squelettiques, des fantômes humains que la malnutrition et les maladies condamnent chaque jour à la mort.

« L’Afrique subit plus d’un tsunami par semaine » estime Tony Blair, c’est à dire l’équivalent de la catastrophe qui a frappé l’Asie du Sud en décembre 2004 causant près de 280 000 morts. « Cependant, la mobilisation de la communauté internationale en faveur de ce continent reste marginale », déplore le premier ministre britannique. « Si vous ajoutez l’analphabétisme et les ravages causés par le sida, la situation devient insupportable », s’insurge Evariste Zong-Naba.

Marxiste il y a quelques années, militant passionné de la Révolution démocratique et populaire (RDP), ce quinquagénaire et père de deux enfants est devenu un fervent serviteur de Jésus qu’il a « rencontré très exactement le 25 octobre 1999 ». Depuis, il a soigneusement rangé le Capital, le Manifeste du parti communiste et tous les textes célébrant le matérialisme dialectique pour faire place à la Bible !.

« Evariste est un homme intégral qui ne fait pas les choses à moitié. Lorsqu’il s’engage pour une cause, il y va à fond, comme s’il livrait la dernière bataille de sa vie », témoigne son ami et ancien compagnon révolutionnaire, Abdoulaye Barro.

Le pasteur Zong-Naba au milieu de ses fidèles

La nouvelle croisade de ce soldat de Jésus ? L’accès à l’eau potable en Afrique. « Sur le continent, la crise de l’eau cause plus de pertes en vies humaines que les guerres, et plusieurs maladies telles que la bilharziose, la diarrhées, le trachome, le choléra ou la conjonctivite sont dues à la consommation d’eau insalubre » explique le pasteur. Pire, « Chaque année, l’eau sale tue près de 3 millions d’enfants de moins de 3 ans et cause plus de pertes en vies humaines que les guerres ».

En créant les Eaux vives pour l’Afrique (EVA), le pasteur Zong- Naba entend alerter régulièrement la communauté internationale sur la situation de détresse de millions d’hommes et de femmes en insistant sur l’urgence d’engager des actions appropriées à leur profit. « L’or bleu » étant la base de tout développement humain, EVA s’engage également à créer des retenues d’eau dans plusieurs villages au profit des populations. Pus globalement, notre ambition est de créer ce que nous appelons des centres de vie. A côté du point d’eau, nous voulons construire des latrines, une infirmerie, une maternité, une pharmacie et un centre de nutrition maternelle et infantile ». Le tout équipé d’électricité solaire, « une source d’énergie que nous avons en abondance ».

A l’inverse de nombreuses associations qui vivent des subventions, l’association EVA va se donner les moyens de ses ambitions pour garder sa liberté d’action. Pour cela, elle va créer une société commerciale de forage, de construction et de gestion immobilière. Alors que le coût moyen d’un forage avoisine 9000 euros ( 6 millions de F CFA), EVA fera appel à des techniques de forages utilisées en Asie, moins onéreuses de l’ordre de 50% moins cher.

Le volet immobilier sera également développé en utilisant des machines moins coûteuses, capables de fabriquer avec 95% de terre brute, 3% de ciment et 2% d’eau, des briques aussi solides que les parpaings, mais aussi des pavés, des carreaux et des dalles de toutes dimensions. Avec des produits compétitifs, EVA espère ainsi dégager de substantielles marges de bénéficies destinées à financer la construction des centres de vie « où les habitants vont pouvoir bien y vivre et ne seront pas tentés par l’émigration ».

Association panafricaine, les EVA va bientôt lancer ses premières activités au Burkina, dans la province du Koulpélogo, avant de s’étendre à d’autres pays comme le Mali, le Niger, le Kenya et l’Ethiopie. « J’ai confiance dans la réussite de ce projet car nous avons le soutien de Jésus. Et rien ne résiste à la volonté du seigneur », lance le pasteur Zong-Naba aux sceptiques.

Pour ceux qui l’ont connu dans un passé récent annonçant, sûr de lui, l’inéluctable prochaine victoire du prolétariat, synonyme de libération totale de l’homme, il faut de longues heures de discussions pour comprendre la reconversion dans le messianisme protestant de ce militant du Comité de défense de la révolution (CDR).

Après le baccalauréat, cet ancien séminariste inscrit en philosophie est happé par le mouvement révolutionnaire en cours au Burkina. Comme des milliers d’hommes et de femmes, il croit dur comme fer que « son génie créateur libéré, le peuple burkinabè est capable de construire de ses mains les fondements matériels de son avenir ». Sur le campus de l’université de Ouagadougou et plus tard à Poitiers en France, la défense des idéaux de la révolution vire parfois à l’affrontement physique avec les « réactionnaires », c’est à dire, les militants du syndicat national des étudiants. De temps en temps, il monte prêter main-forte aux camarades du CDR de Paris dont un certain Abdoul Karim Traoré, aujourd’hui directeur général de Perfectum Afrique.

Puis surviennent les évènements du 15 octobre 1987. Dans la capitale française comme dans plusieurs pays, c’est le choc. « A Paris, se souvient Evariste Zong-Naba, des milliers de personnes de gauche organisent des rassemblements pour évoquer ce qui vient de se passer au Burkina. Des veillées funèbres sont organisées par la diaspora africaine dans les églises comme dans les mosquées ». Quant au bureau CDR, il vole en éclats. Partisans et opposants à la rectification, se regardent désormais en chiens de faïence. Entre abandonner la lutte révolutionnaire, parce son leader Thomas Sankara est mort, et appuyer la rectification qui se présentait comme un approfondissement de la révolution, quelques rares militants, dont Evariste Zong-Naba ont vite opté pour la deuxième alternative. « Des moments marqués par des faits extrêmement douloureux qui vous marquent toute la vie » , confesse t-il.

Finalement déçu du monde politique où la morale et l’éthique ont très peu de place, Evariste Zong-Naba qui croyait trouver une fraternité dans l’engagement politique, se sent perdu. Mais sa quête de spiritualité reste intacte. Vers la fin 1990, il frappe alors aux portes de la franc-maçonnerie et en juin 1991, il est initié au Grand Orient de France.

Entre-temps, il a arrêté d’enseigner la philosophie pour se lancer dans le commerce international de riz entre l’Asie et l’Afrique, « une activité qui me rapportait beaucoup d’argent malgré les bâtons que les banques françaises n’arrêtaient pas de mettre dans mes roues ».

Au cours d’un séjour aux Etats Unis, il rend visite à un ancien camarade communiste, Moussa Touré, en poste à la Banque mondiale. Mais surprise, ce dernier à démissionné de l’institution financière internationale et est devenu pasteur. « Pourquoi a t-il commis une telle bêtise ? » se demande durant toute la nuit Evariste Zong-Naba. Le lendemain, pour ne pas s’ennuyer, il rejoint son ami au lieu du culte dans l’espoir « surtout d’écouter le Gospel que de participer à la prière ».

Chose étrange, voilà que les prêches de son ami ne lui semblent pas inintéressants. « Je me suis même surpris à acquiescer ce qu’il disait, avant d’être littéralement bouleversé par le commentaire qu’il a fait de l’évangile de Saint Jean » se rappelle celui qui, quelques heures plus tôt, en bon marxiste, considérait la religion comme un opium. « A la fin de son commentaire, je découvre que même ayant été séminariste, j’ignorais Jésus. Il m’a dit des choses sur la Bible et l’évangile que les curés ne m’avaient jamais enseignées. Sur place, j’ai donc donné ma vie à Jésus », raconte t-il non sans émotion.

De retour en France, il quitte la franc-maçonnerie, abandonne le commerce pour se consacrer à la propagation de la bonne nouvelle. Tous les lieux sont bons pour répandre l’évangile, y compris dans les bus, mais les conducteurs, hostiles à tout prosélytisme, n’hésitent pas à appeler la police pour le faire descendre .

Devenu Pasteur après une formation en Caroline du Nord en 2004, Evariste Zong-Naba officie désormais tous les dimanches à Angers, devant des fidèles majoritairement d’origine africaine. En lançant les Eaux vives pour l’Afrique, il croit pouvoir mener une activité économique génératrice de revenus tout en « restant maître de moi-même ».

Joachim Vokouma,
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 12 septembre 2014 à 15:59, par Naré Victor En réponse à : Evariste Zong-Naba : du matérialisme dialectique au cantique des cantiques

    Bonjour Mr Zongnaba Bila Evariste ; comment va chez toi ? juste pour t’envoyer mon salut à toi car ancien partisant de SOCIOLOGIE depuis l’université de Ouagadougou et au séminaire st jean ; as tu les nouvelles de Zoungrana Jean ? courage toujours dans ton matérialisme dialectique .on aura le temps de s’écrire habituellement . merci et bye . Naré Victor

  • Le 12 septembre 2014 à 16:02, par Naré Victor En réponse à : Evariste Zong-Naba : du matérialisme dialectique au cantique des cantiques

    narevicto@gmail.com

  • Le 21 octobre 2019 à 14:04, par Madame Koné Peltier marie odile maman de sarah En réponse à : Evariste Zong-Naba : du matérialisme dialectique au cantique des cantiques

    Bonjour Evariste,
    Je suis heureuse de vous trouver sur le web.
    Nous nous sommes connus au temps des maternelles de nos enfants.

    Je garde un précieux souvenir de Wendy et Mathilde.
    J’aimerais tellement les revoir.
    Sarah est avec nous à saint barthélemy d anjou avec son fils de 5 ans.

    Merci de passer le bonjour à vos enfants.
    Mon adresse mail : mokp@orange.fr
    A bientôt je l’espère.

    m.o koné peltier

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