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Lutte contre la corruption au Bénin : Jusqu’où ira Yayi Boni ?

Publié le mercredi 11 avril 2007 à 08h32min

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Yayi Boni

Le président béninois, Yayi Boni vient de passer sa première année à la tête de la république du Bénin en qualité de président. Banquier de profession (il était avant son élection le président de la BOAD), ce grand technicien des affaires économiques et financières a battu campagne et gagné l’élection présidentielle de 2006 sur le principe politique de la lutte systématique contre la corruption au Bénin.

Lutte, faut-il le rappeler, a été initiée, sans grand succès d’ailleurs, par son prédécesseur Mathieu Kérékou.

Une question se pose tout naturellement : Boni réussira-t-il ce que Kérékou n’a pu réussir ? Ou, tout au moins, jusqu’où pourra-t-il aller dans cette entreprise dont le caractère hautement périlleux s’est manifesté partout dans le monde, au Nord comme au Sud ?

En effet, la lutte contre la corruption dans et par les milieux politiques africains s’est révélée, jusque-là, comme une opération impossible, un problème connu et à résoudre tôt ou tard, mais qui reste comme sans solution. En tout cas, çà et là, elle est évoquée, invoquée même, tantôt comme fil directeur de programme politique, tantôt comme un épouvantail qu’on brandit dans l’espoir de mettre hors-jeu un adversaire réel ou potentiel (Afrique du Sud, Nigeria, etc.). C’est dire que le problème est réel et que de sa résolution radicale et durable dépendra tout l’avenir et l’espoir du développement de nos pays, l’injustice et la corruption représentant les plus graves entraves à toute politique de développement, ici comme ailleurs.

Au Bénin, pour plusieurs raisons, la corruption était très avancée, notamment la grande corruption d’Etat qui a précipité le pays dans la situation de marasme économique que M. Boni a trouvée. Bien sûr, il aura trouvé quelques réalités qui pourraient constituer des atouts : les peuples sont unanimes contre la corruption. Et pour cause, ils sont ceux qui en payent le plus lourd tribut ; Mathieu Kérékou, très conscient du phénomène de la corruption qui sévissait déjà de manière endémique, avait initié un plan de bataille qui a eu du mal à porter quelque fruit ; enfin, la démocratie s’est considérablement implantée dans ce "quartier latin" africain depuis les expériences des conférences nationales souveraines.

Toutes ces considérations devraient amener à penser que Yayi Boni réussira là où tant d’autres ont déjà échoué. Les prémisses sont établies, à quoi il conviendrait d’ajouter sa jeunesse (il pourrait envisager une longue carrière politique) et sa relative "pureté" et "liberté" (il est arrivé au pouvoir sans être lié à un parti politique préexistant, donc relativement libre des "machinations" et autres obligations de reconnaissance qui gangrènent beaucoup de bonnes volontés de départ).

Les peuples sont toujours favorables aux luttes contre la corruption ; c’est au contraire les Etats et leurs suppôts qui composent avec elle et s’en nourrissent souvent. Mais, comme on le dit, la démocratie d’accord, mais le développement économique d’abord ! L’appel de la Baule resterait un vain mot, un voeu pieux, s’il ne s’accompagnait plus ou moins rapidement d’un minimum de développement économique en faveur des masses. Le succès relatif que le camp présidentiel et ses alliés ont engrangé lors des élections législatives passées illustre la bonne assise démocratique de Boni tout en lui donnant, en principe, une marge de manoeuvre plus importante dans son projet de lutte contre la corruption.

Bien évidemment, la tâche ne lui sera pas facile. Au plan national, et à la faveur de l’audit de l’Etat qu’il a immédiatement commandité à son arrivée au pouvoir, et qui lui a permis d’avoir une idée et une connaissance objectives de la situation, il a pu mettre en place une politique rigoureuse de lutte contre la corruption sans parti pris et sans se lancer dans une espèce de "chasse aux sorcières" qui laisserait s’échapper les corrupteurs et les corrompus qui seraient de son bord. Tous les coupables doivent rendre gorge d’où qu’ils viennent. Mais comment oublier que, pour arriver au pouvoir, il a dû bénéficier de l’appui plus ou moins intéressé d’une certaine classe économique (ces opérateurs économiques qui l’ont soutenu), qu’il a dirigé auparavant une "grande boîte" africaine qui l’aurait conduit à avoir des relations privilégiées avec tel ou tel intérêt économico-financier du Bénin ou d’ailleurs ? C’est pour dire combien la lutte sera difficile, malgré son engagement, sa volonté juvénile et sa relative propreté morale et politique.

Surtout dans le contexte africain où la philosophie politique se conjugue souvent avec népotisme, clientélisme, régionalisme, ethnicisme et favoritisme sans que la seule sincérité du premier responsable suffise à faire changer les choses. Tous ces éléments, plus ou moins directement, finissent par corroder l’autorité de l’Etat et compromettre la rigueur et l’impartialité qui s’imposent dans pareils engagements. En Afrique, comment être "rigoureux" sans être impopulaire, aussi paradoxalement que cela puisse apparaître ? Peut-être faudrait-il alors ne pas se préoccuper d’être réélu pour un prochain mandat, ni même avoir peur d’être victime d’attentats de toutes sortes. Peu de présidents africains s’y risqueraient. Yayi Boni ferait-il l’exception ? Rien n’est moins sûr, d’autant que, sur le plan international, des embûches existent aussi. La corruption dans nos Etats a des cimes et des racines internationales. Les ramifications dépassent largement les limites du territoire national, et le cas du Bénin est loin d’être exceptionnel.

Les mesures nationales ne suffiront certainement pas. Mais la purge amorcée au sein de l’appareil de l’Etat, avec courage et surtout esprit de suite, contribuera à freiner le processus, faute d’enrayer le mal. Et même là, quel sera le prix à payer ?

La bonne gouvernance est en soi le premier remède. En restaurant l’autorité de l’Etat, son caractère démocratique qui passe nécessairement par l’existence et l’indépendance d’une justice réelle et impartiale, Boni se donnera les armes utiles à sa lutte. Restent les pesanteurs socio-culturelles de l’Afrique : le non-ancrage du réflexe démocratique dans les mentalités populaires et les pressions étrangères liées à l’histoire du pays et à son environnement politique et économique. On a encore en mémoire le problème de l’énergie que le régime béninois doit urgemment résoudre, et les mesures pour juguler la pénurie d’électricité au Bénin, ce qui met en évidence la dépendance énergétique du pays.

Faut-il alors se résoudre à admettre que la lutte contre la corruption passe, elle aussi, par l’unité africaine ? Ceci suffirait-il à dédouaner chaque Etat, en particulier, de sa responsabilité personnelle à commencer la lutte chez soi ? La réponse est évidemment non puisque chaque Etat proclame, sans la moindre gêne, sa souveraineté.

Le Pays

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