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Alex Bamba, journaliste ivoirien : « Mon pays est une crise identitaire inutile, bête et inintelligente ? »

Publié le mardi 10 avril 2007 à 07h49min

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L’homme n’est plus vraiment à présenter, et il est réputé, depuis toujours, être un proche du président du Faso. Il est notamment l’auteur d’ouvrages comme « Blaise Compaoré : la réincarnation du renouveau » et « Kouman », sortes de panégyriques du chef de l’Etat burkinabè. Pour autant, il ne revendique pas moins un "tempérament objectif".

Lui, c’est Alex Bamba, journaliste ivoirien. Faisant beaucoup aujourd’hui dans la consultation en « Relations internationales et diplomatiques », la semaine dernière, il a séjourné pour la nième fois dans notre pays, sa « seconde patrie ».

Dans l’entretien (réalisé avant la publication de la composition du nouveau gouvernement ivoirien) qu’il nous a accordé à son hôtel, toujours aussi volubile et emphatique, il martèle sa conviction en une résolution définitive de la crise ivoirienne et rend hommage au Burkina, qui a servi de cadre à cet Accord, lequel remet la Côte d’Ivoire sur les rails.

Dans quel cadre êtes-vous de nouveau à Ouagadougou ?

• Je suis à Ouaga comme chez moi. Je pense qu’il faut que nous retrouvions les valeurs qui ont fait la force et la fierté de nos peuples, qui se passaient de considérations administratives, culturelles, géographiques ou religieuses et surtout politiques ou politiciennes. Hier, nos parents se fréquentaient allègrement sans tracasserie aucune. L’histoire du peuplement de nos pays est là pour attester la véracité de ce que j’avance ; parce qu’en vérité, ces peuples se sont fréquentés, ont appartenu au même pays à un moment. La politique, bien qu’elle soit faite de perfidie et de vanité, ne doit en rien contrarier ce que la nature elle-même a consacré. Je suis donc là pour participer au renforcement des valeurs de fraternité et d’amitié entre ces deux grands peuples : ceux de Côte d’Ivoire et du Burkina Faso.

Vous séjournez dans notre pays un mois après la signature de l’Accord de Ouagadougou. Comment l’avez-vous accueilli ?

• En fait, nous ne sommes pas étranger à l’Accord ; nous y avons même travaillé pendant longtemps, et peut-être, c’est parce que nous avons fait confiance, que cela a été possible. Les Forces nouvelles (FN) sont nos jeunes frères, nos amis, qui défendent une cause qui est noble, parce que la Côte d’Ivoire est en proie à une crise identitaire inutile et, j’allais dire, bête et inintelligente. Dans un pays de brassage, on ne devrait pas inventer un tel concept (l’ivoirité Ndlr), ridicule, de la supériorité d’une ethnie sur une autre. Il fallait arrêter de "pinailler" sur le sexe des anges, car cette crise a détruit le tissu social et conduit à la dislocation de liens entre des individus, des familles, des sociétés que tout unissait.

Le "concept d’ivoirité" a été à la base, à 90%, des crises et notamment de la grave crise que nous avons connues et dont la résolution, par la grâce de Dieu, a été faite sur la terre du Faso. Une sorte de "terre promise" vers laquelle on retourne pour retrouver la paix, qui est le fondement de l’existence. Les deux pays ont été le même à un moment de l’histoire. La Basse Côte d’Ivoire a bénéficié de l’apport humain de la Haute Côte d’Ivoire. Au nom de la politique et de certains concepts surannés, pouvait-on continuer de catégoriser les Ivoiriens et de chercher à philosopher sur les origines des uns et des autres ?

Pour la résolution de cette crise, beaucoup d’accords ont été signés. Alors, qu’est-ce qui dit que celui de Ouagadougou est le bon ?

• D’abord, les Ivoiriens se sont retrouvés sur la terre du Faso pour parler, échanger fraternellement, dans l’amitié ; il s’agit d’un succès grandissime pour le peuple du Burkina Faso ; et d’une grande victoire morale pour le président Compaoré ; car que n’avait-on dit et entendu ? Ce seul fait, en lui même, est prémonitoire, parce que, c’est en terre africaine qu’ils se sont retrouvés, chez le frère, le voisin d’à côté.

En Afrique, lorsqu’on a des problèmes, c’est au frère ou au voisin d’à côté qu’on a recours pour y trouver solution. Ce conflit n’aurait pas perduré, mis le temps qu’il a pris si les acteurs n’avaient fait preuve de flagornerie, d’ostentation, de vanité, de prétention et de mépris de l’autre. Une société ne peut pas se bâtir, se consolider dans le mépris des uns par les autres, dans l’arrogance des uns vis-à-vis des autres ; il faut un minimum d’humilité et de fraternité.

Monsieur Bamba, pour vous, il n’y a donc plus aucun obstacle à la paix ?

• Je veux espérer qu’il n’y ait plus d’obstacles. Mais il y a beaucoup d’aspects dont on ne peut pas ne pas tenir compte. Le dialogue direct a été une chose, l’élaboration du cadre institutionnel en a été une autre, la mise en place du gouvernement va être autre chose, et l’exécution des tâches, encore une autre ; et puis, il y a le suivi au quotidien. Il y a aussi le processus de rassénération des esprits qui, lui, va être, me semble-t-il, la chose la plus importante ; il s’agit d’amener des gens qui n’avaient plus rien en commun à réapprendre à vivre ensemble. Ce fait va être, au-delà des postes, l’exercice le plus difficile.

C’est un discours nouveau qu’il va falloir tenir, un discours d’apaisement, d’humilité, de fraternité, un discours dépouillé de mépris ; sinon les mêmes causes pourraient produire les mêmes effets. Et cela n’est pas à souhaiter. Le nouveau gouvernement a une mission de salut public. L’Accord de Ouagadougou n’est pas la panacée, mais c’est un moyen d’aller vers la réunification, la décrispation et le retour aux valeurs fondatrices de la Côte d’Ivoire, une et indivisible, c’est-à-dire un grand pays, bâti par Houphouët-Boigny et ses amis de toutes les régions de la Côte d’Ivoire et de toutes les régions d’Afrique. Nous veillerons, modestement, à ce qu’il en soit ainsi.

Désormais, nous nous opposerons à ce que quel que petit politicien que ce soit ne vienne tenir des discours haineux pour déchirer encore ce pays. Nous saluons le peuple d’honneur du Faso et son chef, le Président Blaise Compaoré, pour la main tendue à ses frères. C’est un exemple.

Certains observateurs de la scène politique ivoirienne se demandent bien ce que Gbagbo, qui a voulu de ce dialogue direct et de Soro comme Premier ministre, peut avoir derrière la tête.

• Qu’est-ce que Gbagbo peut bien avoir derrière la tête, si ce n’est de se battre pour l’unicité de son pays. Il est historien, il connaît les faits. Lorsque le droit balbutie, c’est l’histoire qui vient à son secours. Le droit est dynamique, il pose les principes de base, organise la société, met en place un certain nombre de dispositions. Ce sont les hommes qui réfléchissent. Ils peuvent, dans un contexte donné, changer les choses. Mais l’histoire est infalsifiable, ce sont des faits. Gbagbo n’a pas d’autre choix que de rebâtir un pays.

Au moment où il était dans l’opposition, il a tenu un langage social et fraternel qui a plu. Beaucoup en Afrique se sont retrouvés dans ses discours. Je sais que quand il venait ici à Ouaga, beaucoup de gens se bousculaient pour le voir et l’écouter. Seulement, une fois au pouvoir, la politique et les avatars de la vie ont contrarié son projet originel de société. Cela a-t-il été de son propre fait ? ou bien est-ce que les choses l’ont surpris ? Ce sont des questions qu’on peut se poser.

Cependant, on ne peut pas lui denier la volonté de réunifier son pays et le désir de la paix pour son peuple. Il faut lui accorder le bénéficie de la bonne foi et croire qu’il n’y a aucun piège derrière. Il faut que dans l’esprit des uns et des autres, ce soit clair que nous allons vers la paix. Et gare à celui qui voudrait user d’astuce ou profiter de cette situation pour trucider l’autre. Tous ceux qui s’essayeront à ce jeu-là trinqueront. L’histoire regarde chacun.

Vous qui êtes l’ami de Blaise Compaoré, pensez-vous qu’avant d’être pompier, il a été pyromane dans cette crise comme beaucoup l’en ont toujours accusé ?

• Moi, je suis objectif et réaliste. Il est très facile de porter des accusations en Afrique. On jette l’anathème ou la pierre sur les gens et cela sans aucune preuve. Tous ceux qui ont accusé le président du Faso n’ont jamais pu apporter une seule preuve de ce qu’ils avançaient ; aucune preuve palpable, vérifiable, n’a été apportée ; je dis bien aucune ! J’ai écouté, mi-amusé, mi-amer, ces accusations pendant 5 ans. Durant cette période, je suis resté volontairement silencieux en Côte d’Ivoire et j’ai assumé mon amitié ainsi que ma fraternité avec Blaise Compaoré. C’est cela, être un homme.

Je suis aussi ami avec Hermann Yaméogo, tout comme avec Halidou Ouédraogo ; parce que je suis un homme ouvert, un homme de dialogue, de compromis dynamique, de consensus. Et le président Compaoré, qui a les vertus d’Houphouët-Boigny, encourage la fraternité. Cette disposition d’esprit m’autorise à avoir des amitiés plurielles. J’aime à dire que le président du Faso est un homme ouvert, généreux. Je me plais à dire qu’il est l’archétype du citoyen africain, social et sociable, qui ouvre sa maison aux autres, qui les aide à résoudre leurs problèmes, qui tend la main, qui écoute et apporte son aide. Cela peut ressembler à du dithyrambe. Mais non ! Ce sont des faits qui sont vérifiables.

Blaise Compaoré a été injustement accusé et cet Accord de Ouagadougou vient le laver de tout péché. C’est ce qu’on appelle la justice immanente. Les faits ont rétabli la vérité, puisqu’on ne peut pas confier son sort à celui qui a cherché à vous crucifier. Laurent Gbagbo est très ami avec Blaise, il faut que vous le sachiez. Il faut les encourager à approfondir les valeurs d’amitié, qu’ils cultivent.

Justement, vous qui êtes l’ami de Blaise Compaoré, quel genre de relation entretenez-vous avec Laurent Gbagbo ?

• J’ai des relations courtoises et fraternelles avec lui. J’aurais pu en avoir plus si j’avais été quelqu’un qui recherchait le profit. Dans cette crise-là, je suis resté digne. Partout où je passais en Côte d’Ivoire, on me montrait du doigt : "Voilà l’ami de Blaise". J’ai assumé. C’est cela, être digne et le rester.

N’avez-vous pas eu de problème à cause de cela ?

• Non ! Parce que le président Gbagbo connaît la vérité, il sait que j’ai en aversion la violence et tout ce qui est en rapport avec la violence. J’ai d’excellents rapports avec Laurent Gbagbo. J’ai eu l’attitude qu’un ami a lorsque surviennent des malentendus entre deux amis, deux frères africains. J’en connais qui ont perdu leur dignité. Grâce à Dieu, petit à petit, nous allons vers la sortie de crise. Mon souhait est que Gbagbo et Soro travaillent à faire en sorte de ne pas rechuter.

Les ragots ne manqueront pas. Mais la valeur historique de la mission doit transcender les commérages. Il faut travailler à consolider nos liens d’amitié et de fraternité, séculaires. C’est un bel exemple que le Burkina et son chef ont donné. C’est une très grande leçon de sagesse africaine.

Propos recueillis par San Evariste Barro

L’Observateur

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