Pourtant, tout n’y est pas, le 13ème morceau, sans être le judas du lot, se cache sur le site www.Smockey.net, tranchant et véridique. L’auteur y dit son ire contre l’impunité, dans " à qui profite le C " (Suivez mon regard !).

Après le succès de ses précédents opus, d’aucuns s’attendaient à ce que ce porte flambeau du rap burkinabè " s’assagisse ", se recroqueville dans la résignation. Mais lui n’a pas fini de taper à la porte pour se faire entendre des locataires de la République. A quoi ça sert de baisser la garde quand le mal qu’on dénonce depuis le berceau croit et développe des tentacules sournoises et pernicieuses ?

Son épée à lui, c’est sa musique, bâtie sur des paroles claires et dérangeantes de véracité. Cela fait mal au point que l’artiste subit de l’auto censure de la part de nombreuses stations radio, voire d’organisateurs de spectacles. Mais, l’arrangement est souvent si musicalement parfait que ceux qui sont indexés à travers ses textes se surprennent à chantonner certaines mélodies. " Ça ne vaut pas la peine d’être résigné.

Au moins, si les choses changeaient, on pourrait se dire qu’on arrête parce que cela a servi à quelque chose, mais comme ce n’est pas le cas... " Alors, il s’est invité à l’élection présidentielle avec un single Votez moi ! Grand succès médiatique avec en plus un accroissement du capitale de sympathie au profit d’un artiste cool et sympa, qui ne veut pas se contenter seulement de rire comme ce bon gros nègre de la colonisation (Bannania ya bon !).

Très critique, Smockey s’attaque au passé de son peuple depuis l’esclavage et au présent en situant chacun sur sa responsabilité. "... Si aujourd’hui nous sommes fiers, c’est parce que des frères sont tombés pour nous ".

Son Rap, il le produit à force de travail et de recherche. Cette recherche qui l’a conduit à retrouver sur une bande audio, des voix d’un vieux Bissa disparu depuis les années 60. Ce mixage avec le rythme rap est soutenu par les castagnettes du terroir et cela donne un cocktail, tout simplement beau.

Pour le clin d’œil au pays des pères, Smockey n’est pas à son premier essai. Son ambition, c’est d’évoluer l’esprit ouvert à tous les rythmes qui savent parler à l’âme et au cœur. Alors, le critique se transforme en autocritique, lorsqu’il reconnaît les insuffisances qui marquent le genre et le monde musical qu’il affectionne.

Kundé d’or 2006, Smockey a la bougeotte et il le dit fort : " J’ai envie de bouger !". Résultat, depuis fin 2005, son studio Abazon a élu domicile du côté de la sale de cinéma du quartier Wemtenga, dans le secteur 29 de Ouagadougou. Les aménagements qui s’y déroulent visent à transformer cet ex-relais bar bien connu des étudiants des années 1985, en un véritable lieu de retrouvailles culturelles.

Derrière l’élégance des murs peints, Smockey et sa compagne constituent la cheville ouvrière de ce qui donne l’impression de fonctionner avec un staff d’une vingtaine de personnes. Quel punch ! Pour ne pas faire dans le toc, l’artiste qui en produit d’autres, ne s’engage pas à prendre plus de deux compères par an sur ses épaules.

En plus de la production, il y a les arrangements. Abazon, c’est donc du deux en un, ce qui n’empêche pas Smockey de tourner. Dix villes moyennes sont sur son chemin dès fin mars 2006. Du pays Bissa à l’Est au pays Kasena au Sud-est, il va à la rencontre de ses fans après avoir remporté un succès fou au Reemdoogo en mi-mars.

Et puis, ce sera la France, la Gambie...Représentant au Burkina Faso avec Smarty, d’Artiste Unis pour le Rap Africain (AURA), ce réseau de rappeurs africains de renom (Awadi, Priss k, Smarty, Xuman, etc.) qui a mis les histoires extraordinaires des enfants du Poto-Poto sur le marché, Smockey continue de faire sortir les jeunes de l’ombre. La part des ténèbres qui est une compil de talents naissants est sa contribution à l’éclosion des carrières de ses frères.

Le volume 2 est en cours, pendant que Sandy Nama, lauréate du Karaoké 2006, prépare son premier album dans la marmite Abazon. Le marché du rap n’est pas facile mais Smockey s’accroche et innove à toute occasion pour séduire son public par une autre approche, et cela a l’air de donner. "

La collaboration facilite la créativité et ressert les liens entre artistes ", dit-il pour expliquer sa propension au featuring. Avec l’album Zamana, Djata, Sami Rama Yeleen, etc. avaient apporté leurs voix amicales, cette fois, Awadi le cousin de Dakar, est encore là et Faso Kombat aussi. La force de son combat, Smockey la trouve dans la joie des mélomanes qui, grâce à la magie de son art, ne se comptent pas que chez les ados, contrairement aux idées reçues sur son genre musicale.

Au début de sa carrière, lui et ses potes disaient être sur la " défensive, parce qu’ils se sentent en permanence agressés. " Avec Code noir entièrement réalisé, par l’artiste de bout en bout, la position d’avant-garde de l’enfant terrible du Rap burkinabè se confirme en mot et en son. Bon vent l’artiste !

Ludovic O. Kibora

L’Evénement