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Valentin AGON, spécialiste de la médecine verte : « L’Afrique est malheureusement une chaîne de mains tendues »

Publié le jeudi 22 mars 2007 à 07h57min

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Valentin AGON

De Cotonou à Niamey en passant par Ouagadougou, Bamako, Conakry, Abidjan... les remèdes naturels de l’ONG API-Bénin international sont utilisés par les populations. Devenu il y a quelques temps une société, API-Bénin international n’en demeure pas moins, à travers ses remèdes naturels, une solution aux problèmes de santé des populations africaines.

Utilisant les plantes et les abeilles (miel, pollen, gelée royale, venin d’abeille et les enzymes salivaires des abeilles) pour finalement aboutir à des remèdes naturels, API-Bénin, selon son premier responsable, M. Valentin AGON, se veut aussi une locomotive pour la valorisation des savoirs locaux et des richesses des plantes africaines. « En Afrique, la nature nous a tout donné pour la prise en charge de notre santé », déclare-t-il avec certitude. Nous l’avons rencontré lors de son séjour à Ouagadougou pour vous. Il commence par se présenter.

Valentin AGON, originaire du Bénin, praticien de santé (spécialiste de médecine verte) diplômé de CMDQ-CANADA et formé à la faculté CALIXTO GRACIA de CUBA, je suis avant tout un cadre gestionnaire diplômé de CIESA-CANADA et chercheur en développement régional, je poursuis mes études pour une expertise en développement durable à Maine en France et une spécialité en pédagogie du changement social et du développement à l’université de Ouagadougou. Je suis le directeur général de API-Bénin International et président de l’ONG Initiatives et Stratégies pour le développement (ISD).

Pouvez-vous nous présenter API-Bénin international ?

Valentin AGON (V.A) : API-Bénin international est une organisation qui au départ s’est lancée pour la valorisation des abeilles, parce que c’est une ressource inexploitée, pour ne pas dire une richesse inexploitée. Des abeilles nous sommes partis aux plantes pour la simple raison que les plantes sont aussi une ressource inexploitée. Et nous travaillons à mettre en valeur le capital végétal de l’Afrique, que nous baptisons « l’or vert » de l’Afrique.

ONG au départ, API-Bénin international dans la dynamique de ses objectifs a pris une autre dimension pour devenir une société. Nous avons un conseil d’administration et des annexes dans plusieurs pays de l’Afrique.
Nous avons une unité centrale de production avec 4 sous-unités : une unité de production botanique, une unité de transformation, une unité de transformation intermédiaire, une unité de transformation finale et une unité de conditionnement et d’expédition au plan national et international.
Le siège de API-Bénin international est basé à CANA, 110 km de COTONOU.

Pourquoi avez-vous opté pour l’utilisation des plantes et des produits des abeilles dans la fabrication de vos remèdes ?

V.A : Comme je l’ai dit, les abeilles et les plantes constituent des ressources non exploitées. Chaque région du monde essaie de mettre en valeur le potentiel de son environnement. Mais, l’Afrique continue de considérer qu’elle n’a rien alors qu’elle dort sur des richesses inexploitées. Dans nos régions, nous avons les abeilles qui produisent du miel dans les troncs d’arbres mais en petite quantité ; mais si ces abeilles sont transposées dans des ruches fabriquées, elles produisent beaucoup plus que dans la nature.

Avec donc des ruches modernes, on peut imposer un autre rythme de travail aux abeilles pour profiter de la nature. C’est pourquoi, nous conseillons aux paysans d’associer l’apiculture à l’agriculture pour pouvoir se prendre en charge dans les périodes de soudure.

A cela il faut ajouter que le miel entre dans la composition de plusieurs remèdes et autres produits pour la santé. Quant aux plantes, vous savez que depuis des millénaires nos grands parents les utilisaient pour se soigner. Mais dès la colonisation, les colons ont choisi de décourager les Africains quant à l’utilisation des plantes pour se soigner. On a donc appris par-ci par-là que les plantes tuent, ce qui est bien évidemment faux.

Vous utilisez les plantes et les abeilles pour fabriquer des remèdes naturels. Parlez-nous de ce que vous avez pu faire dans le domaine du VIH/SIDA ?

V.A. : Au regard de l’ampleur de la maladie et de ses conséquences pour notre société, nous avons fait plusieurs recherches qui ont abouti à un produit que nous avons breveté. Notre produit est une réponse africaine à la pandémie du VIH/Sida, car il est vraiment temps que l’Afrique puisse se prendre en charge dans le domaine de la santé.

Le produit que nous avons trouvé est une substance que nous avons tirée d’une plante et qui baisse les charges virales et restaure les CD4 du corps du malade. Nous comparons souvent l’infection au VIH/Sida à un feu de brousse. L’amplitude du feu représente la charge virale et l’espace déjà brûlé représente les CD4 du corps éliminés par le virus. Si le feu s’éteint et les conditions climatiques favorables, les herbes vont repousser. Si on diminue la charge virale, les CD4 se restaurent si le malade se nourrit bien. Nos produits, pour les apprécier, il faut bien évidemment utiliser ces deux paramètres biologiques.

Pour un malade infecté, il faut deux analyses : la première c’est la charge virale. Vous quantifiez le nombre de virus que le malade a à l’instant « T », vous utilisez le produit, que nous avons baptisé « API-Sida » où apivirine, pendant quelques semaines et vous allez refaire la même analyse pour apprécier la capacité anti-retrovirale du produit deux à quatre mois après, vous pouvez faire une autre analyse pour les CD4 pour voir si l’immunodéficience qui était constatée est en cours de restauration.

Vous avez mené aussi des recherches dans le domaine du paludisme. Quels sont vos résultats ?

V.A. : C’est un constat, chaque jour en Afrique le paludisme fait des ravages, surtout au niveau des enfants de 1 à 7 ans et les femmes enceintes. Nous sommes donc très touchés par cette maladie. Et nous avons décidé de le combattre, puisque personne n’est épargnée et en 72h l’homme peut perdre sa vie. Nous avons donc mené nos recherches toujours avec les plantes.

Nous avons commencé ces recherches depuis 2003 et en 2005 nous avons pu séparer un principe qui a un effet immédiat sur le paludisme. En 2 ou 3 jours, la densité parasitaire, le plasmodium est vite éliminé. Une seule cuillère à soupe élimine au moins 300 plasmodiums selon nos recherches. Nous appelons le produit API-Palu et il donne aussi de très bons résultats.

Vous avez breveté votre produit « API-Sida ». Quelle est l’importance de ce brevet ?

A.V : Vous savez que l’Afrique a toujours perdu ses ressources. Il y a une véritable campagne de piraterie, des ressources en Afrique. Et aujourd’hui, c’est ce que nous appelons la « bio-piraterie ». Il y a beaucoup de chercheurs occidentaux qui viennent installer des petits laboratoires dans nos pays ou délèguent de petits chercheurs ou des étudiants chercheurs, qui vont dans les campagnes et avec de petites sommes d’argent, ils arrivent à « soutirer » nos savoirs auprès des populations, des tradi-praticiens et autres et en retour, ils vont profiter de ces savoirs en les brevetant et en les vendant. Nos savoirs ancestraux sont vendus tous les jours.

Je prends un exemple sud-africain. Il y a une plante que les chasseurs Sud-africains utilisaient pour « couper » la soif et la faim. Le principe actif de cette plante est aujourd’hui pillé, breveté et commercialisé aux USA et en Angleterre. C’est un vol inqualifiable. Et c’est ainsi que tous les jours les ressources de l’Afrique sont pillées par les occidentaux. Il faut que cela cesse.

Quels sont vos partenaires sur le plan extérieur ?

V.A. : Au niveau extérieur, nous avons des Belges, des Français et Canadiens qui coopèrent avec nous. Nous avons des partenaires à Besançon en France qui nous représentent. Il y a un laboratoire à Besançon en France qui coopère avec nous pour la recherche sur des molécules.

Travaillez-vous avec des structures au niveau du Burkina ?

V.A. : Nous avons notre représentation au Burkina, à Ouagadougou. En plus de cela, nous avons une collaboration au sein de l’université, avec les responsables du programme DEDA. Nous n’avons pas encore développé une stratégie de mise en valeur de nos recherches au niveau du Burkina. Nous avons aussi tenté une collaboration avec l’hôpital Yalgado, la directrice nous a répondu. Nous cherchons à rencontrer des professeurs chercheurs dans le domaine de la santé. Nous avons appris que la présidente de l’université mène des recherches très poussées, de même que le Professeur GUISSOU, nous allons essayer de les rencontrer pour un partenariat Sud-Sud en matière de recherches sur les plantes.

Vous avez dit une fois que l’Afrique ne doit plus continuer à confier sa santé à l’occident. Qu’est-ce que cela veut dire ?

VA : L’Afrique reste et demeure toujours dépendante. Pour citer une illustre personnalité Burkinabè qui a dit « consommons ce que nous produisons, produisons ce que nous consommons ». Il a ajouté ce que l’homme peut penser, il peut le réaliser s’il le veut. L’Afrique doit donc se libérer du joug occidental sur tous les plans. L’Afrique comme j’aime à le répéter, ressemble à un héritier qui dort sur les richesses de son père décédé et qui ignore qu’il dort sur des richesses et passe son temps à tendre la main. Vous constaterez que l’Afrique est malheureusement une chaîne de mains tendues. Les enfants tendent les mains aux parents, les parents tendent les mains à l’Etat et l’Etat tend les mains à l’extérieur, bailleurs de fonds et autres partenaires.

Y-a-t-il une différence entre un herboriste, un tradipraticien et un spécialiste de la médecine verte ?

V.A : La médecine verte est une nouvelle notion. Elle est née à Cuba. Etant sous embargo américain, Cuba s’est retourné vers ses ressources naturelles, les plantes. Cuba, grâce à ses plantes, fabrique aujourd’hui des médicaments pour ses populations.

Les feuilles d’Eucalyptus que nous « piétinons » ici sont une richesse à Cuba. A partir de 100kg de feuilles d’Eucalyptus à Cuba, on a une quantité importante d’huile essentielle dont quelques gouttes dans 100ml de miel suffisent pour fabriquer un médicament efficace contre la toux et les problèmes de bronchites.

Cuba a inventé le concept de la médecine verte à cause de la couleur verte des plantes. C’est une médecine améliorée qui cherche à extraire de manière scientifique, non pas une molécule de la plante mais tout une famille de molécules pour en faire des médicaments. Une molécule séparée de sa famille n’a plus son effet naturel ou a un effet précaire. Alors qu’il nous faut développer une politique de santé durable. Vous remarquez que la plupart des produits pharmaceutiques importés, surtout les antibiotiques, échouent.

De même les produits antipaludéens ont échoué à cause des résistances. Alors que les produits issus de plantes ne connaissent pas de résistance. Les tradipraticiens et les herboristes utilisent les plantes mais pas de manière scientifique. A ce niveau, ils s’arrêtent à la décoction ou à la macération non quantifiée...
Avec la médecine verte, on sait de manière scientifique la quantité de famille de molécules utiles à extraire de la plante...et comment les transformer en médicament.

La valorisation passe par la présentation des produits (flacon, gélule...)

V.A : Oui, c’est vrai. Mais c’est une question de moyens et d’évolution. Regardez ici au Burkina, vous avez des professeurs qui fabriquent des médicaments en gélules. C’est le cas de l’institut de recherche en science de la santé avec le Pr GUISSOU. C’est vraiment très bien et c’est encourageant pour l’Afrique et les Africains.

A Cuba, la médecine verte est totalement moderne.
Chez nous au Bénin, nous souffrons un peu du manque de moyens financiers et techniques, ce qui fait que nous avons une présentation semi-moderne, nous avons aussi des gélules. C’est pourquoi, nous voulons coopérer avec les chercheurs burkinabè pour une présentation plus modernisée de nos produits. Mais il n’y a pas d’inquiétude sur la valeur de nos produits parce que la standardisation est parfaite. Mais vous avez raison, en matière de produit c’est d’abord la présentation qui convainc. Ici l’habit fait le moine.

Il faut que les gouvernements africains s’intéressent à la médecine verte et y mettent les moyens qu’il faut.o

Interview réalisée par Idrissa BIRBA

L’Opinion

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