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France-Afrique : Sarkozy mord et souffle

Publié le vendredi 2 mars 2007 à 08h37min

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L’atmosphère générale qui a marqué le dernier sommet Afrique/France à Cannes aura été sans conteste celle des "adieux" des chefs d’Etat africains à leur "frère" et "ami"... Jacques Chirac, en fin de mandat à la tête de la République française.

Comme à toute cérémonie d’adieux, il y a eu des pleurs et des rires, des regrets et des espoirs, explicitement exprimés ou coincés dans les coeurs des uns et des autres, faute de force ou de conviction pour le faire avec clarté.

Le problème reste cependant le même du côté de l’Afrique en tout cas : l’assistance politique, économique et diplomatique de la France sera-t-elle toujours nécessaire au développement de l’Afrique, dans sa forme actuelle (très profondément marquée par le chiraquisme, héritier fidèle du Gaullisme, au moins pour ce qui est de la politique africaine de la France depuis les indépendances africaines sur fond de loi cadre de 1958) ou, au contraire, comme semblent le regretter plusieurs des "roitelets" africains qui auraient peur de l’avenir d’une Afrique sans la France de Chirac, celle-ci va-t-elle changer ? Dans quel sens ? Pour continuer à "sauver des trônes" ou pour privilégier les intérêts des peuples africains ? Ces deux faces de la réalité pouvant être inconciliables dans bon nombre d’Etats de l’Afrique au sud du Sahara.

C’est dans un tel décor général, de l’état et de la nature des relations historiques entre la France et l’Afrique, qu’il faut comprendre les positions de Nicolas Sarkozy et même ses ambitions au sujet de ce qu’il compte faire des futures relations franco-africaines, s’il venait à accéder à la magistrature suprême de son pays, des positions qu’on pourrait considérer comme un "tournant" de l’histoire. En terme de contexte, il convient d’ajouter le fait aussi pathétique qu’objectif de la baisse régulière du poids de l’Afrique sur l’échiquier mondial, où elle est progressivement marginalisée.

Même si, pour la France - au moins - sauf si l’on fait preuve soit de myopie politique, soit d’ignorance pour un candidat français, il reste évident que le continent noir compte et comptera encore beaucoup. Que ce soit sur les plans économique, politique ou diplomatique, la France n’occupe sa place et ne justifie sa force que grâce à l’Afrique et à leur histoire commune. C’est d’ailleurs pour cela, entre autres, que l’Afrique, dans un sens comme dans l’autre, représente un enjeu politique stratégique des campagnes électorales françaises et des programmes politiques des candidats ou gouvernements de France. Pour preuve, le ballet des candidats à la future présidentielle française sur le continent sous des prétextes divers.

Les positions politiques de Nicolas Sarkozy sur l’Afrique et la politique africaine de la France sont connues, globalement.

En plus de ses déclarations sur l’immigration africaine en France et en Europe, qui se rapprochent des positions du Front national, viennent s’ajouter ses intentions de fermer les bases militaires françaises sur le continent (là où elles existent encore !) et qu’aucun des chefs d’Etat bénéficiaires n’a envisagé (même pas Laurent Gbagbo), et ses intensions d’en finir avec les "relations de complaisance", du "tu à toi" avec les présidents africains qui prévalent effectivement. Sarkozy va-t-il aussi démanteler la cellule africaine de l’Elysée qui fonctionne sans discontinuer depuis De Gaulle, comme la chasse gardée des présidents français (toutes couleurs politiques confondues), échappant ainsi pour beaucoup de ses missions au contrôle de la diplomatie officielle ?

En soi, ces dernières mesures annoncées de Sarko ont toutes l’allure d’une volonté de leur auteur de contribuer à asseoir et à consolider la souveraineté des Etats africains, à respecter et à faire respecter la volonté des peuples africains et leurs droits de désigner en toute indépendance les dirigeants qu’ils souhaiteraient avoir pour leur pays. En effet, la politique française de l’Afrique qui justifie, légitime et finance les sommets, vise plus à imposer aux peuples d’Afrique les hommes et les femmes qui font l’affaire de Paris et rarement celle des peuples. Souvent, contre les peuples et le développement véritable du continent. Sarkozy se présente, pour ainsi dire, comme un "Monsieur Afrique new look" et très certainement ce n’est pas le peuple africain qui s’en plaindra.

De là à penser qu’il chérit plus le peuple africain que ses dictateurs qu’il promet de ne plus soutenir et maintenir vaille que vaille sur leurs trônes au point de saper systématiquement les intérêts de la France au profit de ceux de l’Afrique, il y a un pas.

En fait, Sarko souffle le chaud et le froid sur l’Afrique. Comme on dit , il mord et il souffle, telle la souris, pour éviter de se démasquer et d’être pris avant d’avoir mordu. Mordre étant son but ultime ! Sarkozy aime-t-il plus l’Afrique que De Gaulle et Chirac ? Encore qu’il ne s’agit pas d’aimer : "la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts" ! Nicolas Sarkozy n’y peut rien, et la France est encore incapable d’imposer une autre orientation à la politique néo- libérale mondiale actuelle. Peut-être Sarkozy apportera-t-il des "nuances" à la politique africaine de la France. Peut-être, et même certainement, changera-t-il d’"amis" ou en créera-t-il de nouveaux en Afrique.

Mais il ne pourra jamais, par simple volontarisme et obsession antichiraquienne , faire en sorte que les intérêts de la France ne soient pas liés à l’Afrique, au moins pour longtemps encore. La meilleure leçon que l’Afrique pourra tirer des rêveries éveillées de Sarkozy, c’est qu’elle ne pourra se développer à travers le bien- être continu de son peuple qu’en comptant sur elle-même, en toute souveraineté et avec dignité. L’Afrique devenue orpheline du Gaullisme s’émanciperait peut-être plus vite. Pourquoi pas, en faisant une surprise à Sarko.

Le Pays

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