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Commercialisation primaire du coton : Après l’orage

Publié le vendredi 2 mars 2007 à 08h29min

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Depuis début février, le sourire est de retour dans les campagnes du bassin cotonnier burkinabè. Après de longues et éprouvantes semaines d’attente, fait inhabituel, les producteurs ont commencé à être payés.

Sa production avait été pesée depuis novembre puis transférée à Banfora I où il était, à nouveau, passé sur la bascule pour en retenir le poids réel après avoir comparé la charge usine avec la pesée brousse ; l’égrenage avait même commencé et avait atteint sa vitesse de croisière de 400 tonnes/jour ;

Soulama Seydou, le président du Groupement des producteurs de coton (GPC) Gouana Kénafa (l’Union fait la force en tcherma) du secteur 6 de Niangoloko avait même fait sa demande de paiement depuis belle lurette ; le chef de zone avait transmis le dossier au chef de région qui, à son tour, avait fait une demande de fonds à Bobo, mais deux bons mois après, le long processus qui mène à la caisse n’avait toujours pas abouti.

En temps normal, une semaine, 10 jours tout au plus, après l’enlèvement, on payait, dès le mois de novembre donc. Mais cette année, "il y a à peine dix jours que le premier chèque a été émis ; c’était exactement le 15 février", confie Achille Batiébo, le chef d’usine de Banfora I le mercredi 21 février dernier. A cette date, 351.361.897 francs CFA avaient été décaissés ici (après récupération des crédits) mais les ristournes (pour la presse et le ramassage) avaient déjà été payées.

Le Président Soulama et son secrétaire général Héma Haïdougou ont donc, enfin, pu récolter les fruits des efforts des 33 membres de leur GPC même si, pour le premier cité, pris à la gorge par les crédits, ce n’est pas la joie.

De mémoire de cotonnier, c’est bien la première fois qu’ils ont dû attendre aussi longtemps pour percevoir leur dû. Savent-ils seulement pourquoi ils en sont arrivés là alors qu’ils s’attendaient, comme à l’accoutumée, aux paiements précoces dès novembre-décembre ? "Il semble qu’il n’y avait pas d’argent, que la Sofitex a des problèmes, que c’est le marché mondial...", ose Bamba Daouda du GPC "Allah kasson" de Baguéra (Loumana) dans la Léraba.

Les producteurs ont été compréhensifs

De fait, lors des forums et même après à intervalles réguliers, comme pendant les rencontres des comités de suivi de la commercialisation, les paysans, selon les responsables de la Société des fibres textiles du Burkina (SOFITEX), ont été tenus informés des difficultés que traverse la filière, notamment leur chef de file qui enregistre des déficits ces derniers exercices.

La société a également appelé à la compréhension des producteurs tout en promettant de régler le problème dans les meilleurs délais. "Nous avons largement informé les producteurs et compte tenu de leur maturité, ils ont pris la chose avec philosophie ; même si c’est toujours désagréable d’attendre son dû, ils ont été compréhensifs", assure Moumouni Zetyenga, chef d’usine de Houndé II qui assurait, lors de notre passage le 22 février dernier, l’intérim du chef de région (CR). Même son de cloche chez Abdoulaye Koumaré, le CR du Sud-Ouest qui signale au passage que leurs détracteurs ont voulu profiter de la situation pour semer la zizanie, en vain.

A Diébougou, du 9 au 12 février, période des premiers décaissements (les deuxièmes étaient attendus incessamment), 567 millions avaient été distribués, auxquels il fallait ajouter 78 millions de ristournes. A Houndé, 1 milliard 141 millions représentant 26% de la production attendue dans cette région avaient été payés entre le 7 et le 10 février mais déjà, fin février, les ristournes de 111 000 tonnes, soit 280 millions environ, avaient été remises.

"Certains ont dit aux producteurs que la Sofitex n’allait même pas les payer et qu’on leur avait bien dit de faire autre chose que du coton", rapporte M. Koumaré, entouré en ce jeudi midi de Lassina Hébié, le responsable de la commercialisation primaire et de son chef d’usine, Yves Dah. Contrairement à d’autres régions où la situation a quelquefois engendré des problèmes d’enlèvement et donc d’approvisionnement des usines d’égrenage en coton, obligeant les machines à des arrêts forcés comme à Banfora, à Diébougou, on n’a pas connu de rupture et à l’allure de 350 tonnes en moyenne égrenées chaque jour, les 37 000 tonnes plus les 16 000 attendues du délestage de la Sissili devraient être liquidées d’ici fin avril.

Marché mondial-là, c’est où ?

L’orage est donc passé même si certains gardent une certaine dent contre "les fonctionnaires" de la Sofitex. "On nous dit qu’il n’y a pas d’argent et pourtant les travailleurs qui sont dans les bureaux climatisés et qui roulent dans des voitures confortables continuent de toucher leurs salaires. C’est donc seulement pour les paysans qu’il n’y a pas d’argent alors que ça aussi, c’est notre salaire", fait remarquer Sawadogo Moussa du GPC "Nongtaaba de Moumouni" au secteur 4 de Houndé.

"Si ce n’est pas parce que nous n’avons pas la force, si quelqu’un ici fait 3 mois sans salaire, un journaliste n’osera même pas s’approcher de lui pour lui demander son sentiment" lâche-t-il dans l’hilarité générale, avant de poursuivre : "Si ce n’est pas cette année, on n’a jamais fait deux semaines sans avoir notre argent. On nous parle de marché mondial, mais ce marché mondial- là, c’est où ?".

Reconverti dans l’agriculture après avoir été déflaté, en 1994, de Faso Yaar, il reconnaît pourtant qu’il tire son épingle du jeu. "J’ai quitté Faso yaar sans avoir une maison mais depuis que je cultive du coton, j’ai pu acquérir un chez-moi", confie-t-il. Comme quoi, malgré tout ce qu’on en dit, malgré un prix d’achat au producteur qui est passé de 175 francs cfa/kg (pour le premier choix) la saison 2005/2006 à 165 francs, cette année, et qu’on espère ne chutera pas à nouveau ; malgré donc les aléas de toutes sortes, l’or blanc continue de nourrir son homme.

Le coton permet de cultiver du... maïs

C’est ce que répondent en chœur nos différents interlocuteurs quand nous leur demandons pourquoi malgré leurs récriminations, ils ne se résolvent pas à faire autre chose si ça ne leur rapporte vraiment rien. "On est toujours dans le coton parce qu’on n’a pas encore trouvé d’autres solutions" répond, amer, Moussa Sankara originaire de Téma-Bokin et installé à Houndé depuis 1990.

Traoré Zakaria de Fouroukoura (Niankorodougou) ne dit pas autre chose. "Quand on défalque les crédits, c’est parfois très dur pour certains, qui cèdent quelquefois au découragement. Quelques-uns réduisent leurs superficies ou même abandonnent mais la plupart sont obligés de revenir car le coton, on l’oublie souvent, permet aussi de supporter les frais des autres cultures".

En effet, dans ce bassin cotonnier où, quoiqu’on dise, l’incidence de la pauvreté est moindre et la famine quasiment inconnue, les intrants utilisés dans la culture de l’or blanc servent également pour les céréales, notamment le maïs. Les agents de terrain de la Sofitex encourageant même les producteurs à faire, non pas exclusivement du coton, mais de la culture intégrée, à raison de 50-50. Encore que le paysan n’ait même pas besoin qu’on le lui dise.

Maintenant qu’ils sont passés à la caisse après de nombreuses semaines d’attente et après avoir remboursé, à la source, les différents crédits (court terme, moyen terme, UNPCB), les producteurs ont retrouvé le sourire quelle que soit la modicité de la somme qu’ils ont engrangée.

"Qu’importe si on nous paie le kilo à 200 ou à 150 francs, l’essentiel est qu’on engrange rapidement nos maigreurs pour ne pas contracter des prêts ruineux ou être obligés de vendre notre maïs ou notre bétail pour survivre", lâchent ces braves travailleurs de la terre qui espèrent que pareille situation ne se reproduira pas.

"On a pris des mesures pour éviter que ça arrive de nouveau. Nous pensons que ce retard, pour le moins historique, est passager", assure-t-on du côté de la Sofitex où on rappelle que pour la saison à venir, les cotonniers ont pris l’engagement sinon de franchir, du moins d’effleurer la barre du million de tonnes de coton graine.

Une croissance exponentielle dont on ne sait pas quand elle va s’arrêter mais qui n’est pas toujours sans poser des problèmes. Il est vrai cependant que la recapitalisation (1) de la maison que dirige Célestin Tiendrébéogo lui a donné un nouveau souffle, et donc aussi à toute la filière, et que des mesures structurelles (comme le fonds de lissage) sont en train d’être prises à l’échelle nationale et au plan sous-régional pour atténuer ce blues de l’or blanc qui broie du noir, depuis quelques années, à cause notamment des subventions que les pays riches accordent à leurs cotonculteurs.

Ousséni Ilboudo

Note :

(1) A l’issue d’une Assemblée générale des actionnaires tenue courant juillet 2006, le capital social de la SOFITEX est en effet passé de 4,4 à 38,8 milliards de francs CFA.

L’Observateur Paalga

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