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Dialogue direct inter-Ivoirien : Ouagadougou ouvre une nouvelle ère

Publié le mercredi 28 février 2007 à 08h31min

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Banny, ADO et Gbagbo

Au milieu des années quarante, deux grandes puissances européennes sortaient tout juste d’une guerre de plus. En seulement soixante dix ans, la France et l’Allemagne, en effet, s’étaient affrontées par trois fois.

Le premier conflit mondial n’avait pas fait moins de trois millions de victimes dans ces deux pays, 1 300 000 morts en Allemagne et 1 400 000 morts en France.
Au lendemain du dernier conflit qui engendra, sans doute, plus de cinquante millions de victimes (deux fois la population du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire réunis), dont près de 5 millions en Allemagne et plus de cinq cent mille en France, le ressentiment était partout.

Quoi de plus naturel puisqu’en soixante quinze ans, les deux pays avaient passé quinze ans à se combattre !
Tant en France qu’en Allemagne, rares étaient les familles qui ne comptaient pas de disparus, et pas seulement à Verdun où plus de sept cent mille soldats - dont de nombreux africains - périrent lors d’une seule bataille !
Et pourtant, très vite, malgré ces morts le temps a fait son œuvre. De part et d’autre du Rhin, le pardon et l’amitié ont pris le pas sur l’esprit de revanche.

Bien sûr, ce fut progressif et l’amitié franco-allemande n’est vraiment apparue que par le génie de deux hommes. Dès le début des années soixante, le général de Gaulle et le chancelier Adenauer ont initié ces nouvelles relations, malgré des opinions publiques et internationales pour le moins sceptiques. Puis les rencontres sont devenues des sommets réguliers.

On ne compte plus aujourd’hui les sommets franco-allemands. On célèbre partout ce couple moteur d’une Europe pacifiée. Les symboles en ont marqué l’histoire. Il y eut toujours des hommes pour cela : de Gaulle - Adenauer, puis Giscard- Schmidt, puis Mitterrand - Kohl et Chirac - Schroder.

La poignée de mains de deux présidents recueillies sur les champs de Verdun montre bien qu’avec la volonté des hommes tout est toujours possible.
Aurait-on imaginé voici un demi-siècle que l’Allemagne pourrait représenter la France à l’occasion d’un sommet européen ? Pouvait-on concevoir un jour une défense commune ? Ce qui était inconcevable pourtant ne l’est plus et parfois même s’est traduit dans les faits.
Car l’Histoire évolue et c’est le fait des hommes. Sans la vision partagée et le sens de l’intérêt supérieur, de Gaulle et d’Adenauer, rien n’eut été possible. Par leur charisme, ils ont dépassé le verbe pour le traduire en actes. Ils ont donné des ordres à l’Histoire et c’est le propre des grands hommes.

Ce parallèle historique nous conduit à voir sous un autre angle le conflit ivoirien. Parce que des ressortissants de la sous-région vivent en Côte d’Ivoire, parce que de l’Histoire récente on retient aussi qu’ils y furent maltraités, parce que le concept d’ivoirité s’est souvent exprimé contre eux, parce que de ces faits il convient de conclure que, le ressentiment est dès lors une chose naturelle, et que par conséquent, les racines de la discorde sont latentes et qu’il faut éviter qu’elles n’aient l’occasion de s’ancrer davantage dans les mentalités.

La sous-région est en crise depuis longtemps. Le Liberia, la Sierra Leone dans leur passé récent, ont vécu de douloureux moments, et il faut que la Côte d’Ivoire et le Burkina deviennent des exemples auxquels désormais les populations de la sous-région aspirent.
Il y a eu des morts, trop nombreux, et la Côte d’Ivoire est pratiquement coupée en deux. Tout est inacceptable. Heureusement il y a désormais des raisons d’espérer car le pire a été évité.

Primer l’intérêt national et africain

Il faut reconnaître que l’Histoire n’accepte pas de répéter ses erreurs. La communauté internationale intervient pour éviter que les crises dégénèrent.
L’Union africaine, l’Organisation de la Francophonie, la CEDEAO et les Nations unies multiplient les médiations et mobilisent les compétences.

C’est ainsi que tout récemment, le président Compaoré a donné à la crise togolaise une conclusion à laquelle personne ne croyait. A cette occasion, s’il faut saluer la sagesse et le doigté de la médiation, il faut aussi savoir reconnaître que les parties en présence ont su faire primer l’intérêt national et africain, et nous devons en méditer le succès.

Nous devons en effet observer que les rencontres de Ouagadougou, dans leur principe même, véhiculent l’espoir, car de la part de toutes les parties et notamment de la part du président ivoirien, elles traduisent une volonté de dialogue, sinon d’aboutir.

Le président Laurent Gbagbo a désormais un rôle historique à remplir. Lui seul est en mesure de le faire du côté ivoirien, lui seul peut imposer à ses partisans les révisions nécessaires pour que la paix soit durable et l’obligation de résultat exclut l’échec. C’est pourquoi les accords de Ouagadougou grandiront tous ceux qui y auront pris part. Toutes les contributions ivoiriennes devront être saluées, notamment celle de Konan Bédié, d’Alassane Ouattara et de Guillaume Soro car ces accords de paix seront l’affaire de tous.

Mais, il faut bien reconnaître que, résoudre l’équation de l’identification était un défi délicat.
C’est aussi pourquoi nous devons insister sur le rôle que peut jouer le président du Faso dans la recherche d’une solution. Lui seul en effet peut faciliter l’émergence d’une solution. Or pour aboutir à un accord, il faut des sacrifices réciproques, et seuls deux grands hommes sont capables d’imposer des sacrifices équilibrés.
Le président Compaoré est le doyen de la sous- région. Son pays est un exemple réussi de développement et de dialogue. Si un homme peut et va faire l’impossible pour imposer des visions de compromis, c’est lui.

C’est le président Compaoré qui traduit ici en accords, les avancées apparues grâce aux efforts conjugués des présidents Mbeki de l’Afrique du Sud et Kuffuor du Ghana.
L’heure est au pragmatisme. Personne aujourd’hui ne peut se présenter en perdant. L’addition serait lourde.
Après la réconciliation franco-allemande, s’ensuivirent les Trente Glorieuses, période de prospérité formidable.
Si les belligérants peuvent entraîner leurs troupes, et s’ils parviennent à communiquer cet élan qui marque les grands moments de l’Histoire, alors c’est certain tout le monde y gagnera.

D’abord la communauté internationale approuvera et soutiendra ces accords de paix. La coopération sera renforcée. La sous-région a besoin d’une Côte d’Ivoire forte et la Côte d’Ivoire a besoin de retrouver une économie réelle. Lorsque le cacao prend des chemins parallèles, c’est toute l’économie ivoirienne qui en pâtit. Sans la paix, la région sera marginalisée davantage, car les problèmes sont désormais régionaux. L’Afrique doit parler d’une seule voix.

Elle le doit pour tous ses producteurs de coton qui vivent l’injustice d’une concurrence déloyale et de prix injustes, elle le doit pour tous ses paysans victimes de dérèglements climatiques dont ils ne sont pas responsables, elle le doit afin que ses dossiers ne soient plus occultés par le vacarmes de conflits stériles.
C’est pourquoi Ouagadougou doit apparaître aux yeux de tous comme le point de départ d’une nouvelle époque. C’est ainsi qu’en tireront profit, non seulement la Côte d’Ivoire et le Burkina, mais encore toute la sous-région et il est inutile de rappeler que chacun, ici, en vit intensément l’espoir.

B. OUEDRAOGO

N.B. : Le titre et l’intertitre sont de la rédaction

Sidwaya

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