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Municipales partielles à Pô : Les raisons sous-jacentes de la défaite du CDP

Publié le mercredi 21 février 2007 à 08h07min

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Henri Koubizara

PAI : 32 sièges ; CDP : 21 ; ADF/RDA : 7 ; PDP/PS : 3. C’est désormais la configuration du Conseil municipal de la commune urbaine de Pô à moins que le Conseil constitutionnel ne décide autrement. Que dire de cette situation ? "C’est la victoire de la démocratie et de toute la population de Pô.

Une page de notre histoire vient d’être tournée, ensemble, nous devons nous consacrer tous au développement de la commune". C’est la réponse que l’ancien maire PAI, Henri Koubizara, a donnée dans l’Observateur paalga n°6830 du 20/02/2007 à tous ceux qui, comme nous, se posaient la question.

Le triomphe modeste, celui qui avait été déchu de son poste et avait vu le Conseil municipal qu’il dirigeait dissout par le gouvernement à cause des problèmes de fonctionnement tient bien sa revanche. Et on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi le gigantosaure CDP a essuyé une défaite cuisante comparativement à son résultat à l’issue du scrutin d’avril 2006 ; et si une telle défaite n’est pas prémonitoire de ce qui pourrait arriver au "grand parti", en mai prochain.

Certes, une élection n’est jamais pareille à une autre, car, comme les individus qui le composent, le corps électoral a un comportement fluctuant, et les partis politiques en compétition revisitent leurs stratégies en fonction de leurs scores passés et des moyens disponibles. N’empêche, une victoire ou une défaite sont toujours l’occasion pour les compétiteurs d’évaluer leurs forces et leurs faiblesses afin d’affronter les scrutins à venir.

En l’absence d’un sondage, qui aurait pu être un outil rigoureux et rationnel de lecture du comportement de l’électorat et de ses motivations, le risque est grand de ne voir à travers le choix des électeurs que ce que nous aurions voulu voir ou ne pas voir. Le risque est également grand de considérer ses propres opérations intellectuelles subjectives comme les raisons réelles du comportement de l’électorat.

C’est pourquoi pour minimiser les conséquences désastreuses d’un tel obstacle épistémologique, nous parlons de raisons probables. De notre point de vue, elles sont les suivantes :

La démystification de la ville de Pô depuis la fin des années 80. En effet, il n’est un secret pour personne qu’avec la résistance consécutive à l’arrestation du capitaine Thomas Sankara en mai 1983 et le rôle de cette ville comme point de départ de la déferlante de commandos et de militants révolutionnaires civils qui sont à l’origine du triomphe de la Révolution démocratique et populaire (RDP) le 4 août 1983, Pô a revêtu les habits d’une cité mythique. Or, aujourd’hui, le Centre national d’entraînement commando (CNEC) n’est plus ce qu’il était (démocratie et risques liés aux dangers que cette caserne pouvait représenter pour la démocratie naissante obligent) ; l’Académie militaire Georges Namoano n’a pas non plus réussi à donner de l’allant à la ville.

Le manque à gagner économique dû à l’allègement des effectifs du CNEC. La prodigalité légendaire des militaires faisait vivre bien de petits commerçants et de familles. Parce qu’on a redéployé ailleurs nombre d’éléments de la troupe, la masse monétaire en circulation dans la ville et ses environs a diminué, même si le fait que certains autocars et camions à remorque en provenance ou en partance pour la Côte d’Ivoire passent par là est source d’entrées de devises. Sans oublier ceux qui vont au Ghana ou qui en reviennent.

Le choix de Manga comme la capitale de la région du Centre-Sud. Si, en tant que citoyen, nous devons être un démocrate et en tant que démocrate, un légaliste en adhérant à cette décision du gouvernement, il reste que sur les plans géopolitique, historique, économique, administratif et culturel, Pô méritait bien plus que Manga, le statut de ville capitale de la région. C’est en tout cas notre avis. Pour nombre de Pôlais et d’habitants du Nahouri, on a "fait la force" à Pô.

La victimisation de Henri Koubizara et le PAI

. En dissolvant le Conseil municipal de Pô à cause des difficultés de fonctionnement, le gouvernement a, de fait, victimisé le parti politique dirigeant la commune. Peut-être que contrairement à tout ce qui se dit en mal sur le remède que l’Exécutif a apporté aux problèmes de Pô, celui-ci avait bien raison. Cependant, la réalité est que le PAI a réussi, de fort belle manière, à retourner la situation en sa faveur. C’est dire que même dans l’hypothèse où la dissolution n’aurait pas été motivée par des considérations politiciennes, il y a quand même eu quelque chose qui a cloché.

La suffisance de nombre de cadres CDP. A Pô, les patrons du CDP local et leurs protecteurs résidant à Ouagadougou ont vendu la peau du PAI avant de l’avoir battu, confiants qu’ils étaient en leur puissance matérielle et financière. Le fait est qu’une élection n’est jamais gagnée d’avance quel que soit ce que disent les sondages ou promettent les électeurs (à défaut de sondage) aux candidats supposés avoir leurs faveurs.

Ces cinq éléments sont autant de sources de frustrations et de cristallisations de passions que les nominations de ressortissants à des postes clés de l’armée et de la Fonction publique n’arrivent pas à faire oublier. En effet, ceux qui sont nommés, malgré leur bonne volonté, ne parviennent pas à combler le manque à gagner, ou à réparer le préjudice moral subi par les populations de Pô.

Le CDP gagnerait donc à comprendre que la situation de Pô est un précédent dangereux pour lui et que si c’est arrivé dans cette ville, d’autres Pô peuvent voir le jour, car nombre de communes connaissent moult difficultés dont les raisons sont liées, soit aux cadres CDP, soit à la politique du gouvernement.

Aujourd’hui, en tout cas, la capitale du Nahouri a décidé de sanctionner le parti au pouvoir à cause de ce qu’elle a enduré. Elle donne au Burkina, dans son ensemble, une belle leçon de démocratie et confirme les réalités sociologiques selon lesquelles la société gourounsi (et particulièrement kaséna) est caractérisée, entre autres, par la relative liberté de ses membres, la fidélité en amitié, mais aussi par la dénonciation sans ambiguïté, par les individus, des situations dans lesquelles ils s’estiment lésés.

Z. K.

L’Observateur

P.-S.

Lire aussi :
Municipales 2006

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