LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Moussa Michel TAPSOBA, président de la CENI : “Un fichier électoral n’est jamais définitif, tout comme il n’est parfait nulle part...”

Publié le vendredi 16 février 2007 à 08h57min

PARTAGER :                          

Moussa Michel Tapsoba, président de la CENI

C’est certain, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sera au cœur de l’actualité politique tout le long de cette année 2007. Reprise des élections municipales à Pô, nettoyage du fichier électoral, préparation et organisation pratique des élections législatives de mai prochain sont, entre autres, les grands chantiers du président, Moussa Michel TAPSOBA et son institution pour les mois à venir.

Malgré un optimiste affiché, le président TAPSOBA, qui a bien voulu nous recevoir pour cet entretien, reste convaincu que seul l’engagement sans faille de tous les acteurs du processus électoral déterminera la réussite de la mission assignée à son institution.

Comment se porte la CENI après le renouvellement de ses membres ?

Moussa Michel TAPSOBA (MMT) : Je tiens d’abord à vous remercier pour être venu à nous pour relayer nos messages auprès de vos lecteurs. Effectivement, depuis septembre le mandat des commissaires qui ont pris service en 2001 a pris fin et les Organisations de la société civile et les partis politiques (Majorité et Opposition) ont procédé à la désignation de nouveaux membres, seuls quelques uns de la précédente mandature ont vu leur mandat renouvelé. La CENI a donc pris service le 28 septembre 2006.

Après quelques mois de fonctionnement, je peux dire qu’elle se porte bien. Les personnalités qui ont été désignées sont de grande qualité, comme celles qui sont parties. C’est une chance pour la CENI, parce qu’on pouvait avoir des désignations de complaisance qui pourraient handicaper le travail. Fort heureusement, nous avons des hommes de qualité et la CENI se porte bien.

Quelles leçons avez-vous tiré de ces renouvellements ?

MMT : A ce niveau, je dirais que si l’occasion était donnée de « révisiter », le code électoral, nous aurions proposé que soit revu le mode de renouvellement des membres de la CENI. Vous savez que ce qui pouvait arriver, c’est le remplacement de tous les membres. Ce qui aurait été un coup sérieux pour le fonctionnement de la CENI, parce que le renouvellement coïncidait aussi avec le redémarrage d’un nouveau processus électoral, c’est à dire les législatives du 6 mai 2007.

Et si tous les membres étaient des nouveaux, il y a des chances que nous connaissions quelques piétinements dans le processus. A l’avenir donc,
la loi peut être revue afin qu’on modifie légèrement le mode de renouvellement pour éviter que tous les membres ne soient pas exposés à être renouvelés en même temps. L’opinion ne comprendrait pas que la CENI fournisse aujourd’hui des prestations qui soient moins bonnes que par le passé. L’opinion retient que la CENI dans sa forme actuelle existe depuis 2001 et a 5 à 6 ans d’expériences capitalisées. C’est dire au fur et à mesure que nous évoluons, notre prestation doit être à la satisfaction des acteurs du processus électoral.

Opposition, majorité et société civile composent la CENI, ce que certains semblent ignorer. Alors comment arrivez-vous à travailler ensemble pour les prises de décisions ?

MMT : Que ce soit les commissaires qui sont partis ou ceux qui sont arrivés, une fois à la CENI, nous avons seulement à accomplir une mission commune qui est l’organisation d’élections libres, équitables et transparentes au Burkina Faso. Ces conditions sont édictées dans le code électoral, ce qui ne laissait pas beaucoup de marge de manœuvre pour des points de vue personnels. Si bien qu’au niveau de la CENI les commissaires n’appartiennent plus à un parti politique ou à une organisation de la société civile, c’est une équipe qui a une mission bien précise. C’est d’ailleurs une chance parce que nous avons pu voir dans d’autres pays où les membres de la CENI ou de la structure en charge de l’organisation des élections, sont obligés de faire référence régulièrement à ceux qui les ont mandatés pour pouvoir prendre des décisions.

Nous n’avons pas connu une telle situation depuis 2001. Nous avons toujours débattu entre nous et nous avons toujours pris nos décisions de façon souveraine. Naturellement, nous savons aussi que nous devons accepter d’en supporter les conséquences. Nous n’avons jamais eu depuis 2001 à voter une décision non pas que le code électoral ne le prévoit pas, il prévoit que les décisions sont prises à la majorité simple, mais nous n’avons jamais eu recours à un vote pour prendre une décision.

Les débats sont démocratiques et chacun exprime ses points de vue et nous arrivons à des situations à la limite de consensus. En général, quand quelqu’un voit que son idée est minoritaire il s’aligne sur la majorité. Et cela nous a beaucoup aidés dans le travail. Maintenant, quand nous rencontrons les autres acteurs du processus électoral, c’est le président de la CENI qui porte le message, mais en réalité il ne fait que le rapport des décisions qui ont été prises au cours de nos débats en plénière.

Quel bilan pouvez-vous faire du processus de la reprise des élections à Pô ?

MMT : Nous sommes dans les préparatifs pour que le scrutin de Pô se tienne. A ce jour, il n’y a pas eu de difficultés particulières, le matériel électoral est prêt, il reste à le déployer. Mais généralement, on le déploie à quelques jours du scrutin. A ce niveau, il n’y a aucun problème particulier. Même s’il faut retenir qu’un scrutin quelle que soit son étendue est un scrutin et comporte aussi des difficultés et des enjeux éventuels dans son organisation.

Les inscriptions sur les listes électorales ont pris fin le 31 janvier dernier. Quel bilan pouvez-vous faire ?

MMT : C’est encore tôt pour faire un bilan chiffré parce que nous sommes en train de faire des vérifications du travail des agents recenseurs et de nos démembrements pour nous assurer qu’il n’y a pas eu de mauvaises numérotations. C’est un sujet très sensible et nous ne voulons pas avancer des chiffres qui peuvent être démentis par la suite après vérifications. Le travail que nous sommes en train de faire, c’est la reprise des comptes au niveau de tous les bureaux de vote pour nous assurer que le travail est effectivement bien fait.

Vous savez que nous avons un peu plus de 12 000 bureaux de vote, donc c’est un travail qui demande de la précision. Mais je peux déjà vous dire que nous escomptons avoir moins que ce que nous avons projeté parce qu’avant l’opération, nous avons appelé les partis politiques à la mobilisation afin que nous puissions obtenir 1 500 000 électeurs en plus dans le fichier électoral. Mais visiblement, de ce que nous avons déjà pu vérifier, nous serons en deçà.

Cela veut-il dire que les partis politiques n’ont pas vraiment joué leur rôle ?

MMT : C’est vrai ! Et c’est dommage de le dire, avant l’opération, nous avons eu une rencontre avec les partis politiques et nous leur avons expliqué, d’ailleurs on n’avait pas besoin de le faire, parce qu’ils connaissent les enjeux d’un recensement électoral, ou d’une révision exceptionnelle des listes. Plus le corps électoral est grand, mieux ça vaut pour les partis politiques. Nous avons expliqué cela aux partis politiques et appelé à la mobilisation de leurs militants, sympathisants sur le terrain pour les inscriptions.
Nous savons qu’au Burkina, on a 7 à 8 millions de personnes qui remplissent les conditions qui peuvent figurer sur les listes électorales. Aujourd’hui, nous n’avons que 4 millions, donc il y a encore un potentiel à mobiliser. C’est pourquoi, nous avons appelé les partis. Malheureusement au cours de l’opération, nous n’avons pas rencontré un appel ou un travail quelconque fait dans ce sens, sauf que j’ai lu dans les journaux un groupe de partis Sankaristes qui ont fait un écrit pour appeler leurs militants à s’inscrire.

Pourquoi les partis politiques n’ont pas vraiment réagi à votre appel ?

MMT : Je ne pourrais me l’expliquer, parce qu’il est même une évidence que les partis politiques devaient faire ce travail. Mais je pense, peut-être que c’est l’éternel problème de moyen et que les gens économisent pour faire face à la campagne électorale à venir. Mais, je pense que c’est une mauvaise stratégie parce que la campagne vise à mobiliser des gens qui sont inscrits. Si les gens ne sont pas inscrits, ils ne sont pas utiles pour eux, vous pouvez avoir la foule dans les meetings, mais si ce sont des personnes qui n’ont pas de cartes d’électeurs, c’est inutile pour les partis.

A quelle étape êtes-vous actuellement dans les préparatifs des élections législatives du 6 mai 2007 ?

MMT : Nous avons clôturé l’opération de révision exceptionnelle des listes électorales. Nous avons rapatrié toutes les listes électorales qui étaient au niveau des démembrements et à ce jour nous sommes sur l’informatisation de ces nouvelles données pour les ajouter au fichier électoral existant, faire les traitements nécessaires afin que nous ayons un fichier électoral mis à jour et par voie de conséquence, tirer les cartes d’électeurs. Nous sommes donc sur le travail d’informatisation des nouvelles données.

En définitive, pour ces législatives, quel sera le mode de scrutin ?

MMT : Souvent, les informations ne sont pas bien données. En fait, le mode de scrutin n’a pas changé au niveau des législatives. Nous sommes toujours dans le mode de scrutin proportionnel au plus fort reste. Il y a eu simplement une retouche au niveau des municipales ou le mode de scrutin a évolué de la proportionnelle au plus fort reste à la proportionnelle à la forte moyenne. On a beaucoup parlé comme si on avait tout remis en cause. Mais ça c’est un débat politique dans lequel nous on n’est pas associé !

A l’approche des élections, la CENI fait toujours l’objet de critiques (fichier électoral, indépendance...) de la part de l’opposition. Comment analysez-vous ces critiques ?
MMT : il y a deux niveaux effectivement de critiques. On revient souvent sur l’indépendance de la CENI pour peut-être expliquer les mauvais résultats que les uns et les autres peuvent avoir. Mais je voudrais dire que quelle que soit la forme de la structure adoptée, pour l’organisation des élections, ce n’est pas au niveau de la structure que les résultats des partis politiques se constituent, c’est dans les bureaux de vote. Et dans les bureaux de vote notre loi électorale prévoit que les résultats sont donnés qu’au niveau des bureaux de vote.

Et elle prévoit aussi que tous ceux qui ont intérêt aux élections peuvent déléguer dans les bureaux de vote leurs représentants pour veiller à ce que le scrutin se déroule bien. Elle prévoit également que les résultats sont promulgués devant tout le monde. Le dépouillement se fait en public et la CENI délivre à chaque représentant de partis politiques les résultats de ce bureau de vote. C’est dire que même les partis peuvent compiler leurs propres résultats. Donc, l’indépendance de la CENI n’a rien à voir avec les résultats que les uns et les autres peuvent engranger au cours des scrutins. L’autre aspect qui est le fichier électoral, il faut savoir qu’un fichier électoral n’est jamais définitif et il n’est jamais parfait nulle part. Ce n’est pas seulement ici, c’est partout ailleurs.

Maintenant, on fait en sorte qu’il soit le plus proche possible de la perfection et nous y attelons. Il faut dire que quelques fois les erreurs que l’on a pu constater dans le fichier électoral sont d’une part liées aux pièces qui ont servi d’établir le fichier électoral et d’autre part liées aussi à la moralité de certains militants de partis politiques, parce que, vous savez que quand quelqu’un s’inscrit deux, trois fois pour pouvoir voter et que cela échappe à notre vigilance ce n’est pas à notre profit, mais c’est toujours au profit d’un parti politique. C’est malheureusement au détriment d’autres partis politiques que des gens fraudent. L’effort doit donc être fait au niveau de tous les acteurs du processus électoral. Naturellement, au niveau de la CENI, même si quelqu’un s’est inscrit plusieurs fois, c’est notre devoir de travailler à détecter cela.

Mais il faut faire un travail en amont afin que les militants ne commettent pas ces fautes. Il faut que les gens sachent qu’une fraude même si elle paraît être au profit d’un parti politique, c’est toujours au détriment de la démocratie dans son ensemble et au détriment du travail fait par la CENI. En définitive, c’est même au détriment du parti politique bénéficiaire de cette fraude, parce que quelqu’un qui serait élu de façon illégitime n’aura pas toute la sérénité qu’il faut pour gérer les affaires publiques. Les différentes critiques sont fondées mais la responsabilité est partagée entre la CENI et tous les autres acteurs du processus électoral.

La prise en charge des délégués des partis politiques dans les bureaux de vote par la CENI est réclamée. Quel est votre avis sur la question ?

MMT : Ce problème est un vieux problème, il faut dire que c’est la CENI qui avait pris sur elle la décision de budgétiser la prise en charge des délégués des partis politiques dans les bureaux de vote. Cela s’est passé en 2002, et cela reposait sur une bonne intention. Nous pensions que si on facilitait la présence des délégués des partis politiques dans les bureaux de vote, il aurait moins de contestations à l’issue du scrutin parce qu’ils auraient été témoins. Mais dans la pratique, il s’est avéré compliqué de gérer cette situation.

La loi prévoit que les partis politiques doivent fournir la liste de leurs délégués 8 jours avant le scrutin, ce qui nous permet de savoir qui a délégué des représentants dans tel ou tel bureau de vote et de prendre les dispositions financières en conséquence. Malheureusement, nous avons constaté que la plupart des partis envoient leurs représentants seulement le jour du scrutin. La formation que nous avons donnée à nos démembrements ne permet pas qu’on fasse « irruption » de la sorte le jouer du scrutin.

Nous avons donc rencontré beaucoup de difficultés et d’incompréhension. Néanmoins nous avons demandé aux démembrements, aux responsables des bureaux de vote de bien vouloir accepter les délégués des partis qui viennent le jour du scrutin, parce qu’il est facile à ces personnes de sortir et dire que la CENI empêche les délégués de partis politiques de faire leur travail. Ils ne diront pas que c’est eux qui n’ont pas respecté les dispositions et les délais de la loi. Non ! Le premier micro, qu’ils prendraient c’est pour dire que la CENI a interdit aux délégués des partis de faire leur travail dans les bureaux de vote, donc il n’y a pas de transparence.

C’est pourquoi, nous avons toujours dit d’accepter les délégués des partis politiques pour éviter qu’on accuse la CENI de ceci ou cela. Mais à partir de ce moment, nous ne pouvons plus savoir qui a envoyé des délégués et qui ne l’a pas fait, et finalement nous ne pouvons pas régler le problème financier. Nous avons donc estimé que dans l’incapacité de régler ce problème financier, nous avons préféré ne plus prévoir l’inscription budgétaire puisque ce n’est pas une obligation de la loi. C’était de notre propre initiative.

Mais nous pensons qu’il y a nécessité de soutenir les partis politiques pour qu’ils puissent avoir des délégués dans les bureaux de vote. Mais là, ils doivent discuter avec le gouvernement pour qu’une rallonge soit faite au niveau du financement public des partis politiques pendant la campagne électorale. Mais je sais que ce sera toujours difficile parce qu’avec un nombre assez important de partis politiques, il sera difficile au gouvernement de donner quelque chose de consistant.

Le CGD a mené une étude sur les perceptions de l’administration électorale par les citoyens. Quels enseignements tirez-vous de cette étude ?

MMT : C’est vrai que l’étude est venue un peu plus tard que nous ne l’aurions souhaité, parce que vers la fin de la première mandature, nous nous sommes dits qu’il serait bon qu’après 5 ans de travail, de connaître l’opinion des Burkinabé sur la CENI. Nous avons donc fait une requête auprès du PNUD à Ouaga. Malheureusement, la réaction n’a pas été prompte, si bien que nous avons eu l’accord après la fin du mandat des premiers commissaires. Néanmoins l’étude était toujours d’actualité pour permettre au législateur et à la CENI d’avoir les perceptions de l’opinion, des Burkinabé sur le travail de la CENI.

Nous avons donc confié l’étude au CGD. Nous avons fait un atelier de restitution de l’étude avec les partis politiques, les associations de la société civile et des personnes ressources venues de l’extérieur, notamment, nos collègues des pays amis. Nous apprécions ce qui a été fait comme étude. Nous avons été surpris d’une chose : en dehors de Ouagadougou, les appréciations sur notre travail sont très positives. Sur la CENI également, même s’il y a des corrections évidentes à faire. Mais quand on réduit cette enquête au niveau du microscome politique comme on le dit, les avis sont tout à fait différents. Il y a comme un fossé entre la direction des partis politiques et leurs militants qui ont une autre appréciation de notre travail.

43,3% des enquêtés font confiance à la CENI et 48,5 pensent que la CENI est indépendante vis-à-vis du gouvernement. Ces résultats vous réconfortent ?
MMT : Ces résultats nous réconfortent parce que très souvent quand on lit les écrits des partis politiques dans la presse, on ne croirait pas que 5% encore des Burkinabé font confiance à la CENI. Mais l’enquête a révélé toute autre situation qui montre que très souvent les leaders ne sont pas en phase avec la réalité, avec les militants.

L’exclusion de la société civile de la CENI est souhaitée par certains enquêtés. Vous êtes de la société civile, êtes-vous pour ou contre cette exclusion ?

MMT : En la matière, je n’ai pas d’avis particulier. Je pars simplement du constat. Quand on a mis en place les commissions de réformes politiques et institutionnelles à partir de 1999-2000 suite au drame de Sapouy, dans les résultats du travail qui a été fait, il n’y avait pas la société civile dans les propositions au gouvernement pour la mise en place de la CENI. Le gouvernement, dans le projet de loi qui a suivi n’avait pas effectivement inclu la société civile. Mais cela venait en rupture avec les pratiques antérieures, parce que depuis 1991, la première CNOE qui a organisé la première élection présidentielle, il y a toujours eu la société civile... en 1991, 1992,1995,1997,1998, et 2000 il y a toujours eu la société civile. Et à partir de 1998, la loi a évolué au point de dire que le président doit être élu parmi les représentants de la société civile.

Néanmoins, nous avons constaté qu’au niveau de l’Assemblée nationale, le débat a été réouvert par les parlementaires et les organisations de la société civile ont même été entendues au niveau de la commission des affaires juridiques et institutionnelles et finalement, les députés ont réintégré la société civile dans la forme actuelle de la CENI. Je crois que ce que certains ne perçoivent pas, c’est que le rôle de la société civile vise à apporter un peu de tempérance dans les débats qui se développent quelquefois entre les partis politiques. C’est un rôle de tampon qui vise aussi à éviter que la structure ne se bloque à un moment donné !

Vous savez que la composition de la CENI est tripartite, chaque groupe a la même représentation que les autres, si bien que même en cas de vote, il ne peut pas arriver qu’on a une situation d’égalité au point où la décision soit impossible à prendre. Dans tous les cas, il y a certainement des gens qui voudraient qu’on exclut la société civile afin que les partis politiques s’affrontent et qu’on arrive à des situations de blocage, parce qu’il y a aussi des gens qui ne prospèrent que dans la crise. Il appartient donc aux Burkinabé d’apprécier et de choisir la formule qui les met à l’abri des crises.

Si on vous demandait de choisir entre l’organisation des élections par l’administration et l’organisation des élections par une structure comme la CENI, quel serait votre choix ?

MMT : Je choisirais la formule qui permet qu’au lendemain d’un scrutin, les Burkinabé continuent d’aller au bureau, au marché, au champ... Il faut simplement faire l’analyse suivante : est-ce que les Burkinabé sont prêts à accepter telle ou telle formule ? Il ne s’agit pas d’imposer. Si la formule actuelle n’est pas bonne, est-ce que les Burkinabé ont plus confiance à ce que les élections soient organisées par l’administration ? Il s’agit de faire ce qui sera accepté par les Burkinabé. Vous savez qu’on met beaucoup d’argent dans les élections et si au bout du compte les Burkinabé sont dans la rue parce que simplement ils n’ont pas eu confiance, cela ne servirait à rien. Je suis donc d’accord avec toutes les formules pourvu que les Burkinabé y placent leur confiance et acceptent les résultats et que les lendemains des scrutins soient paisibles pour tous.

Il semble que l’idéal serait l’organisation des élections par l’administration ?

MMT : C’est l’idéal dans les milieux francophones, parce que simplement le colonisateur a inculqué dans nos esprits que les élections ne peuvent être organisées que par l’administration. Comme nous avons hérité de cette culture nous y croyons. C’est peut-être vrai si nous avions 100 ou 200 ans d’histoire démocratique, malheureusement, nos pays ont connu des interruptions de processus démocratiques par des coups d’Etat, les partis uniques et cela jusqu’au début des années 90...

Nous n’avons pas la même histoire que les Français, nous n’avons donc pas la même expérience, si bien que vouloir « couper et coller » l’expérience des Français chez nous, peut s’avérer être une erreur. Je suis admiratif de ce que les acteurs politiques au Burkina Faso, à partir de 1991, aient choisi de faire organiser les élections par les structures autonomes qui créent la confiance. La confiance est un capital très important en matière électorale...

Qui finance l’organisation des élections législatives du 6 mai prochain ?

MMT : Depuis la présidentielle de 1998 et les municipales de 2000, c’est le Burkina qui supporte presque entièrement l’organisation des élections. En 2002, nous avons organisé les législatives et sur un budget d’un peu près 4 milliards, nous avons eu moins de 500 millions de contribution de la communauté internationale. On peut donc dire que les élections sont financées à 100 % par le trésor public.

Avez-vous l’argent nécessaire pour ces législatives ?
MMT : Vous savez, il n’est pas nécessaire pour la CENI d’avoir tout son budget dans un coffre pour organiser les élections. Ce qui est important c’est qu’à chaque étape du processus électoral qui demande la mise à la disposition de moyens, le gouvernement fasse diligence afin que nous puissions tenir le scrutin dans de bonnes conditions. Jusqu’à présent nous n’avons pas connu d’arrêt du processus par manque de moyens et je n’ai pas de raison de douter que le gouvernement continuera de faire diligence pour que tout se passe bien.

M. Le président, avez-vous quelque chose à ajouter pour conclure ?

MMT : Je voudrais à travers votre journal dire à tous vos confrères que nous sommes ouvert pour répondre à leurs questions, parce que nous savons que ce ne sont pas des questions personnelles, ils relaient les questions et les préoccupations de leurs lecteurs, d’auditeurs et de leurs téléspectateurs.

Il ne faut pas qu’un journaliste hésite un seul instant à venir nous poser une question si elle est ressentie comme une préoccupation, je profite aussi pour lancer un appel à tous les Burkinabé et qu’ils comprennent que si la CENI est au centre de l’organisation du processus électoral, la réussite de cette organisation incombe à tous les acteurs. Si ceux qui sont inscrits font le déplacement pour aller voter, nous aurions gagné. Parce que la qualité du processus démocratique c’est aussi la participation des citoyens. J’invite donc tous ceux qui ont la chance de figurer sur les listes électorales de bien vouloir faire le déplacement en temps opportun pour voter.

Enfin, comme c’est la première fois que nous nous rencontrons au début de cette année, je voudrais souhaiter à tous les Burkinabé beaucoup de santé, et souhaiter la paix pour le Burkina Faso afin que nous puissions continuer de conduire nos processus démocratiques en ayant à l’esprit que les élections ne sont pas une finalité, c’est simplement un moyen pour parvenir à la paix sociale, laquelle paix nous permet d’engager toutes les actions de développement.

Interview réalisée par Idrissa BIRBA

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique