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Projet ZACA : Le serpent de mer sort enfin de terre

Publié le mardi 13 février 2007 à 08h50min

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Après Ouaga 2000, la ville-champignon, où les villas cossues ne cessent de pousser comme des champignons après l’orage, un autre projet qui était en veilleuse vient de sortir des tiroirs : c’est le fameux projet d’extension de la zone d’activités commerciales et administratives (Zaca), qui ne date pas d’aujourd’hui et qui avait provoqué, à l’époque, une contestation vive.

La zone, qu’on veut aujourd’hui moderniser, concerne les vieux quartiers, aux gouffres parfois insondables (pour reprendre les mots du poète Pacéré Titinga), de Zangouétin, Peuloghin, Tiendpalogo, Koulouba et une portion de Kamsonghin. Ce projet ambitieux, selon les promoteurs, prend ses racines dans la volonté politique des premiers responsables du pays et de la capitale.

Depuis l’aménagement du Centre commercial avec le grand marché Rod Wooko en 1985 et celui de la Cité An IV en 1987, il est apparu nécessaire de fusionner ces deux aménagements pour réaliser le projet en cours. Alain Sidpassamdé Bagré de ladite structure avait, dans un entretien accordé à notre confrère l’Indépendant, déclaré qu’en fin 1999-2000, on avait constaté tout autour de la Zaca, particulièrement à l’est et à l’ouest de l’avenue Kwamé Nkrumah, un développement spontané d’immeubles qui correspondaient certainement à des besoins que la ville exprime.

Les opérateurs ont perçu cette nécessité et décidé d’occuper cet espace économique, en mettant en place des infrastructures, notamment hôtelières, de plus en plus demandées dans la ville. Ouagadougou étant une ville spéciale et regroupant plus de 80% du tissu industriel et du secteur moderne, il a été décidé l’extension du projet Zaca.

Le gouvernement ayant adopté, en novembre 2000, un décret portant extension du projet, la grogne ne s’est pas fait attendre, puisqu’une coordination des résidants a décrété un mot d’ordre : « Nous pas bouger « et des slogans-fétiches du genre : « La Zaca hors de nos Zaksé » (1).

Pendant des mois, l’atmosphère était tendue, et les forces de l’ordre ont même été souvent sollicitées pour maintenir ou rétablir l’ordre. En fait, si certains étaient prêts à partir, d’autres, par contre, ne tenaient pas à aller habiter au diable vauvert. Sur fond de récupération politicienne, les gens, il est vrai, étaient méfiants, surtout que, selon certaines rumeurs, les barons du régime et leurs protégés feuillus voulaient se passer, entre eux, les arpents de cette zone juteuse.

La population de cette zone, constituée en majorité de vieux et dont la plupart des enfants sont des jeunes sans-emploi, ne voulait pas s’en laisser conter. Les réticences, il faut le dire, s’expliquaient par les intérêts en jeu. Avec le temps, on a adopté une stratégie de concertation pour faire connaître aux uns et aux autres les tenants et les aboutissants du projet et les avantages qu’ils avaient à gagner à la trame d’accueil, surtout que, Zaca ou pas, ils seraient un jour ou l’autre expropriés par les puissances d’argent. Le tout était, désormais, d’obtenir des conditions favorables pour plier bagage.

Lorsqu’au matin du 10 novembre 2003, les bulldozers ont entrepris les travaux de démolition, il ne faisait plus l’ombre d’un doute que le projet était véritablement en marche. Les expulsés de la Zaca, entre- temps, avaient en partie intégré leur « nouveau monde » à la trame d’accueil à Ouaga 2000 ou s’étaient recasés ailleurs. On avait déjà tout prévu : l’électricité, l’eau et le téléphone. Des terrains ont même été prévus où édifier toutes les infrastructures sociales (écoles, dispensaires, lieux de culte, jardins, etc.).

Le projet Zaca a, en quelque sorte, amélioré les conditions d’hygiène et de salubrité, vu que sur l’ancien site, il y avait des choses qui vous faisaient détourner aussitôt le regard. Certaines rues étaient difficiles à emprunter avec ces flaques d’eau qui stagnaient du 1er au 31. Le mérite du projet Zaca aura été de faire changer de cadre aux habitants, qui en avaient vraiment besoin. La population partie, les bulldozers et autres engins ont eu le temps de livrer la guerre aux bâtiments de toutes sortes. Quand tout fut nettoyé, on croyait que les travaux ne tarderaient pas à commencer.

La maquette de la future Zaca excitait le désir. Mais sur le terrain, c’était le silence total, à tel point qu’on se demandait s’il n’y avait pas anguille sous roche. Rien ne bougeait dans la zone, et le visiteur qui arrivait pour la première fois dans la capitale pouvait croire que, rasé comme il est, l’endroit a été le théâtre d’une lutte armée fratricide entre des chefs de guerre.

A Ouagadougou, on parle beaucoup, et à une certaine heure, des gens évitaient de passer dans les parages, de peur d’être victimes des coupe-jarrets, ou de tomber sur des quidams qui n’ont pas trouvé meilleur endroit pour leurs ébats amoureux. Maintenant que les travaux ont été effectivement lancés, le serpent de mer sort enfin de... terre.

Le projet Zaca, on a hâte de le voir fini, pour se dire que ce petit Ouaga peut, un jour, ressembler à New York. Mais que de larmes de sang ! que de déchirements sentimentaux pour des gens attachés, à raison, à leur « zan boko » (2) ! que de familles disloquées ! que de procès en suspicion légitime contre des responsables qui n’ont pas toujours montré que la recherche de l’intérêt général était leur préoccupation majeure !

Justin Daboné

(1) Zaksé : pluriel de « Zaka », la maison en langue nationale mooré

(2) : petit trou creusé dans un coin de la cour, où on enterre le placenta après la naissance d’un enfant.

L’Observateur

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