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Echanges directs entre le Président du Faso et les producteurs : Les préoccupations et leurs réponses

Publié le lundi 12 février 2007 à 06h58min

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Au cours de la rencontre de dialogue entre le Président du Faso et les délégués du monde rural, riche en enseignements, les ministres interpellés ont apporté des précisions aux préoccupations des producteurs. Nous vous proposons l’intégralité des questions et des réponses.

Jules Zongo, secrétaire général de la CPF : Excellence M. le président du Faso, en 2003, à Maputo les chefs d’Etat de l’Union africaine ont pris la résolution d’allouer 10% de leur budget national au développement du secteur agricole. Je demande à cette occasion au ministre des Finances quel est concrètement le taux accordé au développement de l’agriculture. Ma deuxième préoccupation est liée à la formation professionnelle agricole.

Nous savons que les enjeux de la modernisation de l’agriculture exigent une formation professionnelle des acteurs que nous sommes. Malheureusement, le secteur de la formation professionnelle agricole régresse de jour en jour. C’est pourquoi, nous voudrions profiter de cette opportunité pour demander aux ministères concernés d’accorder une place de choix à ce volet dans leurs projets prioritaires.

Seydou Bouda, ministre de l’Economie et du Développement : Le ministère de l’Agriculture constitue à lui seul 12% des dépenses de l’Etat sans compter les autres ministères qui interviennent dans le domaine. Il s’agit du ministère de l’Environnement et celui des Ressources animales. Le secteur agricole représente au moins 30% du programme d’investissement public de l’Etat estimé à 450 milliards de F CFA en moyenne.

Au Burkina Faso, l’engagement de Maputo qui nécessite qu’on consacre 10% à l’agriculture est largement dépassé au Burkina Faso d’autant plus que l’agriculture est la priorité des priorités. En dehors des secteurs sociaux qui reçoivent des subventions, le reste de l’endettement va d’abord au secteur agricole ensuite aux infrastructures. Ce sont les grands destinataires des investissements publics au Burkina Faso.

François Traoré (UNPCB) : Le coton permet de maintenir les jeunes dans leurs terroirs. J’en veux pour preuve, la région de Fada où tous les jeunes partaient en exode. Mais aujourd’hui, grâce au coton, la jeunesse de Fada et même celle du Burkina Faso commence à renoncer à l’exode. M. Le président du Faso a lui-même défendu le coton comme l’a souligné M. le ministre d’Etat, c’est pourquoi nous soutenons votre engagement ferme à défendre la filière. Nous comptons sur vous.

Célestin Tiendrébéogo, directeur général de la SOFITEX : Le problème du retard est général. Il n’est pas spécifique à une seule région. Les trois sociétés de coton du Burkina enregistrent toutes, un retard certes, mais l’Etat est intervenu vis-à-vis du système bancaire. A partir de lundi (NDLR 12 février 2007), nous allons commencer à payer les producteurs dans la zone SOFITEX. Nous félicitons les producteurs pour leur patience. Des mesures sont prises pour éviter de telles situations à l’avenir.

Le fonds de lissage est en train d’être mis en place par le gouvernement. Il va permettre de résoudre le déficit pour les années à venir. Il ne faut pas que les producteurs se découragent ou s’inquiètent pour les prochaines campagnes. Je profite pour dire que les pays qui ne sont pas dans la zone CFA tirent leur épingle du jeu alors que le coût du coton est à 60 cents. En 2001, le cours du coton était descendu à 35%. Le taux a augmenté à plus de 70%. En 2001, le dollars était à 680 F CFA, aujourd’hui, il est à 500 F CFA. On a affaire à un taux d’échange moyen.

Le problème fondamental est donc le taux d’échange. Les sociétés cotonnières ne peuvent pas cependant lutter contre certains chocs exogènes. Nous nous retrouvons dans une situation comparable à celle d’avant la dévaluation. Si le taux d’échange passe à 1,40 ou à 1,50, les sociétés ne peuvent pas lutter contre une telle situation. Et j’espère qu’on arrivera pas à cette situation sinon ce sera la catastrophe. Nous avons une petite lueur d’espoir.

Aux Etats Unis, les Américains se rendent compte du retard dans le domaine du bio-carburant. Alors les producteurs y sont encouragés à cultiver le maïs afin de faire de l’éthanol. Dans certaines zones de ce pays, ils ont acheté la production jusqu’en 2010. Les agriculteurs américains sont tentés par le maïs. Le changement de la pratique culturale ne se fera pas brusquement mais progressivement dans ce pays parce que la subvention américaine semble être transférée du coton vers le maïs. Dans ce sens, c’est une bonne opportunité pour nos pays.

Eloi Nombré, producteur à Batié, membre de la CPF : Excellence M. le président du Faso, à la Xe Journée à Manga, la Confédération paysanne du Faso, par ma voix, vous avait remis un document sur l’étude de faisabilité en vue de réduire le taux du crédit destiné aux producteurs. La CPF serait heureuse de savoir donc quelles sont les suites réservées à ce dossier, les Américains avaient leur loi d’orientation agricole, les Français aussi. A quand une loi d’orientation agricole au Burkina Faso ?

Blaise Compaoré, président du Faso : Les efforts de l’Etat au profit du monde rural sont considérables. Les projets en cours d’exécution ont atteint 700 milliards de F CFA. Les engagements au profit du monde rural sont appréciables. Certains demandent à l’Etat d’administrer le taux d’intérêt, même les caisses populaires ne le font plus. Les difficultés pour accorder le crédit au niveau de l’agriculture sont entre autres, la sécurisation foncière. L’agriculteur n’a donc pas de documents qui inspirent confiance aux banques. Les banquiers s’engagent mais lorsque le risque n’est pas très élevé. Il est difficile de faire crédit à des gens susceptibles de changer de région sans laisser de traces. Mais l’Etat travaille pour appuyer les initiatives du monde agricole en financement sous forme d’une banque.

Eloi Nombré, producteur à Batié, membre de la CPF : Excellence M. le président du Faso, à la Xe Journée à Manga, la Confédération paysanne du Faso, par ma voix, vous avait remis un document sur l’étude de faisabilité en vue de réduire le taux du crédit destiné aux producteurs. La CPF serait heureuse de savoir donc quelles sont les suites réservées à ce dossier, les Américains avaient leur loi d’orientation agricole, les Français aussi. A quand une loi d’orientation agricole au Burkina Faso ?

M. Salif Diallo, ministre de l’Agriculture de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques : C’est vrai les taux d’intérêt sont élevés, la BACD est là pour apporter des réponses. Il est illusoire de vouloir moderniser l’agriculture en passant par les banques actuellement. Le gouvernement a pu obtenir 7 milliards de F CFA de subvention auprès de la Banque mondiale pour soutenir les promoteurs agricoles sur la base de dossier clair et vérifiable. Je dis également aux producteurs qui ont eu des prêts de faire des efforts pour rembourser au lieu de se déporter ailleurs.

M. Seydou Bouda, ministre de l’Economie et du Développement : Ni l’Etat, ni la Banque centrale, n’administrent aujourd’hui les taux d’intérêt. C’est aux banques et aux contractants de crédits de négocier et de fixer les taux de prestation. L’Etat ne prévoit pas de dispositions d’accompagnement quel que soit le secteur. La marge de manœuvre de l’Etat est très limitée.

M. Léonce Koné, directeur général de la BACB : Le taux d’intérêt est dû aux impayés et les aléas dans lesquels s’exerce l’activité agricole. Si la question des impayés est résolue et sécurisée, il y aura une marge de manœuvre pour réduire le taux d’intérêt.

A titre illustratif, avec les producteurs de coton, il y a quatre ans, nous étions à 11% de taux d’intérêt pour le crédit d’achat d’intrants. Ce taux est passé à 10% il y a deux ans et depuis l’année dernière nous sommes à 9%. Pour les producteurs de coton, nous sommes donc à un taux d’intérêt à un chiffre parce qu’ils remboursent régulièrement leurs crédits. Si la tendance se maintient, le taux d’intérêt va chuter davantage. Notons que le crédit est estimé à plus de 26 milliards.

M. Philippe Yoda, artisan innovateur dans le domaine plastique : Nous estimons qu’il faut installer une unité de valorisation des déchets plastiques (78 millions l’unité) dans chaque province.

Laurent Sédégo, ministre de l’Environnement et du Cade de vie : Je tiens d’abord à féliciter M. Yoda pour le prix de 25 millions de F CFA qu’il a reçu auprès de la Banque mondiale, et ce, de part ses actions de recyclage et son invention originale.

Aujourd’hui nous nous rendons compte qu’il y a un problème d’imperméabilité des sols. Certaines statistiques au niveau des grandes villes, montrent qu’une grande partie de la mortalité des animaux est dûe aux sachets plastiques. Nous nous attellons à trouver la solution. En dehors de la sensibilisation, nous sommes en train d’affiner d’autres stratégies avec les partenaires. Il faut organiser des opérations ponctuelles. Au cours du FESPACO à venir quelque chose est prévu. Des opérations ont déjà été initiées avec le ministère des Sports et nous avons eu satisfactions.

Nous travaillons à changer les habitudes. Au niveau des 13 régions, des enclos aptes à recevoir des saletés ont été disposés. En ce qui concerne la transformation, il est difficile d’installer de petites unités de transformation dans toutes les provinces. Avec des centres de collecte et de tri, une ou deux unités suffiront parce qu’il faudra passer de la transformation artisanale à une transformation industrielle. Nous espérons trouver des opérateurs. Il y a des objets utiles qu’on peut y tirer. Nous encourageons en ce sens, des opérateurs comme M. Yoda à devenir des industriels.

Avec la décentralisation, les collectivités locales sont devenues des partenaires de taille dans la gestion de l’environnement. Nous avons donc une stratégie appuyée par la FAO afin d’impliquer davantage ces acteurs. Ils seront en première ligne, et le ministère de l’Environnement viendra en appui. Les rôles vont changer. Ce sera à la population de dire leurs problèmes et avec les spécialistes, les solutions sont trouvées. Il est prévu une concertation courant juin avec les communes rurales pour que le dialogue s’établisse. Pour la filière bois, il y aura une relecture des textes afin que la vente profite aux producteurs, aux communes rurales afin que tous les acteurs y gagnent.

Les acteurs de la filière bois doivent donc patienter et attendre la mise en œuvre de la réforme.
Il n’appartient pas à l’Etat de vendre les semences. L’Etat donne déjà l’encadrement nécessaire pour leur production. C’est aux producteurs de semences d’aller vers les autres producteurs, vers les marchés pour écouler les semences. L’Etat ne peut pas faire le tour des villes, embarquer les semences et les vendre. C’est difficile.

C’est en ce sens que les producteurs de semences doivent mettre à profit leur réseau. Chaque producteur doit d’abord faire connaître ses semences et après le réseau organisera le marché. Il y a eu certes des moments où sur les fonds PPTE, l’Etat a, sur instruction du président du Faso, acheté des semences pour les redistribuer. Mais cela ne peut durer éternellement. L’Etat ne peut pas vendre à la place des producteurs organisés en interprofessionnels.

M. Sawadogo Nebnoma, président du Bureau national de coordination des Chambres régionales d’agriculture : Excellence M. Le président du Faso, est-ce que le gouvernement serait prêt à donner un coup de pouce à l’agriculture tout en réduisant considérablement le taux d’intérêt d’accès au crédit sur au moins quatre ans ? (rires).

M. Salif Diallo : Toutes les régions du Burkina Faso y compris donc le Centre sont prises en compte.
Au total, 38 provinces en profitent. Ceci dit, si vous êtes dans la zone péri-urbaine de Ouagadougou et vous avez un projet vérifiable, adressez-vous à cette structure pour le mécanisme de financement.

L’Etat déploie des efforts au profit des chambres d’agriculture et ce, depuis leur création. En 2005, cent millions ont été débloqués pour ces chambres.
En 2006, ce sont 60 millions et pour l’année 2007, 200 millions de FCFA sont inscrits pour les chambres d’agriculture. En plus de ces sommes, elles ont reçu des ordinateurs, des motos. Leur revendication principale, c’est de recevoir des véhicules. Nous avons sollicité l’Union européenne pour avoir ces véhicules. Elle a préféré leur donner des ordinateurs. Au niveau du budget et de l’Etat, il est difficile de le faire, ce sont des organisations faîtières comme tant d’autres.
Si l’Etat s’engage dans cette voie, cela voudra dire qu’il faut le faire pour toutes les autres organisations faîtières.

Par ailleurs, l’Etat a adopté des textes permettant à ces chambres de percevoir des taxes sur certaines activités dans vos localités. L’Etat a joué sa partition, mais pour le moment, ces chambres ne se sont pas assumées.
Elles ne sont pas des fonctionnaires ou des contractuels pour recevoir des moyens autres que ceux qu’elles ont reçus. Du reste, ces moyens sont inscrits pour durer cinq ans. A la création des CRA, c’est ce qui a été convenu. Après, ces chambres sont autonomes et doivent supporter leur charge de fonctionnement. C’est à elles de mener des activités dans ce sens.

Un producteur de Koubri : Nous avons un barrage qui a cédé. Malheureusement les jeunes de mon département ont voté un autre parti politique qui a promis la réhabilitation.
Pourtant j’avais attiré leur attention à l’époque. Actuellement le barrage est dans le même état. Il est temps que vous veniez le réhabiliter.

M. Salif Diallo : La réalisation du barrage de Kpellé est au centre de nos préoccupations. Il a une capacité de six millions de m3. Il a coûté, environ 1,5 milliard de FCFA. Ce barrage est à reconstruire totalement parce qu’il est dépassé. Il ne s’agit pas d’être militant du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) pour bénéficier de quoi que ce soit.

Le ministère de l’Agriculture ne travaille pas en fonction de la carte politique des uns et des autres. La réfection du barrage de Komsilga coûte 40 millions de FCFA. Au cours de l’année 2006, nous avons réfectionné un certain nombre de barrages à hauteur de 105 millions de FCFA. Nous avons aussi un programme de construction de barrages financé par la BAD. Elle a contribué à hauteur de 11 milliards de FCFA pour l’ensemble du territoire. L’opération consistera à déclasser les anciens barrages, faire des études et les reconstruire. Il faut souligner que la plupart de ces barrages ont été réalisés sans plan.
Ils sont évidemment mal construits.
Ils ne peuvent pas être tous reconstruits. Cela nécessitera beaucoup d’argent. Nous réhabilitons ceux qui stockent beaucoup d’eau.

Assami Ouédraogo, association Djen de Niangoloko : On a appris que le charbon du Burkina est exporté par certains en Arabie Saoudite (rires des participants). Nous estimons que ce sont ceux qui plantent les arbres qui les coupent après pour les revendre. Pourtant les arbres produisent des fruits dont l’exploitation serait plus rentable que la coupe du bois. Je pense à la gomme arabique.
Nous estimons pour notre part que vous devez agir maintenant pour que désormais certains arbres soient préservés, afin que leurs fruits leurs feuilles soient utilisés par les populations au lieu que ce soit l’arbre qui est abusivement coupé.

M. Laurent Sédégo (Environnement et Cadre de vie) : L’année dernière nous produit environ 8 millions de plants et l’acacia sénégal a représenté au moins un tiers de la production. Nous accordons de plus en plus d’importance à cette plante. La semence de la gomme arabique est largement disponible et il suffit de s’adresser aux service techniques. Chaque direction régionale dispose d’un certain nombre de plants pour appuyer les producteurs. Une planification est prévue. Nous demandons que les producteurs fassent connaître leurs besoins auprès de nos services. La gomme arabique peut être un produit stratégique pour le Burkina Faso.

Mais malheureusement à la suite de l’engagement suscité par les producteurs lors du lancement de la gomme arabique en 1995, il y a eu un désintéressement de la part de certains producteurs. Cela s’explique par la méconnaissance de la plante. Il y a plusieurs variétés.
On les confond assez facilement. Mais actuellement nos techniciens et nos chercheurs sont mieux éclairés. Les populations et les zones à même de produire la gomme arabique ont été ciblées.

Nous avons aussi identifié les meilleures espèces de gomme arabique. Nous avons un potentiel naturel qui nous permet d’exploiter entre 4 500 et 5 000 tonnes de gomme de résine par an. Il faut aussi noter que nous récupérons chaque année dans la région du Sahel environ 4 000 hectares de terres dégradées et ce, avec des plantations d’acacia sénégal.

Nous avons un programme avec la FAO pour valoriser les autres produits et ce, à travers des micro-entreprises au profit des jeunes. Cette année même, nous travaillerons avec les producteurs pour valoriser les fruits, les feuilles. Quant au corridor, il ne s’agit pas déguerpir. Il n’y a que dans les zones classées que nous seront obligés d’agir mais en complicité avec les communes rurales.
Les corridors sont importants, ce sont les couloirs de passage entre les pays pour des grands mammifères tels que les éléphants.

Propos recueillis par S. Nadoun COULIBALY
Hamadou TOURE

Sidwaya

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