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Michel Roussin, ancien ministre français : "Non, je ne suis pas un déçu du chiraquisme"

Publié le vendredi 9 février 2007 à 07h43min

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Ancien directeur de cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris, puis son collaborateur à Matignon, Michel Roussin fait partie de ceux qu’on appelle les chiraquiens bon teint. Déçu du chiraquisme ? L’homme botte en touche, en parlant d’une vie avant et après la politique.

Roussin fut également ministre de la Coopération sous Edouard Balladur, avant de démissionner, suite à sa mise en examen dans l’affaire des emplois fictifs. Du reste, dans ce procès, il a fait appel et le délibéré est attendu pour le 27 février prochain. Raison pour laquelle, l’homme s’est refusé à répondre aux questions y relatives. Dans cet entretien, ce docteur es lettres et diplômé de l’Ecole des banques orientales parle de la coopération France/Afrique, du groupe Bolloré dont il est le vice-président, de la politique, etc.

Que devient Michel Roussin qui ne fait plus de la politique, du moins ouvertement ?

• C’est vrai, il y a bien longtemps que je ne fais plus la politique. Je suis désormais dans l’entreprise. Je suis vice-président du Groupe Bolloré qui développe une activité importante sur le continent, notamment en Afrique de l’Est et de l’Ouest, soit dans 42 pays.

Auparavant, j’étais dans un groupe de travaux publics et de construction. Mon activité se situe dans le Sud-Est asiatique : Chine, Indonésie, Malaisie, Myamar, Taïlande.

A la tête de ce groupe français qu’est Bolloré, qu’est-ce que vous faites exactement ?

• Le Groupe Bolloré est essentiellement tourné vers les services de la logistique, la manutention portuaire, le transport. Nous sommes un des acteurs économiques importants en Afrique. Bolloré de par ses différentes filiales, est aussi un groupe qui forme ses cadres et son personnel.

Vous avez été ministre de la Coopération sous le gouvernement d’Edouard Balladur. Que peut-on retenir d’essentiel dans les rapports Afrique/France à l’époque ?

• L’époque est d’abord intéressante, car on était en pleine cohabitation. Le Président était François Mitterrand et son Premier ministre, Edouard Balladur. L’Afrique est un des pôles d’intérêt de la politique internationale de la France à l’époque.

Il y avait une espèce de cogestion qui existait entre Matignon et l’Elysée pour ce qui concerne le développement de l’Afrique.

Car à cette époque-là, il y a eu une véritable vision commune concernant l’Afrique. Il n’y avait aucune difficulté, la France a poursuivi une politique initiée précédemment. Le gouvernement Balladur a été très attentif au développement de l’activité économique. L’aide publique au développement à l’époque était très importante.

Je pense que nous avons eu des relations paisibles à cette époque avec l’Afrique. Sans oublier la dévaluation du franc cfa qui a été un des thèmes traités par le Président Mitterrand, Balladur et les chefs d’Etats africains.

Justement, au sujet de la dévaluation du Fcfa, vous étiez au devant de l’événement, survenu en janvier 1994 à Dakar. Treize ans après cette opération, pensez-vous que l’Afrique en a tiré profit ?

• Très sincèrement, je suis convaincu que l’Afrique a tiré un bon parti de cette dévaluation. Par contre, je n’ignore pas les efforts qui ont été faits, les difficultés que cela a engendrées pendant toute une période pour les populations africaines, mais cela a permis une relance de l’activité économique.

Les bailleurs de fonds ont repris leur décaissement et leur financement de programme. Et si j’en juge par le taux de croissance dans les pays de la zone franc depuis la dévaluation, on s’aperçoit que les résultats sont tout à fait positifs. Cela a été un moment difficile, il fallait avoir le courage politique de le faire.

Treize ans après, je ne regrette pas d’avoir été un de ses acteurs et un de ceux qui ont été toujours disponible pour venir expliquer les raisons de cette opération chaque fois qu’on me l’a demandé.

Je retrouve aujourd’hui, dans des activités différents, des responsables politiques ou économiques africains, avec lesquels on avait eu des moments difficiles à cette époque-là, qui me disent à présent :

"Michel, tu avais raison, il fallait le faire, c’était important pour nous, et les résultats sont positifs". Quand j’entends ce type de jugement, je m’aperçois qu’on ne s’est pas trompé.

Revenons à la politique française en Afrique, qui est caractérisée par le "ni-ni" (ni ingérence, ni indifférence), l’expression du Premier ministre actuel, Dominique de Villepin. Pourtant, on sait que la ligne de démarcation entre ingérence et indifférence est souvent tenue. Que pensez-vous ?

• Je trouve que cette formule du Premier ministre va dans le sens d’une toujours grande indépendance de nos alliés et partenaires africains. Bien sûr, pas d’ingérence, mais nous avons des choses que nous faisons ensemble.

Je pense que depuis quelques années, il y a une nouvelle orientation des rapports entre les milieux économiques africains. Je pense que tout cela va dans le bon sens.

L’initiative doit être une initiative africaine et nous ne devons être présents que dans les négociations afin de développer ensemble des activités profitables dans le secteur privé, qui est pourvoyeur d’emplois.

Pour ce qui me concerne, je m’exprime en tant que chef d’entreprise, et en tant également que vice-président du MEDEF, regroupement des entreprises françaises, je m’exprime pour dire qu’il y a un nouveau départ dans cette relation avec le milieu d’affaires africain.

Et la position de la France en Côte d’Ivoire. Est-ce une ingérence ou une indifférence ?

• Le cas ivoirien relève d’une décision qui est prise dans le cadre des Nations unies, à la demande d’organismes politiques africains. Je n’ai pas d’opinion particulière. Je ne suis pas dans l’action politique. Je constate seulement que si la France est engagée en Côte d’Ivoire, c’est pour préserver le processus de paix et les négociations qui doivent se poursuivre.

Et les intérêts de Bolloré, qui y est très présent.

• Bolloré, en Côte d’Ivoire, emploie 3700 salariés dans des activités diverses. Parmi ces salariés, il y a 43 expatriés sur le terrain. Nos activités, là-bas, sont donc essentiellement ivoiriennes. Je suis le président de Sitarail, qui est une compagnie de chemin de fer qui relie Abidjan à Ouaga. 1400 cheminots y travaillent, des Burkinabè et des Ivoiriens œuvrent à développer cette ligne de chemin de fer.

Deux Blancs sont présents dans ce dispositif, moi, votre serviteur, et un directeur général, qui est un polytechnicien qui vient de prendre ses fonctions. Alors, je crois qu’il ne faut pas faire de mauvais procès au Groupe Bolloré, qui réinvestit chaque année en Afrique des sommes très importantes pour moderniser l’outil de production, de travail. Le Groupe Bolloré, a investi, en 2006, 82 millions d’euros en Afrique.

C’est une réponse à toutes les critiques. Est-ce qu’il y a beaucoup d’entreprises étrangères qui y investissent de telles sommes ? Vous trouverez la réponse en faisant vos propres investigations.

Que pensez-vous du Président Jacques Chirac, figure tutélaire de la politique française ces 15 dernières années ?

• J’ai été longtemps le collaborateur du Président. Son directeur de cabinet, puis j’ai travaillé avec lui à Matignon, sur l’Afrique. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il est incontestable que Chirac a toujours été déterminant pour préserver les intérêts des Africains.

Non seulement dans le cadre de négociations bilatérales, mais aussi ailleurs, notamment dans les institutions européennes, où il a toujours été l’avocat de l’Afrique. D’ailleurs, son exemple a été suivi par le Premier ministre britanique Tony Blair. Lui aussi a compris qu’il fallait avoir cette altitude positive vis-à-vis de l’Afrique.

Que ce soit au G7, au G8, c’est Chirac qui prend la parole et s’exprime en rappelant ce que doivent faire les institutions internationale et les pays riches en faveur de l’Afrique. Cela, personne ne peut le contester, il est amoureux de l’Afrique.

Vous avez évoqué ces nombreuses années impressionnantes où il a occupé le devant de la scène politique, jamais à aucun moment il n’a changé d’attitude à l’égard de l’Afrique.

On vous dit pourtant déçu du chiraquisme.

• Ah non ! Cela est une appréciation journalistique. J’ai été le collaborateur de Jacques Chirac. Je ne le suis plus. Je ne suis pas un déçu du chiraquisme. Dans la vie, il y a différentes étapes. Moi, je gère la mienne et je la gère en dehors de cette proximité qui a été la mienne avec le président de la République française.

Qui sera le prochain locataire de l’Elysée selon vous. Sarkozy ? Ségolène ? ou un troisième "larron" ?

• Nous sommes, vous et mois encore dans l’analyse préélectorale. Il est encore très difficile de dire qui des deux va l’emporter. Néanmoins, on s’aperçoit qu’il y a dans les sondages un écart qui s’établit et se stabilise au profit de Nicolas Sarkozy qui a pris la tête. La compétition se poursuit, vous l’aurez constaté aussi, Sarkozy a enchaîné meeting sur meeting, et à chaque fois, ces rassemblements catalysent les énergies qui sont pour lui.

Il y a deux jours, à Paris (Ndrl : le 5 février dernier) au cours de "J’ai une question à vous poser", la nouvelle émission de TF1, il a répondu aux questions d’une centaine de personnes de la société civile. Je dois vous avouer que ma culture me pousse vers Nicolas Sarkozy.

Interview réalisée par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga

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