LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Confédération paysanne du Faso : Les chantiers du nouveau président

Publié le mercredi 7 février 2007 à 07h59min

PARTAGER :                          

A l’issue de la tournée nationale d’information des membres de la Confédération paysanne du Faso (CPF) à la base, le président de ladite structure, Bassiaka Dao, tire les enseignements du périple dans les 13 régions. Il évoque également la prochaine Journée nationale du paysan (JNP) et deux chantiers qui lui tiennent à coeur : le prix minimum garanti et la centrale d’achat d’intrants.

Pourquoi avoir initié cette tournée ?

Cette tournée visait à meux faire connaître la confédération à ses membres à la base dans les 13 régions du Burkina Faso. Ce fut une occasion pour nous, les responsables de cette structure, de nous rapprocher des organisations à la base. Pendant une semaine, nous avons présenté les objectifs de la CPF, sa vision, son mandat et ses missions. Les échanges ont permis d’expliquer ce que nous pouvions faire ensemble avec le soutien de la base.

Vous avez attendu 5 ans pour entreprendre une telle tournée. S’imposait-elle vraiment ?

Absolument. Depuis l’Assemblée constitutive à Bobo en 2002, puis l’assemblée générale de décembre 2006, il nous fallait un cadre d’échanges sur des sujets plus généraux mais importants pour la vie de notre organisation. Il nous fallait associer la base pour comprendre sa lecture de certains sujets qui nous préoccupent. C’était une façon pour nous de combler le déficit d’information qui existait entre la base et le sommet.

Conduire une tournée nationale n’est pas chose facile. Comment la confédération s’est-elle organisée ?

Trois équipes ont été constituées. Une en direction de l’Ouest, l’autre sur le Plateau central et la dernière a tourné dans les régions de l’Est. Chaque équipe était constituée de leaders paysans et d’un organe de presse. Dans chaque région nous avons sollicité l’appui des médias locaux pour la couverture de l’événement.

Votre équipe a parcouru l’Ouest du pays. Quel message avez-vous délivré ?

A l’Ouest, nous avons dit au paysans que la confédération était leur. C’est par leur volonté que la CPF est née en 2002. Il est donc nécessaire que nos membres à la base en tiennent compte dans leurs activités. C’est à travers eux que la confédération vit.

Quel bilan faites-vous de la tournée ?

Personnellement, je suis très satisfait des résultats de la tournée. Cela m’a permis de toucher du doigt les réalités de notre organisation sur le terrain. Il y a surtout les préoccupations que la base a fait ressortir. Que ce soit dans la Boucle du Mouhoun, les Hauts-Bassins, les Cascades ou la région du Sud-Ouest, on a parlé de la cherté des intrants, du prix bas des céréales, du prix du coton, du manque d’information sur la confédération et sur les activités qu’elle mène tant au niveau national que sous- régional.

La base nous a interpellés sur la façon dont la confédération pourrait lui venir en appui pour certaines activités. Nous avons fait ensemble le constat que, pour être plus opérationnels, les membres avaient besoin d’une meilleure structuration pour être en phase avec la confédération.

Une question importante qui nous a été posée était celle de savoir comment mettre en place une centrale d’achat d’intrants afin d’amortir les coûts. Il a été également question de l’instauration d’un prix minimum d’achat pour garantir un revenu au producteur.

Ces préoccupations sont légitimes et nous qui sommes les représentants de ces populations allons travailler à aller dans ce sens avec l’ensemble de nos partenaires. Notre premier partenaire est l’Etat et ses démembrements parce que tous ces paysans travaillent pour le reste des Burkinabè. Avec lui, nous allons voir ce qui est faisable en matière de centrale d’achat et de prix minimum garanti.

Et pour ce qui concerne la circulation de l’information ?

A ce niveau, nous allons voir avec le soutien d’Oxfam, du FIDA, de la FAO, de l’Union européenne, qui sont nos partenaires techniques et financiers, comment surmonter efficacement cet écueil.

On vous a vu insister lors de la tournée. En quoi cela est-il déterminant pour la CPF ?

Une organisation faîtière comme la CPF ne peut vivre et fonctionner sans ressources. A la lumière même des préoccupations soulevées par la base on ne peut pas les résoudre sans moyens. Lors de la dernière assemblée générale, cette recommandation a été adoptée par tout le monde. Cela veut dire que depuis la base le paysan cotisera. Sa fédération récupérera la part de la CPF via les unions et les groupements, qu’elle nous reversera contre une carte de membre. Cette carte de membre portera le logo de sa fédération et celui de la CPF. Ce sera notre signe d’appartenance et d’engagement pour la même cause. Cette carte donne le droit de demander des comptes sur la gestion de la CPF et donnera le droit de participer à certaines des activités que nous allons organiser.

Combien de millions escomptez-vous avec ce système de collecte des cotisations et à quoi cela va-t-il servir, concrètement ?

Nous escomptons environ 100 millions si tout fonctionne comme prévu. Cet argent va servir à assurer le salaire des employés du siège. Nous avons besoin d’un personnel d’appui composé de techniciens pour suivre nos dossiers et nous accompagner au jour le jour. Ces cotisations vont servir à des formations, à des voyages d’échanges entre paysans. Elles vont enfin servir à renforcer nos structures de gestion et d’information. Cet argent va nous permettre de construire notre autonomie.

Qu’est-ce que le prix minimum garanti au producteur dont vous parlez ?

C’est simple. Nous voulons faire face à la spéculation et aux variations fréquentes des prix de nos produits. Nous voulons que l’on fixe les prix en tenant compte des coûts de production. Cela va permettre un prix planché pour la commercialisation des récoltes. Par exemple si le minimum garanti du sac de mil est de 7000 F CFA, le producteur saura à quoi s’en tenir. Il augmentera ou diminuera sa surface en fonction de ce paramètre. Il sait quelles charges induisent une récolte de 100 sacs par exemple. Il faut donc le concours de tous pour qu’on en arrive à ce prix minimum.

C’est une des conditions pour que le producteur s’assure un revenu minimum et ne brade pas sa récolte. Nous voulons lutter contre la pauvreté en milieu paysan. L’enjeu, c’est de permettre aux producteurs de vivre dignement, sinon ils vont déserter les champs pour venir grossir les villes. L’Etat doit nous y aider, les consommateurs également puisque chacun de nous a un village. Quand il ne pleut pas au village, ce sont les fonctionnaires et autres salariés qui sont sollicités. Nous y avons tous intérêt. Le minimum garanti est un levain pour produire plus et en qualité.

Le problème de la représentation des paysans à la base s’est posé à Gaoua et à Banfora, ainsi que celui de la circulation de l’information. Les paysans disent que leurs représentants ne rendent pas compte. Quel remède proposez-vous ?

Pour ce qui concerne la circulation de l’information, nous sommes en train de mettre en place des cadres de concertation au niveau de chaque région. Ce sera des points d’informations et de formations équipés en conséquence avec une connexion Internet où les membres de la CPF pourront se rencontrer et échanger. Ces cadres de concertation seront nos relais à la base.

Pour ce qui est de la représentation de la base, partout nous l’avons répété, il faut que l’on respecte les statuts et règlement intérieur de nos organisations. La loi coopérative dit que le mandat est de trois ans, renouvelable une fois. Ce n’est pas possible d’avoir des présidents à vie. Au bout de 2 mandats, si la personne travaille bien, qu’elle devienne une personne de ressources de l’organisation pour l’accompagner.

Pour la représentation et les comptes rendus, la question est vite réglée avec les cotisations. Ne représente sa base que celui qui est à jour de ses cotisations. Si son organisation lui paye son transport et son hébergement, il ne peut pas ne pas rendre compte. Le problème, c’est que certains leaders viennent souvent à l’insu de leur base, et par leurs propres moyens. Dans ce cas, à qui rendent-ils compte ? Il n’y a aucun moyen de pression. C’est pour cette raison qu’il faut exiger les cotisations pour donner les moyens aux organisations paysannes de base de mandater des représentants et de leur demander des comptes. Nous, au sommet, nous ne pouvons pas nous immiscer dans la gestion quotidienne de nos membres. Ils se connaissent à la base, c’est à eux de s’organiser pour être correctement représentés.

La Journée nationale du paysan a lieu dans quelques jours. Que proposera la CPF ?

Nous sommes en train de nous préparer en ce qui concerne le thème, qui porte cette année sur la gestion des ressources naturelles et leur impact économique sur les acteurs (NDLR : l’interview a été réalisée le 2 février) Nous reviendrons sur les préoccupations de la base. Mais nous allons les synthétiser et proposer deux contraintes majeures de la base au président du Faso afin que d’ici la prochaine Journée on puise faire un vrai bilan. Je pense qu’il faut qu’on aborde les problèmes transversaux tels le prix minimum garanti ou la centrale d’achat d’intrants, qui intéressent tous les producteurs. Les JNP passées, on a assisté à un catalogue de problèmes souvent spécifiques à une région seulement. Je pense qu’avec les autorités nous sommes d’accord pour donner plus d’impact aux JNP de cette façon.

Je voudrais remercier tous ceux qui ont permis la réalisation de cette tournée. Il s’agit de Fida, Oxfam- Intermon et tous les Oxfam et les paysans burkinabè qui ont contribué à hauteur de 6 millions. Je n’oublie pas les unions et les groupements ainsi que les fédérations qui nous ont reçus, de même que les autorités administratives des régions traversées.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)