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Blaise, le Burkina et la crise ivoirienne : Et si la solution passait en effet par Ouaga

Publié le mercredi 7 février 2007 à 08h21min

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"La solution de la crise ivoirienne passe par Ouagadougou", a dit, il y a quelque temps déjà, Me Hermann Yaméogo, leader de l’Union nationale pour le développement et la démocratie (UNDD). L’argumentaire qui a abouti à une telle conclusion est controversé pour nombre de personnes même si aujourd’hui la probabilité que cette conclusion soit avérée est de plus en plus forte.

En substance, pour H. Yaméogo, Blaise Compaoré est le parrain (pour ne pas dire le chef) de la rébellion ivoirienne. Ce faisant, s’il cesse de soutenir ses filleuls, on ne parlera plus de la crise ivoirienne qu’au passé. Bien entendu, cette position a ses partisans (notamment) dans l’opposition politique et certaines organisations démocratiques de masse proches du Collectif d’organisations démocratiques de masse et de partis politiques.

Cependant, à la lumière des derniers développements du différend qui divise les Ivoiriens, les pays de la sous-région et la communauté internationale, l’hypothèse selon laquelle l’issue de ce conflit passerait par Ouagadougou est de plus en plus plausible. Non pas parce que pour l’Organisatin des Nations unies, le président du Faso est cette main invisible du marionnettiste tirant les ficelles ; mais parce que les deux principales parties ivoiriennes ont estimé que Blaise Compaoré en tant que chef de l’Etat du Burkina Faso et président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) peut apporter une contribution décisive au retour de la paix au pays de Félix Houphouët-Boigny.

Après Marcoussis-Kléber, Accra I, II et III et Prétoria où des solutions à cette crise ont été recherchées, trouvées et soumises aux protagonistes sans que les deux principales parties en conflit (à savoir le camp présidentiel et celui des Forces nouvelles) aient eu à se parler vraiment face-à-face et directement, c’est au tour de Ouagadougou de tester sa chance.

Le réalisme du camp présidentiel ivoirien

Il y a seulement quelques mois, personne n’aurait pensé que Koudou Laurent Gbagbo et les faucons qui l’entourent accepteraient que Blaise Compaoré soit le facilitateur dans le conflit qui les oppose à leurs frères du Nord. Nul besoin de nous demander pourquoi puisque les journaux (et en l’occurrence L’Observateur paalga) en ont parlé abondamment.

Toutefois, il importe de relever, en plus des explications des médias, le fait que si les frères ennemis ivoiriens se sont mis d’accord pour que Blaise Compaoré soit le facilitateur du dialogue direct, c’est que, pour des raisons historiques, géographiques et sociologiques, les sorts de nos deux pays sont liés. Pendant longtemps, une majorité d’Ivoiriens manipulés par des dirigeants chauvinistes étaient convaincus que sans leur pays, le Burkina serait rayé de la carte de l’Afrique, qu’en aucun cas ils n’auraient besoin des Burkinabè, qu’ils considéraient d’ailleurs comme des sous-hommes et que Burkinabè et Moaga rimaient avec injures.

Avec ce qui est en train de se passer à Ouagadougou, c’est la preuve que quelque chose a changé ou est, au moins, sur la voie du changement. En effet, que les négociations actuelles aboutissent ou pas, l’histoire retiendra que le Burkina Faso et Blaise Compaoré, ce Moaga bon teint, ont été des recours pour la résolution de la crise ivoirienne.

Cependant, les Burkinabè auraient tort de trop s’en vanter et de manquer de modestie, car ce serait tomber dans les mêmes travers que nos frères d’outre-Comoé. En attendant, ces derniers font preuve de réalisme et d’humilité en s’en remettant à nous pour l’avenir de leur nation. Reste à espérer que les deux parties soient sincères dans la recherche des solutions pour l’avènement de la paix.

Un danger guette les Burkinabè : commettre la même erreur que les Ivoiriens

Les Burkinabè auraient tort de trop s’en vanter comme nous le disions tantôt. Effectivement, ayant enduré, pendant plusieurs décennies, les quolibets, les moqueries, les humiliations et la répression de certains éléments des forces de sécurité et de défense ivoiriennes, la tentation est grande, pour les Burkinabè, de vouloir se "venger" de ces inconduites ivoiriennes en se vantant du fait que K. L. Gbagbo et les siens n’ont pas trouvé mieux que le Burkinabè et le Moaga pour les aider à se réconcilier avec leurs concitoyens du Nord.

Compréhensible, un tel comportement l’est, mais maladroit, il l’est tout aussi, car ce serait non seulement commettre la même erreur que les Ivoiriens, mais pire, ce serait oublier que c’est parce que les deux pays sont vraiment liés et qu’en cas de crise au Burkina Faso, nos frères ivoiriens peuvent jouer un rôle de premier plan dans la recherche des solutions. Cela est d’autant plus vrai que ce genre de situation n’arrive pas qu’aux autres. Nous serions donc mal inspirés de croire que nous valons mieux que les habitants des bords de la lagune Ebrié.

Comme disent Asalfo et ses compagnons de Magic Système : "Premier gahou n’est pas gahou, c’est deuxième gahou qui est gnanta". Autrement dit, si certains Ivoiriens et pas des moindres, ne voyant pas plus loin que leur nez, considéraient (ou considèrent peut-être encore) les Burkinabè comme la chienlit (mot jadis utilisé pour qualifier Alassane Dramane Ouattara), les Burkinabè étaleraient également leur idiotie si la tentation de saisir la présente occasion pour se bomber la poitrine leur effleurait l’esprit.

Le tort d’Houphouët-Boigny : avoir eu très tôt raison

Des bêtes immondes sommeillent en nous, qui ne doivent subir d’autre sort que celui d’être combattues. Elles ont pour noms ivoirophobie, chauvinisme primaire, xénophobie, nombrilisme, burkinacentrisme...

Certes, à nos frères Ivoiriens nous devons réclamer la même chose, mais cela ne nous empêche pas de mener ce combat, car le fait pour eux d’avoir accepté la médiation de Blaise Compaoré est déjà révélateur du changement de mentalité de nombre d’entre eux ; reste à convaincre l’Ivoirien lambda.

Si, comme nous le souhaitons de tout cœur, ce dialogue direct se soldait par la paix, c’est Félix Houphouët-Boigny qui, du haut des cieux, serait, à n’en pas douter, le premier à la savourer pour avoir compris très tôt que la Côte d’Ivoire et la Haute-Volta (aujourd’hui Burkina Faso) étaient déjà dans les faits un seul pays en attendant de l’être institutionnellement parlant. N’avait-il d’ailleurs pas pour cela voulu que tout Ivoirien ait la nationalité voltaïque et tout Voltaïque la nationalité ivoirienne ? Le projet a malheureusement fait long feu à cause des pressions dissuasives qu’il a subies de la part de certains Ivoiriens.

Fort heureusement, il n’est jamais trop tard pour bien faire en envisageant dorénavant les relations ivoiro-burkinabè sous un autre angle. Dans ce sens, les atouts ne manquent pas : moyens de communication (air, route, chemin de fer, télécommunications...), brassage des populations dont le couple Compaoré est un exemple éclatant, énergie (électricité, produits pétroliers), économie (planteurs, hommes et femmes d’affaires et ouvriers agricoles burkinabè, etc.)... Puisse donc la paix en Côte d’Ivoire passer par Ouagadougou, car quand la case de notre voisin brûle, nous n’avons de devoir que celui de l’aider à éteindre l’incendie, au moins pour que la nôtre ne s’embrase pas à son tour.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 7 février 2007 à 09:20 En réponse à : > Blaise, le Burkina et la crise ivoirienne : Et si la solution passait en effet par Ouaga

    Felicitation à Zondma K pour la sagesse, la verité et la hauteur qui transparraissent dans cet article. Il ne reste à souhaiter que le Tout Puiissant Allah ouvre les bons yeux et active les bons sens de tous les Africains de l’Ouest. Ce style d’ecriture doit aussi faire école dans certaines redactions qui n’ont pas encore compris le rôle capital que la Presse doit jouer dans la culture de la paix véritable

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