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Sénégal : Dans quel Djola Idrissa Seck veut-il mener les Sénégalais ?

Publié le mardi 6 février 2007 à 07h36min

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Idrissa Seck et Abdoulaye Wade

Depuis le 4 février à minuit, la campagne présidentielle sénégalaise est lancée avec des gestes symboliques forts.
En attendant le jour de vérité qui est le dimanche 25, date du scrutin, et pendant trois semaines, c’est une course éperdue à travers les plaines sablonneuses des proches et lointaines provinces du pays de la Teranga.

Abdoulaye Wade du Parti démocratique sénégalais (PDS), le tenant du titre, a passé la 1ère journée de campagne à Mbacké, à une encablure de Touba, la Mecque des Tidiane dont le chef de l’Etat est le premier talibés. Tanor Dieng, lui, candidat du Parti socialiste (PS) s’est dirigé vers le Nord-Ouest, à Louga plus précisément là où naquit un certain Abdou Diouf en 1935. Le compte à rebours a donc bel et bien commencé et tous les quinze candidats à la présidentielle s’y mettent.

Enfin presque...Car, ironie du sort, Idrissa Seck, le désormais trublion de la faune politique sénégalaise semble, pour l’instant, se tourner les pouces. Est-ce parce qu’Idy vogue dans une belle assurance, lui qui a affirmé sans sourciller que « je gagnerai au premier tour et le pire qui puisse m’arriver, d’après les études que nous avons effectuées, c’est que je sois présent au deuxième tour » ?

En effet, c’est le pronostic qu’avait fait sans ciller le propriétaire des grands dossiers de Thiès, peu après avoir fumé le calumet de la paix avec son mentor, le président Abdoulaye Wade. On se rappelle que le 22 janvier 2007, à l’issue de leurs retrouvailles (ils ne s’étaient plus vus depuis avril 2004) et après dix heures de négociations, le chef de l’Etat avait a aussitôt bondi sur les caméras du monde entier pour annoncer la réconciliation. Les usages protocolaires nous avaient pourtant habitués à ce que ce soit la personnalité reçue en audience qui s’exprime.

Ce que Seck, sorti par une porte dérobée ce jour-là, refusa de faire. Plus tard (deux autres entrevues ont suivi depuis) il évitera toutefois de confirmer ou d’infirmer son retour dans la maison PDS, entretenant le flou artistique et laissant ses compatriotes se perdre en conjectures. Poussé dans ses derniers retranchements, l’ex- dauphin du président s’était tout naturellement retrouvé en opposition frontale envers son ancienne famille politique. Normal ! Qu’on lui saute au cou aurait étonné et à vrai dire, des gens comme le Premier ministre Macky Sall et le ministre de l’Intérieur Ousmane NGom ne doivent pas avoir sauté le champagne.

Aujourd’hui, et à seulement quelques semaines de la joute présidentielle, le fils banni, contre toute attente, semble donc avoir réintégré la case du père tout en pardonnant comme Joseph dans la Bible. Sûr de son aura et singulièrement, de son grand destin politique, Idrissa Seck, malgré son retour annoncé mais pas encore effectif dans sa famille naturelle, dit n’avoir pas pour autant abandonné ses ambitions présidentielles. Troublant tout de même !

Et quand il parle, à chaque occasion, de « cohérence » dans tout son parcours, l’on peut se demander si pour Idy, ce mot n’a pas une autre définition que celle contenue dans le dictionnaire. Où se trouve la cohérence de ce politicien qui a renoué avec son meilleur ennemi à la veille d’une élection, donnant ainsi un véritable coup de Jarnac aux militants du parti politique (Rew Mi) qu’il venait de créer et à l’opposition qui croyait en lui.

Avait-il tant besoin de se réconcilier avec le plus célèbre chauve du Sénégal qui (nous sommes des Africains) n’était tout de même pas sur son lit de mort ! Il aurait pu attendre la fin d’un possible 2ème tour pour tomber dans les bras de son ancien maître à penser si l’envie lui prenait ! Et pour faire plus mystérieux, Idy comme on l’appelle affectueusement, qui tient néanmoins a garder son étiquette de prétendant au fauteuil, va jusqu’à installer son QG de campagne en face de la résidence privée... du Chef de L’Etat au quartier du Point E à Dakar. N’est-ce pas pour allègrement traverser la voie qui sépare les deux bâtisses, au cas il y aurait un 2ème tour et pousser son ancien mentor ? En ce moment, ses amis opposants pourront aller se faire cuire un œuf.

L’on continue donc de se demander dans quel Djola Idrissa Seck veut mener les électeurs sénégalais et surtout vers quels horizons électoraux ? Mais une chose est sûre, il a de fortes chances de ne pas emporter au paradis cette duplicité, qui, à en croire le Larousse, est le caractère de « quelqu’un qui ne se montre pas tel qu’il est, qui présente intentionnellement une apparence différente de ce qu’il est réellement ».

Car, on a beau dire à dire que la politique et la crédibilité font rarement bon ménage, il y a tout de même un minimum de considérations éthiques à prendre quand on veut présider aux destinées d’un Etat. Les électeurs n’étant plus ces moutons de Panurge qui suivent aveuglément le pasteur qui est devant le troupeau.

Pour avoir séjourné il y a quelque deux mois au Burkina Faso et invité à l’occasion ses compatriotes, le ban et l’arrière-ban de la presse pour dire qu’il ne peut pactiser avec le diable (entendez par là Wade), Idy aurait dû pourtant s’inspirer de la mésaventure de bien des politiciens de chez nous, rasant aujourd’hui les murs et végétant dans le landerneau politique national.

Eux qui, après avoir suscité bien des espoirs pour la jeunesse, ont déçu bien des attentes après avoir renié leur idéologie et en faisant plusieurs allers et retours entre le pouvoir et l’opposition. Toujours au nom de « l’intérêt national ». D’ailleurs, l’ancien maire de Thiès aime jeter en pâture ce dernier argument aux journalistes qui ne sont pas dupes. Mais au moins qu’il ait l’obligeance de ne pas prendre les Sénégalais pour des c...

Cela dit, si l’attitude du maire de Thiès inquiète, la précipitation avec laquelle Gorgui a annoncé le retour de l’enfant prodigue est tout aussi sujette à caution car tout semble indiquer que l’affaire n’était pas tout à fait mûre. Il aurait d’ailleurs voulu un peu forcer la main à son ancien fils spirituel qui doit se faire désirer qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Et avec ça, on veut nous convaincre qu’il n’y a marchandage alors que chacun sait que le président sortant face à l’unité de l’opposition en cas de second tour a besoin d’un allié solide comme Seck pour rempiler.

Un Seck que les autres partis de l’opposition, avec qui Rew Mi faisait front, ont d’ailleurs extirpé (à raison) de leurs rangs car comme qui dirait, « un pied dedans, un pied dehors, c’est dehors ».

Si, « il y a forcement un deal mortel » en bas (comme nous l’écrivions dans un de nos Regard sur l’actualité de janvier) et on verra bien en cas de second tour auquel il ne participerait pas (nonobstant son optimisme démesuré) si le revenant ne sera pas obligé de préciser ses intentions et de se déterminer. Et qui sait si, une fois réélu, Wade, qui a déjà 80 ans au compteur ne quittera pas le navire battant pavillon sénégalais en plein mandat pour ...céder le gouvernail à Seck.

Issa K. Barry
L’Observateur

(1) Bateau sénégalais reliant la Casamance au continent qui a chaviré en 2002, faisant 1500 morts

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