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Blaise Compaoré et la crise ivoirienne : Le pyromane devenu pompier ?

Publié le lundi 29 janvier 2007 à 08h12min

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Compaoré et Gbagbo

Accra I, II, III, Lomé, Linas Marcousis, Addis Abeba, Pretoria I et II... et Ouaga I le 19 janvier dernier lors du 31e sommet de la CEDEAO.

Nul doute que lorsque les putschistes du 19 septembre 2002 ont échoué et se sont repliés au Nord de la Côte d’Ivoire, personne ne pronostiquait que cette crise perdurerait aussi longtemps. Encore moins qu’elle nécessiterait tant de sommets pour la résoudre.

Les Ivoiriens et la communauté internationale sont désormais fixés : la kyrielle de rassemblements des premiers responsables de la CEDEAO et d’autres organismes internationaux n’a pas encore ramené la paix en Côte d’Ivoire. Même si quelques petits pas ont été effectués dans ce sens. Et pourtant, que d’espoirs suscités dès le premier sommet postcrise, le 29 septembre 2002 à Accra : cette réunion extraordinaire des présidents de la CEDEAO avait déjà proposé des solutions qui satisfaisaient, et ce qui n’était d’abord qu’un conglomérat de rebelles, et Laurent Gbagbo lui-même.

Ainsi, au sortir de l’Assemblée nationale ghanéenne où se sont déroulés les travaux, le chef de l’Etat ivoirien avait pu déclarer : "Je suis fier de la CEDEAO". A l’époque, il avait évoqué l’obtention d’un chèque en blanc de ses pairs pour "reconquérir le Nord".

Puis Linas-Marcoussis, le 24 janvier 2003 : ce jour-là, après 10 jours de conclave, vers 2 heures du matin, les frères ennemis ivoiriens, main dans la main, ont chanté l’Abidjanaise, l’hymne national, pour couronner leur succès. Marcoussis avait accouché d’accords qui maintenaient Gbagbo comme Président jusqu’en octobre 2005, terme de son mandat, mais affublé d’un premier ministre inamovible aux pouvoirs élargis. En fait, c’est un Laurent Gabgbo dépouillé de ses prérogatives qui est revenu de la réunion de la banlieue parisienne ... S’en est suivie, comme on le sait, cette polémique autour du primat de la Constitution ivoirienne sur les Accords de Linas-Marcoussis.

On sait également ce qu’il est advenu du P.M. le sexagénaire Elimane Diarra, "malmené" par Gabgbo, si ce n’est par les "jeunes patriotes du "général" Blé Goudé, qui réclamaient son départ. Et que dire des 2 rencontres des protagonistes en Afrique du Sud sous la facilitation du Président Thabo M’Béki ?

En acceptant, fin novembre 2005, d’aider les Ivoiriens à retrouver la paix, le successeur de Nelson Mandela débutait sous de bons auspices, puisqu’il était "bien vu" par les différents camps. Mandaté par l’Union africaine (U.A.) après l’escalade de début novembre, M’Béki s’est attelé à mettre tout le monde d’accord. D’où ses va-et-vient à Bouaké, le défilé des uns et des autres à Pretoria et, in fine, les deux conclaves regroupant tous les frères ennemis, dans la capitale sud-africaine.`

La révision de l’article 35 de la Constitution relatif aux conditions d’éligibilité à la présidence de la République a été un des grands acquis de Pretoria II. Autrement dit, cette rencontre a mis fin à la querelle, du moins officiellement, à la guerre des conjonctions (...être né de père et de mère ivoiriens). Pour tout dire, l’article 35 reprofilé permettait à Alassane Dramane Ouattara de compétir à la présidentielle. Hélas, M’Béki également trébuchera pour diverses raisons, mais non sans avoir engrangé quelques acquis dans le cadre du retour à la normale au pays d’Houphouèt. On aura tout vu : sommets d’Accra, pourparlers de Lomé, conclave de Marcoussis ou huis clos d’Addis Abeba n’ont pas trouvé de solution à l’équation ivoirienne. La région de la lagune Ebrié demeure toujours dans une situation de ni guerre ni paix.

C ’est dans un tel contexte que le 31e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO a chargé Blaise Compaoré, nouveau président en exercice, de faciliter les rapports entre les adversaires de cette crise : "Ils (les chefs d’Etat) ont salué l’initiative prise par le Président Laurent Gbagbo pour engager le dialogue avec le ministre d’Etat Guillaume Soro et invité le président en exercice de la CEDEAO à faciliter ce dialogue pour dynamiser le processus de paix", stipule le communiqué final du sommet, lu le 19 janvier dernier par Adrienne Diop, la chargée de communication de la CEDEAO. Chargé de cette mission, Blaise Compaoré a manifestement décidé de prendre rapidement le taureau par les cornes. Ainsi faut-il inscrire ses entretiens, avec Guillaume Soro le 22 janvier dernier et le 24 avec son homologue ivoirien à Bobo-Dioulasso dans cette perspective.

La ville de Sya constitue un petit pas de fait pour le président en exercice de la CEDEAO. D’abord, parce que Gbagbo, qui a proposé lui-même ce dialogue direct, approuve que ce soit son homologue burkinabè qui soit commis à cette tâche : "Il fallait, avant que nous entamions entre Ivoiriens le dialogue que j’ai préconisé, que nous confiions la supervision de tout à la CEDEAO pour qu’elle nous encadre et nous accompagne... Comme j’ai la chance de connaître Blaise qui me connaît aussi, on a tracé le cadre de l’intervention de la CEDEAO", a laissé entendre le chef de l’Etat ivoirien à Bobo. On l’aura donc compris, Gbagbo aurait voulu dire qu’il approuve ce choix de ses pairs de la CEDEAO qu’il ne se serait pas exprimé autrement.

Et le chargé de mission de la CEDEAO dans ce dialogue direct aura compris également le chef de l’Etat ivoirien. Sans doute fera-t-il part, les 29 et 30 janvier prochain à Addis Abeba, de cette esquisse de la "Réunion exploratoire de Bobo" à ses collègues de l’U.A. On ne peut également manquer d’avoir la vague impression qu’il y a une seconde raison à cette mission assignée au premier magistrat burkinabè : c’est un euphémisme d’affirmer que Blaise est considéré, à tort ou à raison, comme le parrain des Forces nouvelles. Qu’on se rappelle les propos de Gbagbo les premiers jours après le coup d’Etat manqué, du genre "Mon pays est attaqué... La Côte d’Ivoire est attaquée par des assaillants venus du nord", le nord désignant surtout le Burkina.

A ce sujet, l’honnêteté recommande de reconnaître que le Burkina Faso est la base arrière des ex-rebelles. De nombreux leaders de ceux qui ont pris les armes contre Gbagbo y ont séjourné et y viennent toujours régulièrement tels I.B., Guillaume Soro, Wattao... En tout cas, c’est une raison suffisante pour les pro-Gbagbo d’affirmer que Blaise Compaoré est le mentor des ex-rebelles. Certes, il y a aussi le fait qu’un rapport de l’ONU avait mentionné que des armes destinées à la rébellion transitaient par le Burkina et le Liberia, tout en indiquant également que Gbagbo recrutait des mercenaires et payait des armes. Mais sans plus.

Alors rien ne pourrait empêcher de penser que les 14 présidents de la CEDEAO se sont convaincus que le hasard faisant bien les choses, pourquoi ne pas en profiter ? Pourquoi ne pas alors refiler l’épineuse question ivoirienne à Blaise, le père "supposé" des ex-rebelles ? Ce serait alors l’histoire du voleur à qui l’on confie son butin pour qu’il en prenne soin. Le pyromane devenu pompier ? D’autant plus que certains affirment que lors d’un huis clos, un chef d’Etat n’aurait pas manqué de s’adresser au Burkinabè en ces termes : "Ecoute, Blaise, il faut parler à tes enfants-là", bien entendu à Soro et Cie.

Si l’on s’en tient à cette thèse, la boucle semble alors bouclée, puisqu’on serait revenu au commanditaire de la crise, qui devrait, en principe, pouvoir rappeler ses "filleuls" à l’ordre. Une thèse rejetée, bien sûr, par les autorités burkinabè. A en entendre Blaise, ce qui lui tient à cœur, c’est "une Côte d’Ivoire calme, unie... Si nos concitoyens installés sur place peuvent y travailler et y vivre en sécurité ... et si nous pouvons accéder à la mer par la route ou le chemin de fer, cela nous suffit simplement". Une raison suffisante pour essayer d’éteindre le feu en Côte d’Ivoire.

L’Observateur Paalga

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