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Guinée : Conté survivra-t-il à ce massacre ?

Publié le vendredi 26 janvier 2007 à 07h43min

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Pour un chef d’Etat, quelle gloire y a-t-il à régner sur des ruines et le chaos ? Faut-il comparer le président guinéen, Lansana Conté, à Néron, cinquième empereur romain dont on dit qu’il était un déséquilibré et un monstre sanguinaire, et qui jouait de la harpe pendant qu’un violent incendie ravageait une partie de la ville de Rome, en l’an 64 de l’ère chrétienne ?

Toujours est-il que les similitudes ne manquent pas entre les deux hommes. Dans un cas comme dans l’autre, la conception du pouvoir relève du divin. Deuxième similitude, comme Rome sous Néron, la Guinée brûle et la réaction des deux empereurs - puisqu’il faut qualifier Conté tel - face à la tragédie, est on ne peut plus déraisonnée et condamnable. Pour le cas de la Guinée, n’est-ce pas déjà, une tragédie, qu’un peuple soit toujours entre les serres d’un régime vermoulu, vomi et répressif, et qui n’a pratiquement plus rien à offrir ?

Quelle différence entre la tragédie de Rome et le mélodrame qui se joue en ce moment dans cette partie occidentale de l’Afrique ? Plutôt que de s’employer à éteindre l’incendie politico-économico-social qu’il a lui-même contribué à déclencher et qui ne cesse de consumer son pays, et à ouvrir les vannes d’une alternance en douceur, Lansana Conté en rajoute au drame en décidant de tirer sur une foule de manifestants qui n’espère ni ne croit plus en lui. En quelques jours de grève, le bilan provisoire est lourd : au moins 44 morts.

Il est tout de même étonnant qu’aucune protestation n’ait encore été élevée, du côté de la communauté internationale, pour crier à la dictature de Conté. Ce dernier, comme bien d’autres chefs d’Etat du continent africain, tirera-t-il jamais cette leçon ? A trop vouloir régner, parfois même plus longtemps que les anciens empereurs africains, à trop vouloir fermer sa raison aux sollicitations de l’histoire, on finit par agacer, lasser et par s’ouvrir un large boulevard dangereux conduisant inexorablement au chaos. Assurément, la longévité au pouvoir est l’un des plus grands démons dont certains chefs d’Etat africains gagneraient à être exorcisés. Cela étant, il faut saluer le courage et la détermination du peuple guinéen qui s’est résolu à se battre, les mains nues et au prix même de sa vie, pour sa libération. Si au moins il avait le soutien de l’armée, elle qui, bien au contraire, ne s’empêche pas de le réprimer dans le sang, se dressant ainsi en rempart du pouvoir guinéen. Demain, cette armée pourra-t-elle regarder ce peuple en face, une fois qu’elle aura pris la pleine mesure de cette réalité qui est que les gouvernants passent, mais les peuples restent ?

Si l’histoire s’est affolée avec beaucoup de rapidité ces derniers temps, la fièvre a aujourd’hui baissé. Une accalmie qu’on doit notamment au sens élevé du compromis et du patriotisme des syndicats à l’origine de la grève générale illimitée. Car s’ils viennent d’obtenir du président Lansana Conté, qu’il nomme un Premier ministre, n’oublions pas qu’ils étaient même allés jusqu’à réclamer, avec la caution du peuple de Guinée, le départ du dictateur Conté. En lâchant du lest, le général-président peut se réjouir - pour l’instant - d’avoir sauvé son fauteuil.

Une fois le Premier ministre nommé, Conté acceptera-t-il de déléguer une partie de ses pouvoirs au nouveau venu ? Ce Premier ministre aura-t-il les coudées franches et les pouvoirs nécessaires pour engager les réformes à même de sortir la Guinée de l’impasse ? Ou bien sera-t-il une marionnette, à l’image de l’ancien ministre d’Etat chargé des affaires présidentielles révoqué, Fodé Bangoura ?

Ce nouveau Premier ministre pourra-t-il s’accommoder d’un président aussi invivable que caractériel, si prompt à limoger ? S’il a de la personnalité et suffisamment de poigne, ne connaîtra-t-il pas le même sort que ses prédécesseurs ?

Comme on le sait, la Guinée est privée de Premier ministre depuis avril 2006, date du limogeage pour "faute grave" de Cellou Dalein Diallo. Lui, tout comme François Lonsény Fall, avaient quitté brutalement leurs fonctions, sans doute après un bras de fer avec le président Conté.

Pour tout dire, Lansana Conté jouera-t-il franc jeu ? Est-il sincère ou, tout simplement, a-t-il assoupli sa position pour gagner du temps, se donner du répit ? Toujours est-il qu’on ne saurait faire du neuf avec du vieux. Si bien que la meilleure solution pour la Guinée résiderait dans le départ du président malade.

En tout état de cause, hors d’un cadre électoral, on a rarement vu un régime faire couler autant de sang, et rester encore longtemps en exercice. Conté survivra-t-il au bain de sang de son peuple ? On a envie de dire que pour le bidasse président, c’est le premier refrain du chant du cygne.

"Le Pays"

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