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Mélégué Traoré, ancien président de l’Assemblée nationale : "Pourquoi aurais-je fait du mal à Tou Ludovic ?"

Publié le vendredi 26 janvier 2007 à 08h20min

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Mélégué Traoré

Pour avoir occupé de hautes fonctions au Burkina, l’homme n’est plus à présenter. M. Mélégué Maurice Traoré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, ancien ambassadeur, ancien ministre, ancien président de l’Assemblée nationale de 1997 à 2002, actuellement député, fait présentement l’objet de rumeurs de tous genres dans la Léraba avec surtout les élections qui s’annoncent en mai prochain.

En effet, si elles ne disent pas qu’il part pour l’extérieur, elles affirment qu’il ne sera pas candidat aux législatives 2007 ou même qu’il ne serait plus intéressé par la politique. Ou alors on l’accuse à mots couverts d’être à l’origine du grave accident dont a été victime Tou Ludovic, l’ancien ministre du Travail toujours hospitalisé en France. Nous sommes allés à sa rencontre.

Que devient l’ancien président de l’Assemblée nationale depuis qu’il a cédé le perchoir ?

Je fais le travail que font tous les députés, avec évidemment l’expérience que j’ai acquise. Je fonctionne comme n’importe quel député à l’Assemblée à l’intérieur et au plan international bien sûr, car notre parlement est extrêmement actif à l’étranger. Et naturellement, je suis souvent en tournée dans la Léraba ou à Banfora d’ailleurs. Ça se passe très bien. Il faut y ajouter mes activités agricoles et intellectuelles.

Après avoir occupé de si hautes fonctions, vous ne vous ennuyez pas un peu ?

Non, pas véritablement. C’est vrai que le volume d’activités qu’on a lorsqu’on est président de l’Assemblée ne peut pas être le même que celui d’un député de base. Cela étant, je suis suffisamment occupé, même si la nature des activités peut changer sensiblement. Vous savez, je ne suis pas homme à m’ennuyer longtemps.

Des rumeurs persistantes soutiennent que vous irez à l’extérieur avant même les législatives. Qu’en est-il ?

Je ne sais pas d’où viennent ces rumeurs, mais je les entends aussi. En tout cas, elles ne sont pas fondées. Et je dois répéter que, naturellement, je sers partout où on me dit de servir. Partout où on me dit d’être au service de notre pays. Toutefois, cette idée que j’ai entendu souvent développer, je pense qu’elle est lancée surtout pour faire croire que je ne veux plus être député. Ce qui n’est pas exact. Personne ne peut affirmer m’avoir entendu déclarer cela. Les adversaires du CDP veulent plutôt décourager nos militants dans les villages, mais ils n’y arriveront pas.

La région des Cascades a un nouveau commissaire politique régional (CPR) en la personne de Benoît Ouattara. Vous avez occupé ce poste pendant des années. Quel bilan tirez-vous de votre mandat à la tête du CDP dans la région ?

Voyez-vous, le CDP a su construire quelque chose de solide dans notre région. C’est grâce à cette formation politique que la région a été créée et a eu un certain nombre d’équipements, notamment en matière d’établissements, écoles, collèges, lycées, dispensaires. Un certain nombre d’infrastructures donc et, très franchement, aucun autre parti n’aurait pu faire ce que le CDP a fait pendant toutes ces périodes-là, depuis 1991.

Aujourd’hui, nous avons un nouveau commissaire régional, et il est tout à fait normal que nous tous du CDP nous le soutenions, à commencer par moi-même comme je l’avais indiqué à la fin du congrès. C’est un devoir pour nous tous de démontrer que le CDP est uni, de démontrer que l’important, ce ne sont pas les personnes.

Je trouve extrêmement dangereux les gens qui axent toute leur politique sur les personnes. Ce qui est important ici, c’est le projet que le parti majoritaire développe dans notre région, et le fait que nombre de grands projets à exécuter soient des réalisations du gouvernement qui, lui-même, est un gouvernement du CDP. Certains disent combattre Mélégué et non le CDP, c’est ridicule et c’est de la supercherie. Il n’y a pas Mélégué d’un côté et le CDP de l’autre.

Comment se passe la collaboration avec le nouveau CPR ?

Ha ! Ça se passe très bien et nous avons toujours eu d’excellentes relations. Il y a beaucoup de concertations. Nombre de choses qu’il fait, il me consulte dessus. Lorsqu’aussi j’ai des propositions, je les lui fais. Vous savez, quand notre camarade Tou Ludovic était commissaire régional, j’ai eu ce même comportement avec lui. Je suis resté extrêmement disponible.

Et vous avez pu constater que j’étais moi-même à la conférence régionale du parti il y a deux semaines à Banfora. Ce qui compte, c’est le dynamisme et la victoire du CDP. Donc vraiment, nous avons une excellente collaboration et je veux que tout le monde sache que je soutiens à fond Benoît Ouattara. S’il devait échouer, ce serait mon échec et celui de tous les autres camarades. C’est à lui de nous amener à la victoire dans la Léraba et la Comoé.

Des conseils à lui donner au regard de votre expérience ?

Non, mais quelques idées : je pense que ce qui est important, c’est de garder le cap et de maintenir l’unité du parti. Ce qui est important aussi, c’est d’éviter tout ce qui peut s’apparenter à de l’exclusion ou à de la marginalisation. Chaque fois qu’on a fait le contraire, cela a fait beaucoup de mal au parti, notamment dans la Comoé.

Et si on sait l’éviter et faire participer tout le monde, tous les cadres, sur place là-bas, ou hors de la région, à mon avis, le CDP continuera à diriger, à être au-devant de la politique dans la région des Cascades.

Considérez-vous la promotion de Benoît Ouattara comme étant pour vous un désaveu ?

Non, je ne considère pas ça du tout comme un désaveu. J’ai animé au plus haut niveau cett région pendant une quinzaine d’années, et il est tout à fait normal que quelqu’un d’autre puisse le faire aussi. Sincèrement, ce n’est pas un désaveu. Avant Benoît, c’est Ludovic, comme je l’ai rappelé, qui était commissaire politique depuis 2002. Moi, mon titre, c’était commissaire aux affaires juridiques.

Que pensez-vous des élections législatives qui s’annoncent dans la région quand on sait que le RDB a fait ses preuves aux dernières municipales et qu’elle gère deux communes dont celle de Banfora ? Est-il à minimiser et comment expliquez-vous un tel succès dans la Comoé ?

Non ! Une élection n’est jamais facile ou gagnée à l’avance. J’ai l’habitude de dire qu’il n’y a pas de petit adversaire en politique. Donc, à mon avis, il ne faut pas minimiser ce qui se passe sur le terrain au niveau du RDB. Il ne faut pas non plus lui donner une importance exagérée. C’est vrai que le RDB à pu finalement gagner les élections municipales, à Banfora.

Mais vous savez comme moi que la majorité s’est jouée en vérité autour de deux ou trois sièges. Il aurait suffi que nous ayons trois sièges de conseillers municipaux, pour changer complètement la situation à Banfora. Ils ont gagné ,c’est vrai, nous devons le reconnaître, mais ce n’est pas dans des proportions telles qu’on puisse dire que le CDP est définitivement affaibli.

En réalité, en gros, l’électorat était scindé en deux, quasiment 50 %, 50%. S’il y avait eu plus d’union en notre sein tel que le président Blaise Compaoré nous l’avait demandé lors de son meeting de campagne en novembre 2005, les résultats auraient été différents. En résumé, il ne faut pas minimiser l’action du RDB et des autres partis sur le terrain, mais il ne faut pas non plus exagérer leurs capacités.

Quels enseignements devra tirer le parti pour sortir la tête haute de ces élections ?

Ah là ! Comme je l’ai dit, rester uni, faire participer tout le monde, avoir un projet clair, et bien montrer que contrairement à ce que nos adversaires racontent un peu partout, beaucoup de choses se sont réalisées. On ne peut pas tout faire en un seul jour et nous devons bien montrer que le bilan du gouvernement dans la zone est d’abord un bilan du CDP, parce que c’est le gouvernement du CDP.

Et même les projets sur lesquels les gens discutent le plus souvent (en mentant d’ailleurs), il faut bien expliquer que les procédures sont lentes pour ces projets, tels celui de l’usine de coton à la Léraba, comme celui de la route Mangodara-Sindou. Les projets traînent pour des questions de procédures et de passation des marchés qui ne dépendent pas du CDP.

Mais tous ces projets vont se réaliser de toutes les manières. Vous avez vu que le Conseil des ministres vient de relancer celui de la route Mangodara-Banfora. Les travaux de la route Sindou-Banfora seront lancés d’ici très peu, en février.

Beaucoup de gens imputent cette situation aux ambitions des uns et des autres ainsi qu’au manque de respect de la discipline du parti. Comment arriver à coordonner tout cela ?

Oui ! On ne peut pas empêcher les gens d’avoir des ambitions, mais ces ambitions doivent rester bien encadrées par le parti, elles doivent respecter les textes du parti, l’esprit du parti, la discipline du parti. Les ambitions sont légitimes dès lors qu’elles sont constructives.

Si l’objectif des uns et des autres, c’est uniquement de promouvoir le cursus personnel de chacun, évidemment, on ne s’en sort pas. On doit toujours se demander quel est le bénéfice de tout ça pour la région, quel est le bénéfice de tout ça pour le parti. Si on reste dans ce cadre-là, il n’y a aucune raison que le parti soit affaibli. Aucune.

Dans la Léraba, votre fief, le RDB s’active avec Diabaté Amadou qui fut un de vos plus proches collaborateurs. Comment expliquez-vous cette situation ?

Je vous ai dit que pour ma part, vraiment, j’évite de personnaliser le débat politique, car Diabaté est avant tout mon frère. C’est un manque de maturité, un manque d’honnêteté que de personnaliser le débat politique. Le RDB, aujourd’hui, est animé dans la Léraba par quelqu’un qui était l’un des principaux responsables du CDP avec nous dans la région.

Aujourd’hui, les populations ne doivent pas se laisser berner, elles ne doivent pas se laisser avoir par le discours qui est tenu et qui, à mon avis, est excessif. Très sincèrement, je ne souhaite pas personnaliser ce débat. Le bilan du développement dans la Léraba est imputable à tous ceux qui étaient au CDP depuis dix ans, pas à une personne seule.

Personnaliser le débat, c’est dire qu’on manque d’arguments. C’est la faiblesse de l’argumentation, qui amène à rendre tout le débat personnel. Ce qui est en jeu, ce n’est pas Mélégué, ce n’est pas Diabaté, ce n’est pas telle ou telle autre personne, ce qui est en jeu, c’est l’avenir d’une province. Et c’est l’avenir de la région.

C’est le travail que moi et tous ceux qui m’entouraient depuis 1991 avons fait qui est en jeu avec ses succès et ses faiblesses. Voilà, c’est comme ça que moi je vois la politique. Je crois qu’avec un peu plus de maturité, on devrait toujours pousser le débat un peu plus haut. Malheureusement, quelquefois, le débat ne vole pas vraiment très haut. C’est bien dommage et en tout cas, lamentable.

Des conseillers municipaux CDP, notamment de Wéléni, auraient même quitté le parti pour le RDB. Est-ce à dire que votre parti a des difficultés désormais dans cette province ou est-ce lié au fait que vous ne jouez plus les premiers rôles dans la région ?

C’est vrai qu’à Wéléni, il y a eu quelques conseillers qui sont partis, mais ils sont beaucoup moins nombreux que ce qu’on avait dit au départ. C’est vrai que personne ne peut se réjouir que des conseillers quittent le parti, mais lorsque vous faites jouer la fibre locale, la fibre familiale, forcément, vous aurez toujours des gens qui viendront avec vous.

A partir du moment où vous êtes le cousin et que vous avez donc vos parents qui sont conseillers, vous savez, ça c’est un peu dû au niveau politique de notre société qui est bas. La culture politique des populations ne dépasse pas souvent le quartier ou le village. Cela dit, franchement, ces départs n’ont pas mis particulièrement le parti en difficulté dans la province. En tous cas, ce n’est pas à ce niveau que ça se passe.

Ce n’est pas le départ de ces conseillers-là qui est le principal problème dans la Léraba pour le CDP aujourd’hui. L’important, c’est que le CDP continue à bénéficier du soutien de la population, et cela est acquis. Il ne faut pas se laisser impressionner par les fêtes et les rassemblements.

Des rumeurs circulent dans la Léraba que vous ne serez pas candidat à la députation. Soyez clair, est-il exact que vous ne voulez plus vous porter candidat ?

Non ! Je pense que les gens rigolent. Je n’ai pas encore atteint l’âge où on prend sa retraite politique. Dans certains pays même, c’est, au contraire, à l’âge que j’ai, qu’on commence véritablement la politique. Non ! C’est le parti qui décide toujours qui investir comme candidat. C’est sa décision qui compte.

Mais oui, bien sûr, je serai candidat à la candidature. C’est-à-dire que je serai candidat si le parti accepte. Il n’y a absolument aucun doute là-dessus. Beaucoup de gens disent que je ne serai pas candidat, la plupart, surtout pour décourager les populations. Parce que je vois bien la campagne qu’on développe un peu partout en disant : "Vous vous basez sur Mélégué alors qu’il ne sera même pas candidat". Certains prétendent même que ça ne m’intéresse plus.

Mais ça, franchement, c’est de la propagande politique. Dans certains villages même, les adversaires du CDP affirment que j’ai quitté le Burkina et que je vis à l’extérieur. Ce sont des balivernes. On a même affirmé dans certains villages que je suis parti comme ambassadeur !

C’est dire donc que vous avez déjà pris votre fiche de candidature ou que vous allez faire acte de candidature dans les jours à venir ?

J’ai déjà rempli mes dossiers. Il reste à les déposer à Sindou et à Ouaga. J’ai été l’un des premiers à aller prendre son dossier en tant que candidat titulaire. Mais seul le parti décide selon ses critères et en tenant compte de l’opinion de la base.

Il y aurait, selon toujours ce qu’on raconte, plusieurs prétendants dans cette province qui, pourtant, a droit à un seul poste. Comment comptez-vous gérer tout cela ? C’est la première fois que cela semble être le cas dans la localité.

C’est la liberté des uns et des autres d’être candidat soit comme titulaires, soit comme suppléants ; on ne peut pas être contre ça, contre la démocratie. Mais c’est le parti qui tranche, qui décide qui est en mesure de conduire la liste, même si c’est une liste d’une personne et son suppléant. D’ailleurs, dans le passé, il y a eu plusieurs candidats, contrairement à ce que vous dites.

Simplement, l’essentiel est qu’une fois que le parti a décidé, la discipline joue à fond pour que nous soyons tous unis derrière les candidats. Je souhaite, si le parti retenait ma candidature, que les gens continuent à être unis comme nous l’avons été. Si c’est celle d’un autre, qu’il en soit également ainsi. Parce que notre succès, ne l’oublions pas, dépend beaucoup de l’unité. De toute façon, on n’en est plus loin, du moment où les candidatures vont être définitivement arrêtées par la direction du parti. Il faut laisser jouer les règles normales que le parti a fixées.

Tout comme la Léraba, la Comoé a les problèmes de candidatures à la candidature. N’est-ce pas une « bombe » que le parti doit savoir désamorcer ?

Il faut plutôt considérer que c’est une preuve de la vitalité du CDP. Certes, cela peut nous handicaper dans une certaine mesure, surtout quand les électeurs ne savent pas à l’avance, suffisamment tôt, quels sont ceux qui sont retenus par la direction du CDP.

Mais, fondamentalement, cela signifie qu’il y a de la démocratie au sein du parti et qu’il ne se réduit pas à une seule personne dans chaque province, contrairement à ce qu’on voit dans d’autres formations politiques. Par conséquent, la multiplicité des candidatures à la Comoé n’est pas quelque chose de vraiment nouveau. Là également, l’essentiel est que la discipline du parti joue.

Quelle est votre vision du développement économique et social de la région des Cascades ? D’aucuns pensent qu’elle n’évolue pas, prise en otage qu’elle serait par une certaine classe politique. Quels peuvent être les grands chantiers à venir ?

Non ! Là encore, il faut que les gens soient sérieux. Nous sommes dans une région qui a d’énormes potentialités et où le gouvernement réalise beaucoup de choses. Ce n’est pas le parti qui mène directement la politique active de développement. La politique active sur le terrain, je veux dire les projets de développement, à caractère économique, social, culturel ou touristique, ne relève pas de l’action directe d’un parti politique, mais du gouvernement.

C’est pourquoi on ne peut pas dire que la classe politique tient en otage la région. La responsabilité de cela incombe à tous les cadres de la région ; autrement dit, la critique est trop facile.

Les unités industrielles connaissent un certain nombre de difficultés. Mais, vous savez aussi que le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour redresser la situation. Et comme je vous l’ai dit, les grands projets comme les axes routiers, les nouvelles infrastructures industrielles telle l’usine de coton, prévue pour être installée dans la Léraba, tout cela va se réaliser.

L’usine de la Léraba traîne tout simplement parce que la route n’est pas bonne. Alors que j’ai entendu des choses qui sont quelquefois franchement ridicules. On dit : "Voilà, on aurait donné l’argent de la route à Mélégué, et il l’a bouffé. On lui a donné l’argent de l’usine de coton, il l’a bouffé". Est-ce que vous connaissez un seul gouvernement au monde qui donne des milliards à un individu ? Parfois, on n’est pas loin de la diffamation.

Les choses n’évoluent pas certes au rythme que nous voulons tous, elles peuvent aller beaucoup plus vite, mais il faut faire confiance au CDP comme on nous a fait confiance au moment où nous avons commencé à agir dans la zone. Il y avait combien d’écoles, de collèges, de lycées, de dispensaires, de maisons de la femme ? Il y avait combien d’hôpitaux ?

Aujourd’hui, nous avons un bon hôpital qui fonctionne à Sindou à côté de celui de Banfora. Il y avait combien de CSPS ? Il faut mettre tout ça ensemble si on veut vraiment faire un bilan honnête.

L’actualité au Burkina est dominée par les affrontements meurtriers survenus entre militaires et policiers courant décembre. Quelles leçons tirez-vous d’une telle situation afin qu’elle ne se reproduise plus ?

C’est exactement dans ce genre de situations qu’il faut laisser le gouvernement travailler. Les autorités du pays sont conscientes de la situation ; il faut vraiment faire confiance au président du Faso, faire confiance au gouvernement qui a toujours su faire face aux situations même les plus difficiles, même les plus délicates, il sait garder le cap. Le pays ne se développe que s’il évolue autour du gouvernement.

En Côte d’Ivoire où vivent beaucoup de nos compatriotes, les protagonistes de la crise ont visiblement du mal à s’entendre sur l’essentiel. Tout cela est finalement lassant pour les populations. Voyez-vous quelque chose qui puisse favoriser un retour de la paix ?

C’est difficile à dire. Mais il est évident aujourd’hui qu’une solution en Côte d’Ivoire passe par au moins deux choses. Le dialogue entre Ivoiriens, qui sont les principaux acteurs. La volonté politique de la part des acteurs et puis d’autre part, rester dans le cadre des Nations unies. Pour la résolution d’une crise aujourd’hui dans le monde, lorsqu’elle atteint un certain niveau, il est difficile de se passer de l’accompagnement de la communauté internationale.

Et c’est pourquoi, la résolution 1721 reste importante. Mais aucune résolution ne résoudra la crise à la place des Ivoiriens, s’ils n’en ont pas la volonté politique. Je crois que là aussi, le Burkina ne peut pas ne pas s’intéresser à un pays où vivent plus de trois millions de ses ressortissants.

C’est d’ailleurs une caractéristique de la politique extérieure de notre pays que de rester extrêmement attentif dans de tels cas. Tous les gouvernements, depuis 1960, sont restés attentifs à la question des compatriotes qui vivent hors du territoire national. Et c’est bien comme ça.

Quels sont actuellement vos loisirs ? Comment occupez-vous votre temps libre ? Il parait qu’en ce moment, vous écrivez deux ouvrages : l’un sur la politique étrangère du Burkina et l’autre sur la diplomatie parlementaire et l’intégration en Afrique. Est-ce vrai ?

Oui, c’est exact, j’ai toujours aimé écrire, même si je n’avais pas jusqu’à présent entrepris l’élaboration systématique d’ouvrages. Depuis plusieurs mois déjà, je travaille sur deux ouvrages, l’un consacré à la politique étrangère du Burkina, et l’autre à la diplomatie parlementaire. Cependant, je laisse la surprise aux lecteurs, qui verront en son temps ce que j’aurai pu produire.

Je ne peux pas encore vous dire quand les livres seront prêts, parce que, une fois que vous avez fini le manuscrit, il faut un temps pour l’édition. Cette écriture des ouvrages est quelque chose auquel je tiens beaucoup maintenant. Je dois aussi dire que, n’étant plus président de l’Assemblée nationale, j’ai beaucoup plus de temps libre.

Je n’aurais probablement jamais eu le temps avant, de me lancer dans l’élaboration d’un ouvrage, mais aujourd’hui, j’ai un peu plus de temps et je pense que j’ai une expérience à partager et c’est ce que je suis en train de faire avec les deux ouvrages.

Quel est l’état actuel de vos rapports avec le président Blaise Compaoré ? A ce que l’on dit, ils ne sont pas au beau fixe.

Ce n’est pas exact de dire que mes rapports avec le président Compaoré ne sont pas au beau fixe, ils sont bons. Mais lorsqu’on est président de l’Assemblée comme je l’étais, on voit les gens fréquemment. Et lorsqu’on n’est plus à ce poste, il est évident que la fréquence des entrevues va diminuer et c’est, peut-être, ce qui peut laisser croire ce que vous affirmez.

Après l’accident de Ludovic Tou, de méchantes langues vous en ont accusé en des termes à peine voilés. Est-ce parce que vous êtes un grand féticheur ?

J’en ai entendu parler et j’ai également entendu d’autres choses, mais vous savez, tout cela relève soit de la rumeur, soit de l’imagination, soit des suppositions. Lorsque Ludovic a eu son accident, j’ai été à l’aéroport pour son évacuation. Nous n’avons pas pu discuter parce que nous n’étions pas en état de le faire. Lorsqu’il est parti, j’ai eu de ses nouvelles.

En Afrique, on est toujours convaincu que derrière un accident ou autre chose de ce genre, il y a quelqu’un. Il n’y a rien qui soit gratuit ou neutre et on cherche le commanditaire dans tous les sens. Pourquoi donc aurais-je voulu lui faire du mal ? Je n’avais aucune raison à cela.

Est-ce dû au fait que vous êtes quelque peu féticheur sur les bords ?

On le dit, mais je ne suis pas féticheur. Je suis quelqu’un qui a toujours suivi les cérémonies habituelles de son village. Mais, en dehors de cela, vous ne me verrez jamais ailleurs en train de voir un marabout ou d’autres personnages de la sorte. Ce que nous faisons au village est culturel.

Avez-vous des nouvelles de Ludovic Tou ?

On a, bien sûr, de ses nouvelles. Et ce que nous souhaitons tous, c’est qu’il revienne en bonne santé.

Quand vous étiez président de l’Assemblée nationale, on vous accusait d’utiliser les moyens de l’institution (humains, logistiques, etc.), à des fins privées. Qu’en dites-vous ?

Non, je pense que les gens exagèrent. J’ai toujours été dans mon village au moins une fois par mois bien avant d’être président de l’Assemblée. Mais, je n’ai pas connaissance d’avoir utilisé les biens de l’Etat à des fins privées. En tout cas, même étant président de l’Assemblée, ça ne dépassait pas les limites prévues à cet effet. Jamais.

Au regard de tout ce qui se raconte dans la Léraba et même ailleurs, doit-on conclure que des gens cherchent à vous mettre des bâtons dans les roues ?

Tout à fait. Je crois que ça, on ne peut pas finir avec ça. Il y a quelques jours, il a eu un meeting d’un parti politique à Sindou, où quasiment l’essentiel des discours ont été axés sur ma personne. Mais quelque part, lorsqu’on passe tout son temps à attaquer quelqu’un, c’est qu’on pense qu’il est dangereux politiquement. Quelqu’un qui n’est pas dangereux politiquement, on ne passe pas le temps à l’attaquer.

Donc, ça ne me surprend pas du tout. J’en regrette cependant le style, parce que souvent, ce n’est pas très honnête, ce qui se dit, surtout quand ce sont des inventions et des mensonges. Cela dit, je le répète, si je ne représentais pas quelque chose, personne ne m’attaquerait.

Avec tout ce que vous avez traversé, êtes-vous aujourd’hui un homme heureux ou malheureux ?

Je suis comme tous les Burkinabè (rires), je ne me plains pas, je crois que je ne suis pas le plus malheureux des Burkinabè, loin s’en faut. Mais, c’est vrai, il y a des moments où on aurait souhaité que les choses se passent mieux, que les gens soient plus honnêtes à votre égard.

Ce que je déteste peut-être le plus, c’est l’hypocrisie d’un certain nombre de personnes. Hypocrisie, mais également ingratitude. C’est bien dommage.

Votre mot de la fin ?

Je souhaite vraiment que notre région aille de l’avant et que, quelle que soit l’orientation politique, quel que soit le parti auquel les uns et les autres appartiennent, nous restions unis, dans la bonne foi des uns à l’égard des autres.

Cela dit, je continue à penser que le CDP est le parti le mieux placé aujourd’hui, pour gagner les élections, dans les deux provinces et continuer à accompagner les actions de développement aux Cascades.

Propos recueillis par Luc Ouattara
Avec la collaboration de Boureima Diallo

L’Observateur Paalga

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