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Procès François Compaoré contre L’Evénement : Dire le droit, rien que le droit

Publié le jeudi 25 janvier 2007 à 08h07min

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Les prévenus Germain NAMA et Newton Hamed BARRY ont été reconnus coupables dans le procès en diffamation qui les opposait à François COMPAORE. Les débats à l’audience ont été d’un niveau professionnel très élevé au regard des arguments de droit qui ont été débattus.

La partie civile, le parquet et les avocats des prévenus ont fait étalage de leurs connaissances de la chose juridique, qui pour obtenir réparation du préjudice, qui pour défendre les intérêts de la société, qui pour enfin décharger leurs clients.

Dans ce genre de procès en général, les débats sont dirigés vers un seul sens, c’est à dire celui qui est accusé. Il revient à celui qui est accusé de faire la preuve de sa non culpabilité. Mais ici ce ne fut pas le cas dans la mesure où aussi bien la partie civile que le procureur ont été amenés à puiser dans les profondes connaissances pour démontrer certains points de droit sur lesquels ils ont été interpellés. Chacune des parties au procès a forgé un argumentaire qui lui permettrait d’obtenir gain de cause, c’est à dire que le tribunal se prononce en sa faveur.

La partie civile

Les avocats de la partie civile étaient composés des maîtres Mamadou OUATTARA et Abdoul OUEDRAOGO. La partie civile donc s’est évertuée à démontrer l’existence des éléments constitutifs de l’infraction de diffamation afin d’obtenir la réparation du préjudice moral subi. Mais avant, elle a dû se prononcer sur la question de la présence au tribunal de la victime de l’infraction.

A ce sujet donc, Me Mamadou OUATTARA s’est appuyé sur l’article 424 du code de procédure pénale qui autorise toute personne constituée partie civile à être présente ou se faire représenter par ses avocats. L’obligation n’est donc pas d’être présent mais être au moins représenté. Dans les débats au fond jusqu’à la plaidoirie des parties, la partie civile est restée constante dans sa démarche qui est de prouver l’existence d’une infraction de diffamation.

Ainsi selon l’article 109 du code d’information il faut l’existence d’un élément matériel et une intention de nuire de l’auteur de l’infraction. Il faut en outre pour que l’infraction soit constituée qu’il y ait diffusion au public. Pour la partie civile l’élément matériel coule de source du fait de la photo de François COMPAORE et du texte « Ainsi donc c’est lui » en Une. Dans le journal et en ses pages 12 et 13 il est fait état des faits qui accusent ledit nommé d’être le commanditaire de l’assassinat de Norbert ZONGO.

Ces faits donc parus dans les journaux participent à porter atteinte à l’honneur et à la considération de M François COMPAORE . Quant à l’intention de nuire, elle est établie par le fait que non content de présenter la photo, les journalistes ont porté sur la manche de la veste les noms et prénom « François COMPAORE ». Il faut aussi ajouter le commentaire qui est fait à la fin en ces termes que « jusque là on pensait à lui sans vouloir le nommer, RSF vient de franchir le pas ».

Me Abdoul OUEDRAOGO dans sa plaidoirie a apporté des références jurisprudentielles qui corroborent l’existence de l’infraction coupable. Il s’agit de l’affaire du fils d’un président français qui était conseiller aux affaires africaines. Un journal avait écrit qu’en réalité ce sont les quartiers chauds des villes africaines qui l’intéressaient et non les problèmes africains.

La haute juridiction française avait estimé que l’intention coupable était avérée même dans le cas de simples insinuations ou par voie déguisée. Il a aussi fait cas d’une autre jurisprudence confirmant la tendance des tribunaux à sanctionner les cas de diffamation par voie de presse dès lors qu’il était établi comme nous venons de le dire ; la partie civile a demandé au juge de reconnaître les prévenus coupables et de prononcer la sanction appropriée.

Le parquet

Le parquet dans les débats et la plaidoirie a tenté aussi de montrer l’existence de l’infraction de diffamation afin que les prévenus soient condamnés pour le préjudice qu’ils ont fait subir à la société. Le parquet composé du procureur du Faso Adama SAGNON et de deux substituts a soutenu par moment la démarche de la partie civile tendant à démontrer l’existence de l’infraction de diffamation. Dans son réquisitoire donc, le parquet a déclaré l’action de la partie civile recevable dans la forme. Dans le fond Adama SAGNON a soutenu que les articles parus dans le journal L’Evénement à la Une, aux pages 12 et 13 sont constitutifs de l’infraction en vertu de la loi portant code de l’information au Burkina Faso.

Par conséquent il a requis une peine de 3 mois d’emprisonnement assortis de sursis à titre de peine principale et de 6 mois de suspension du journal au titre de peine complémentaire.

Les avocats des prévenus

Il faut le dire les avocats des prévenus ont excellé dans les effets de manches. Me Bénéwendé SANKARA, Me FARAMA et Me LALLOGO se sont perdus dans des de démonstrations parfois tirées par les cheveux pour obtenir la libération de leurs clients.

Après que la requête adressée au président du tribunal de voir comparaître François COMPAORE a été battue en brèche par la partie civile, elle a soulevé des exceptions quant à la recevabilité de la procédure.

La première exception était soulevée par Me LALLOGO qui demande au tribunal de surseoir à statuer en attendant le dénouement de l’affaire Norbert ZONGO. Parce que selon lui avec les récentes déclarations de Moïse OUEDRAOGO, le dossier pourrait se rouvrir et ce qui est considéré comme diffamation aujourd’hui peut s’avérer réalité si le procès a lieu.

La deuxième exception concerne l’acte d’assignation devant être remis à son client à son domicile, pourtant il lui a été remis par son coaccusé. Il y aurait donc vice de procédure. Les avocats concluent donc qu’il faut déclarer la plainte irrecevable. Dans sa plaidoirie Me Farama s’est fondé sur les prérogatives de la liberté de presse. Ainsi leurs clients n’ont fait qu’un commentaire d’un document qui a été produit par Reporters sans frontières (RSF).

Pour lui ses clients n’ont fait que relater les allégations de RSF donc si quelqu’un doit être poursuivi c’est RSF mais pas L’Evénement. Il étaye sa position avec des références doctrinales le Dalloz. Ainsi selon un auteur celui qui exprime une opinion personnelle ne peut être considéré comme avoir diffamé. Aussi les qualificatifs comme « assassin », « escroc », « faux témoin » ne relèvent pas de la diffamation mais de l’injure. La diffamation est considérée comme une atteinte à la vie privée alors qu’il n’y a aucune atteinte à la vie privée de François COMPAORE dans l’écrit soutiendra- t-il.

Me SANKARA a comparé leurs clients à Galilée qui a été pendu parce qu’il a dit que la terre tournait. Mais heureusement il s’est retenu de dire l’autre bout de phrase qui pourrait lui valoir un procès pour diffamation.
Mais on pourrait tout simplement rétorquer à Me FARAMA que citer la doctrine sans base légale ne vaut rien. C’est ce que semble avoir fait prévaloir le juge en rejetant toutes les exceptions des avocats des prévenus.

Par S. DAOUDA


La peur des coupables

Germain Bittou NAMA, directeur de publication de L’Evénement

Enrôlé le lundi 22 janvier dernier, le procès François COMPAORE contre L’Evénement, en plus d’avoir permis de rendre justice à un citoyen dont l’honorabilité a été atteinte par un délit de diffamation par voie de presse, aura permis également de mesurer jusqu’où les prévenus pouvaient assumer leur responsabilité.

De fait, ce procès semblait le bienvenu pour tous ceux qui sont préoccupés par l’affaire Norbert ZONGO en ce sens que l’organe de presse incriminée a toujours fait croire à l’opinion publique qu’il détenait des éléments nouveaux permettant de réouvrir le dossier. Mais à voir comment les prévenus se défendaient à l’audience, on se demande s’il n’y a pas lieu que tous ceux qui avaient foi aux « écrits révélateurs » de notre confrère L’Evénement se confessent.

Newton Ahmed BARRY, rédacteur en chef de L’Evénement

A la barre, pour s’expliquer sur une de leurs multiples élucubrations qui a fait l’objet du procès, les prévenus ont cherché vigoureusement à battre leur coulpe en avançant qu’ils auraient souhaité la présence de François COMPAORE pour qu’ils puissent s’expliquer et voir dans quelle mesure ils pouvaient se comprendre. Ça coule de source. Une manière de dire que si le poursuivant était là, ils lui auraient fait leur mea-culpa. Mieux, Germain Bittou NAMA, directeur de publication de L’Evénement a dû lâcher qu’il n’a jamais voulu faire une relation de cause à effet entre François COMPAORE et la mort de Norbert ZONGO.

Comme tout prévenu en désarroi, ils ont dans un méli-mélo tenté de renvoyer la responsabilité de l’article incriminé sur Reporters sans frontières (RSF) qui serait leur source d’information. Ce qui dénote la fuite de responsabilité des coupables qui n’ont même pas pu trouver un bout de phrase qui pourrait constituer un élément nouveau dans l’affaire Norbert ZONGO alors que depuis l’énoncé du non-lieu, ils ont abreuvé leur lectorat de « charges nouvelles ». Mais le jour de la vérité a éclaté le lundi 22 janvier 2007 rattrapant le mensonge diffamatoire qui courait depuis.

C’est bien dommage qu’un confrère soit trimballé devant la justice. C’est bien plus triste de le voir condamné. Mais certains ne prêtent-ils pas le flanc quand sous nos cieux, on n’hésite pas souvent à bafouer la responsabilité sociale au nom d’une certaine liberté d’expression ou d’opinion cachant souvent des intentions inavouées ?

C’est dire que cet important combat que le monde des médias mène pour la dépénalisation des délits de presse ne peut que butter sur des résistances si quelque part, des acteurs de ce monde ne jouent pas franc jeu et font que la presse soit cet épouvantail qui provoque méfiance.

Par Drissa TRAORE

L’Opinion

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