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Guinée : « La révolte des sans-culotte »

Publié le jeudi 25 janvier 2007 à 08h21min

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Depuis deux semaines, la Guinée est plongée dans une contestation politico-sociale qui a pris racine dans la cherté de la vie et « l’oligarchisation » du régime de Conakry et qui tourne actuellement en révolution démocratique et populaire ou en lutte de libération nationale. Le glas sonne pour Conté.

Sur la situation guinéenne, on a tout dit, depuis que les forces sociales ont décidé d’en découdre avec un régime grabataire et qui pourtant, s’accroche de toutes ses forces et avec une violence inouïe, au pouvoir.

Pour les uns, l’armée doit prendre ses responsabilités face à un pouvoir qui se fascise chaque jour davantage, cependant que les autres en appellent au dialogue entre les belligérants avec l’intermédiation de la communauté internationale. Deux hypothèses inopérantes, la première étant fortement hypothéquée par le fait que la haute hiérarchie militaire est une composante à part entière de cette oligarchie qui dirige la Guinée à sa guise depuis une vingtaine d’années. Issu lui-même de l’armée, Conté n’a pas oublié ses frères d’armes dans la distribution du gâteau, n’hésitant pas à mettre au garage (entendez, loin des postes de commandement) les plus récalcitrants pour ne pas dire les plus « suspects ». Une méthode qu’il tient de son « maître à penser » au plan politique, Ahmed Sékou Touré sous lequel il a franchi tous les échelons, tout en étudiant silencieusement les méthodes révolutionnaires de gestion du pouvoir.

Des méthodes basées sur la mise à l’écart, voire la mise à mort des « contre-révolutionnaires » et sur l’érection de la délation en dogme. Des méthodes policières donc qui ont eu le don de tuer de toute envie de contestation chez les Guinéens qui en étaient arrivés à avoir peur de leur propre ombre.

Mais, il n’y avait pas que du mauvais chez le « syli » guinéen qui avait inculqué des vertus guerrières à son peuple par le biais de son discours nationaliste.

On a vu comment ce peuple a mâté l’agression impérialiste de 1970, quand des mercenaires ont tenté de déstabiliser le régime de « Bâ Sékou » (le père Sékou).

Aussi, ce même peuple a subi toutes les privations et brimades que lui a imposé ce même impérialisme qui a tenté de l’asphyxier pour l’amener à se révolter contre le Guide. C’est dire que c’est un peuple ambivalent, « ondoyant et divers » que celui de Guinée et la crise actuelle est en train de nous le révéler pleinement. Malgré le feu nourri que les forces de l’ordre lui opposent, la rébellion ne faiblit pas et s’étend progressivement à tout le pays. Mieux, les femmes jusque-là silencieuses se sont jetées dans la bataille, tout comme en 1977 où leurs aînées avaient fait trembler le régime de Sékou Touré sur ses bases.

Là aussi le régime a ouvert le feu, même si, connaissant bien la résolution de ses consours, la première dame est montée au créneau pour demander une trêve aux grévistes, le temps pour elle de « raisonner » son mari et ramener le calme. Elle a fait chou blanc, car le peuple comme indiqué plus haut, est héritier d’une longue tradition de lutte et sait pertinemment que le sang versé ne se ramasse pas. Et puis, ce même peuple sait que le régime Conté ne fait plus ses « affaires », avec l’immixtion grossière du chef de l’Etat dans le judiciaire pour sauver un « croquant ».

« On ne veut plus des coquins et des copains » voilà le leitmotiv des marcheurs de toutes obédiences qui entendent par le sang versé, contraindre l’armée à sortir de sa torpeur. Celle-ci a beau être couarde et remplie de « collabos » qu’elle ne saurait rester plus longtemps encore indifférente au sang de ses frères, sours, pères et mères qui coulent en toute impunité. On perçoit du reste des frémissements au sein de cette armée qui sera certainement « actionnée » par des « sans-grades ». Après le putsch des officiers en 1984, celui de sous-officiers et officiers subalternes sera pour bientôt, ainsi que nous l’enseigne la « dialectique » militaire.

La CEDEAO qui veut s’impliquer dans la résolution de la crise s’expose au ridicule si tant est qu’elle n’aura pas d’interlocuteurs en dehors du camp présidentiel si d’aventure elle se rendait à Conakry. Tout juste pourra-t-elle se donner bonne conscience comme dans le dossier ivoirien où elle a tenu moult sommets en pure perte. Du reste les « marcheurs » l’ont implicitement laissé entendre en indiquant qu’ils n’avaient pas besoin « d’intrus » pour régler leur problème. C’est par leur sang, leur sueur et leurs larmes que les guinéens entendent procéder à la réfondation politique de leur pays. Parfois l’histoire balbutie.

Boubakar SY

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 27 janvier 2007 à 22:04, par Benoît En réponse à : > Guinée : « La révolte des sans-culotte »

    C’est sans doute le meilleur article de la presse francophone sur la Révolution des "cartons" de Guinée Conakry. La presse française y compris la radio (France Culture) s’interesse à ce sujet même si c’est parfois lapidaire.
    Encore Bravo
    Benoit de Tours (France)

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