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Chômage urbain : Résultats partiels d’une enquête sur les jeunes de Bobo-Dioulasso

Publié le mercredi 24 janvier 2007 à 07h18min

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La résolution de la question du chômage des jeunes est une des préoccupations majeures pour le développement socioéconomique du Burkina Faso. Pourtant, peu de recherches sont faites sur cette question, notamment en ce qui concerne les jeunes de la ville de Bobo-Dioulasso.

Les quelques données sur ce sujet sont souvent générales et proviennent essentiellement des enquêtes de l’Institut national des statistiques et de la démographie (INSD).

Les études effectuées sur le chômage urbain indiquent qu’en 1996, le niveau du chômage était particulièrement important tant en milieu urbain qu’en milieu rural. Ce niveau était de 11% dans les centres urbains alors qu’en milieu rural, il se situait à moins de 1%.

A propos de la ville de Ouagadougou, il est estimé, en juillet 2003, à 22,9% pour les jeunes de moins de 30 ans.

Le chômage urbain concerne essentiellement les jeunes qui sont de plus en plus nombreux sur le marché du travail.

C’est au vu de ce constat sur l’ampleur du chômage urbain au Burkina Faso, que nous avons conduit une enquête à Bobo-Dioulasso dans le cadre d’un des programmes de recherche de l’Institut des sciences des sociétés (INSS) au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST).

L’objectif central de cette enquête est de spécifier le chômage urbain des jeunes de la ville de Bobo-Dioulasso et d’appréhender ainsi certains paramètres de ce phénomène. L’enquête a été réalisée en novembre 2006 par questionnaire et par entretien auprès de deux cents (200) jeunes en situation de chômage de la tranche d’âge 18-40 ans. Le choix de ces jeunes a été fait dans des endroits où on les rencontre facilement (« grains de thé », « maquis », marché), mais aussi dans des concessions durant les heures de travail. Nous présentons ici quelques résultats préliminaires de cette enquête afin d’identifier le jeune « Bobolais » en situation de chômage.

I- Statut matrimonial et chômage

Les données de l’enquête indiquent une différentiation de la question du chômage selon le statut matrimonial des individus. Ce sont les célibataires qui sont les plus vulnérables sur le marché du travail en termes de chômage. Ainsi les célibataires représentent 60% de nos enquêtés contre 30% de mariés et 10% pour ceux qui sont divorcés ou séparés.

Au niveau des mariés, le nombre de femmes en situation de chômage est plus élevé que celui des hommes (45 contre 21). L’importance du nombre des femmes mariées au chômage peut s’expliquer par les nombreuses charges auxquelles elles font face dans le foyer, mais aussi par leur faible niveau d’éducation. Mais comme l’ont révélé les entretiens réalisés, le peu de temps dont elles disposent, leur permet généralement d’exercer des activités commerciales indépendantes qui ne procurent pas de revenus substantiels.

II- Scolarité, âge et chômage

Selon les données de l’enquête, les jeunes non scolarisés (40%) sont moins nombreux au chômage par rapport à ceux qui sont scolarisés (60%). Cette incidence est surtout marquée dans la tranche d’âge de 15-29 ans que dans celle de 30-40 ans. Cela est certes dû au fait que les jeunes non scolarisés s’insèrent plus facilement dans le marché de travail par le biais de l’apprentissage et la formation sur le tas, mais surtout au fait que beaucoup d’entre eux ne sont pas exigeants dans la recherche de l’emploi.

Concernant les jeunes scolarisés, leur nombre est quasi-égal tant au niveau primaire et secondaire (55%) qu’au niveau supérieur (45%). Pour les chômeurs au niveau supérieur, la tendance est toujours à la recherche d’un premier emploi salarié principalement dans les secteurs public et parapublic.

Les chômeurs de la tranche d’âge 30-40 ans sont ceux qui ont perdu leur emploi à la suite d’un licenciement ou qui sont en situation de fin de contrat. La plupart d’entre eux sont illettrés. Cette frange de population n’est pas nombreuse (20%) en situation de chômage. Cela signifie que le taux de chômage décroît avec l’âge. L’existence de chômeurs de cette tranche d’âge montre tout de même que la non scolarisation et le manque d’expérience sont des facteurs qui rendent les jeunes plus vulnérables sur le marché de travail.

III- Expérience professionnelle, insertion sur le marché du travail et chômage

Les jeunes qui s’insèrent pour la première fois dans le marché du travail, représentent 64% des chômeurs, selon l’enquête. Ils représentent 92% des jeunes scolarisés. Le déséquilibre entre les aspirations de ces jeunes et les possibilités d’emploi d’une part, les conditions pour l’obtention d’un emploi, notamment l’acquisition d’une expérience professionnelle, d’autre part, expliquent en grande partie cette situation. Le retard observé dans l’obtention du premier emploi rémunéré chez les jeunes scolarisés reflète une difficulté grandissante à intégrer le marché du travail après les études.

Parmi les jeunes scolarisés, seulement 30% ont déjà eu des propositions d’emploi. D’ailleurs, ce taux est élevé (70%) au niveau de l’ensemble des enquêtés. Les propositions d’emploi sont essentiellement dans les secteurs informels et privés.

De jeunes chômeurs scolarisés (15% d’entre eux) travaillent sans être payés, notamment dans les secteurs public et parapublic. Ces emplois concernent particulièrement les stages de formation, mais aussi les apprentissages non rémunérés (particulièrement pour les chômeurs ayant une formation technique et professionnelle). Cela montre qu’un effort est quand même fait par les services public et privé, à travers ces offres d’emplois non rémunérés pour l’insertion professionnelle des jeunes scolarisés. Mais une proportion importante (80%) d’enquêtés (chômeurs scolarisés comme chômeurs non scolarisés) est prête à travailler dans des secteurs d’activités qui ne correspondent pas forcément à leur formation professionnelle, du fait de la durée du chômage et du long temps mis sans pouvoir satisfaire les besoins souvent élémentaires. Les prétentions salariales s’amenuisent ainsi avec cette crise de l’emploi.

L’analyse des données de l’enquête met en évidence la durée du chômage de ces nouveaux venus sur le marché du travail par rapport à ceux qui ont une expérience professionnelle. Ainsi, la plupart des chômeurs sans expérience sont sans emploi, il y a au moins 3 ans. Par contre, la majorité de ceux qui ont une expérience professionnelle est au chômage il y a seulement 6 mois. La situation des jeunes diplômés chômeurs décrite par l’enquête fait constater que les offres d’emploi dans les différentes branches d’activités économiques demeurent très faibles par rapport aux demandes. Les données statistiques de la direction régionale de l’Agence nationale de la promotion de l’emploi (ANPE) confirment ce constat. En effet, 56 postes ont été proposés à 3829 demandeurs d’emplois en 2005. Ce nombre de demandeurs d’emploi évolue de façon régulière depuis 2002 : à cette année, il était 894 et s’est élevé à 1405 en 2003 et 1410 en 2004. Quant aux offres d’emploi, elles s’établissaient à 26 en 2002, 20 en 2003 et 41 en 2004. Ces données révèlent une montée inquiétante du chômage dans la ville de Bobo-Dioulasso. A propos de cette structure, il faut noter que plus des 2/3 des enquêtés n’y sont pas inscrits. La moitié de ceux qui y sont inscrits disent ne pas compter sur cette agence pour avoir un emploi. C’est pourquoi, beaucoup d’entre eux disent continuer, après une inscription à l’ANPE, à rechercher du travail.

Par ailleurs, 92% des enquêtés disent être pris en charge par la famille et par des parents collatéraux, tandis qu’ils sont 8% à vivre de leur épargne. Ces derniers sont évidemment ceux qui ont déjà travaillé. Les chômeurs qui sont sans enfant représentent 10%. Ceux qui ont 1 à 2 enfants constituent plus de la moitié de ces chômeurs contre 1/3 pour ceux qui en ont plus de 2. Cela prouve les difficultés réelles auxquelles sont confrontés les chômeurs. Pour ce qui est de la recherche d’emploi des enquêtés, elle s’effectue essentiellement à travers deux canaux : les concours (58%) et les réseaux de solidarité familiale (27%). Très peu d’entre eux (10%) ont recours aux annonces des médias (journaux, radios .) ou prospectent directement auprès des employeurs (5%).

Il faut souligner que les chômeurs non scolarisés s’appuient surtout sur les réseaux de solidarité et la prospection directe auprès des employeurs pour rechercher un emploi. Tandis que ceux qui sont diplômés ont principalement recours aux concours et aux annonces des médias comme moyen principal de recherche d’emploi. En conclusion, cette recherche avait pour but de mieux connaître le jeune chômeur « bobolais » et quelques caractéristiques du chômage à Bobo-Dioulasso. Ces résultats qui font apparaître l’ampleur de ce phénomène de chômage dans la ville de Bobo-Dioulasso pourraient amener certains à chercher à améliorer la situation professionnelle de ces jeunes chômeurs, et inspirer d’autres à initier des études sur des aspects de ce travail.

Ali SANGARE
Attaché de recherche Institut des
Sciences des sociétés /CNRST

Sidwaya

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