LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Ellen Johnson sirleaf, un an après : Keep on working hard !

Publié le mercredi 17 janvier 2007 à 08h08min

PARTAGER :                          

Ellen Johnson Sirleaf

En Inde, il arrive que certains pères mettent à mort leur nourrisson parce qu’il a eu le malheur d’être du sexe féminin. Cela dénote le peu de considération dont jouit la gent féminine dans cette partie du monde.

C’est dire que si Ellen Johnson Sirleaf y était née, elle n’aurait peut-être pas eu le temps de grandir, d’aller à l’école, de collectionner les diplômes à Haward, de travailler à la Banque mondiale, d’entrer en politique et de se faire élire chef d’Etat en janvier 2006. Mais l’Inde n’est pas le Liberia et même en Inde, semble-t-il, cette mysoginie n’a cours que dans les rangs de ceux qui n’ont que leurs seuls bras comme force de travail.

Elue à la présidence de son pays, Ellen Johnson célébrait hier 16 janvier, jour pour jour, son premier anniversaire à la tête du Liberia ravagé par 14 ans de guerre civile. Bien qu’aucune cérémonie particulière n’ait été prévue pour marquer d’une pierre blanche l’an I d’Ellen Sirleaf en tant que première femme parvenue à la magistrature suprême dans un Etat en Afrique, la date du 16 janvier 2006 restera longtemps gravée dans les annales. Et véritablement, rien n’était acquis d’avance tant les défis à relever sont incommensurables.

Un an donc après la prestation de serment de Sirleaf, ils sont un certain nombre les Libériens qui pestent contre la montée en flèche des prix, le manque de travail, la pauvreté qui ne finit pas d’étrangler une partie de la population.

Mais en seulement une année d’exercice, peut-on raisonnablement demander à cette femme aussi courageuse que patriote la lune ? Non, pas du tout.

A ce propos d’ailleurs, les raisons d’être optimiste pour cette ancienne république noire indépendante depuis 1847 et qui a failli sombrer pour longtemps dans les abîmes de l’anarchie et du désordre total ne manquent pas.

C’est vrai qu’après 14 ans de guerre civile, cause de destruction massive de biens et d’hécatombes au plan humain, la tâche de Johnson Sirleaf était tout sauf aisée. Et pourtant, cette dame de fer de 68 ans a fait un pas de géant dans la bonne gouvernance de son pays après seulement une année aux affaires.

En effet, lorsqu’elle prenait fonction, cette économiste réputée s’était engagée à rétablir l’électricité à Monrovia, la capitale, qui en était privée depuis 15 ans. Mieux, elle entendait éradiquer la corruption endémique, rompre définitivement avec la violence, étroitement liée à l’histoire de son pays, et instaurer la bonne gouvernance. Un semestre après cette profession de foi, la dame de fer appuyait sur le bouton qui illuminait une bonne partie de la capitale.

Mieux, dans cette partie du continent noir, les progrès dans la restauration de l’autorité de l’Etat sont tangibles et on revient progressivement à la "civilisation". La vie au Liberia va de mieux en mieux et ainsi, 40 000 civils libériens ayant fui les affres de la guerre civile ont déjà rejoint le bercail.

Bref, de par ses capacités managériales, Ellen Johnson Sirleaf a prouvé qu’assumer à la perfection de grandes responsabilités est moins une question de sexe que de conviction, d’engagement et bien sûr de compétence.

On se souvient encore qu’en 2005, le gouvernement corrompu de son prédécesseur Gyude Bryant avait signé un accord avec le numéro un mondial de l’acier, Arcelor Mittal du milliardaire indien Lakshmi Mittal. Un accord au détriment du gouvernement et du peuple libériens.

Mais une fois aux commandes de ce pays de 3,5 millions d’âmes, Ellen Johnson Sirleaf a contraint ce géant mondial de l’acier à réviser cet accord pour l’exploitation des ressources en fer. C’est pourquoi désormais, Arcelor Miltal va investir plus de 500 milliards de F CFA pour développer les mines, les voies ferrées et les installations portuaires nécessaires à l’acheminement du minerai.

Mieux, cette multinationale devrait créer 3 500 emplois directs et environ 20 000 emplois indirects. Ce qui n’est pas rien dans un pays naguère au creux de la vague tel le Liberia.

Mais si le Liberia est progressivement en train de remonter la pente, c’est qu’il y a la paix et la stabilité. Et la paix et la stabilité ne sont pas données pour toujours et il faut les conquérir de manière permanente. Quand on pousse assez loin l’analyse, on se rend compte qu’en dépit de ces succès sur le terrain, de grands obstacles ne manquent pas au rétablissement de la paix et de la sécurité au Liberia.

Le pays n’est pas pauvre. On y trouve à profusion du caoutchouc, du fer, du bois, du diamant, etc. Mais la multiplication des activités d’exploitation minière sans licence et l’exportation illégale du diamant du Liberia sont, aux yeux des fins connaisseurs de cette partie de l’Afrique, des obstacles au retour de la paix.

Le réseau maffieux qui contrôle ce secteur de l’activité économique libérienne et qui conduit jusqu’à la nébuleuse Al-Qaida en passant par tout ce que la planète compte d’aigrefins et de chiens de guerre semble y avoir installé ses pénates.

Pis, il y a le problème des 65 000 anciens combattants de la guerre civile, qu’il faut résoudre au plus vite. Habitués depuis une quinzaine d’années à voler, tuer pour survivre, nombre d’entre eux ne savent rien faire d’autre de leurs mains qu’appuyer sur la détente. Gyude Bryant, le prédécesseur d’Ellen Sirleaf, estimait qu’il fallait 16,4 millions de dollars pour permettre une reconversion acceptable de ces anciens combattants à la vie civile.

Et parler d’anciens combattants ici est un euphémisme puisque la majeure partie a moins de la quarantaine. C’est pour cela que nombre d’entre eux ont déjà pris leur baluchon pour l’exil afin de mieux monnayer leur savoir-faire dans la manière de mettre rapidement à mort un ennemi potentiel.

Et c’est ainsi que ces anciens soldats libériens sont allés vendre leurs services dans certains pays... tels la Côte d’Ivoire.

En dépit de l’embargo décrété sur les diamants, le bois, rien n’y fit.

Et c’est de notoriété publique que les diamants et aussi et surtout le bois alimentent la corruption et sont un puissant combustible pour attiser le feu du conflit. Matière première facilement exploitable et immédiatement vendable, le bois est devenu une ressource de choix pour les factions en conflits, les réseaux maffieux et les marchands de canons.

Et ce n’est certainement pas pour rien que cetaines ONG impliquées dans la résolution des conflits à travers le monde ont trouvé le néologisme "bois du conflit". Ports et frontières du Liberia restent à ce jour de vraies passoires et la communauté internationale a du mal à y remédier.

Et c’est ainsi que de juteux trafics s’y poursuivent, impunément, sur le dos du peuple libérien. C’est dire que la deuxième République noire indépendante est à reconstruire. Et les atouts ne manquent pas. Les défis aussi.

Boureima Diallo

Notes :
(1) Continuer à travailler dur

L’Observateur

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique