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Citoyens en posture d’otages

Publié le lundi 15 janvier 2007 à 07h48min

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Les violents carrousels militaires qui auront mal verni les fêtes de fin d’année n’ont pas fini d’alimenter la chronique, mettant quelque peu au rancart certains ‘’ébats’’ politiciens qui ne semblent passionner que les acteurs directs ; les figurants vivant dans une angoisse justifiée : en vertu de quoi une poignée d’individus doivent-ils ‘’décréter’’ le nombre de ‘’nuits blanches’’ que devraient endurer leurs concitoyens ?

On avait pensé le calme revenu en ce début d’année, mais c’était sans compter avec l’entrée en scène des éléments de la Garde de sécurité pénitentiaire qui, à leur tour, ont bruyamment revendiqué le 4 janvier, rendant encore plus lourde cette atmosphère délétère qui flotte sur le pays depuis le 20 décembre dernier...

Les diverses revendications des soldats ne sont pas toutes connues, ce qui fermente les imaginations et fait courir toutes sortes de rumeurs, dont celle de voir certains responsables mis à l’écart. Mais a-t-on jamais vu des revendications aboutir en recourant à la violence ?

D’aucuns soutiennent que le malaise est beaucoup plus profond que ne veulent le laisser penser les sources officielles du reste peu disertes. Les yeux de l’homme de la rue ne verraient-ils là que le sommet de l’iceberg ? Il est impossible en effet de sonder l’esprit humain à certains moments tragiques du déchaînement de ses passions : les complexes, le ressentiment et les frustrations s’installent peu à peu puis arrive cet ultime moment explosif inqualifiable.

N’est-ce pas ce qui s’est passé ? Les psychologues avouent généralement que l’on ‘’conduit les enfants par la raison de l’autorité et les hommes par l’autorité de la raison’’. Ce qui induit le souci de solidarité, d’équité et de justice. Qu’est-ce qui aura le plus manqué à la ‘’grande muette’’ pour que certains de ses éléments se mettent brusquement à ‘’parler’’ bruyamment ?

Si généralement l’on admet que les manifestations, voire les crises, font partie du fonctionnement de la démocratie, il faut aussi admettre que les casses et autres violences relèvent plus d’une certaine irresponsabilité qui s’accommode très mal de la liberté.
Sur ce plan, les différentes formations politiques sont unanimes : il s’agit là ‘’d’un problème’’ de fond qui ne souffre pas de solutions formatées. Beaucoup pensent que le politique aura infiltré les casernes, faisant croire à certains qu’ils sont enduits d’amiante les rendant politiquement ignifuges. Des pensées qui, à terme, s’avèrent très souvent nocives...

Malgré un certain optimisme régnant dans les cercles officiels où tous les regards sont tournés vers le chef de l’Etat, certains observateurs pensent que ces jours-ci décideront de l’issue de ces mouvements de protestations. Certaines sources affirment que, déjà, nombre de revendications des soldats auraient été prises en compte...

De tout temps, le dialogue a représenté une donnée culturelle essentielle dans la recherche de la paix. Pour certains contempteurs du régime cependant, vouloir en faire une doctrine découlerait plutôt d’une stratégie politicienne : ne voudrait-on pas ainsi, disent-ils, ‘’blanchir’’ des ‘’coupables’’ et jeter un voile pudique sur certains abus et autres méfaits ?

Si l’opinion condamne unanimement les événements de décembre, elle reste divisée sur les solutions à y apporter : pour les uns, seule une ‘’grande lessive’’ serait salutaire ; pour d’autres il serait inutile de provoquer d’autres frustrations, sachant que les orgueils blessés sont encore plus dangereux que les intérêts lésés. Les plus optimistes en appellent au compromis afin que la confusion et la suspicion cèdent le pas à la confiance. Un dossier que devra gérer avec doigté le chef de l’Etat, ce qui est loin de représenter un cadeau de nouvel an...

Le Premier ministre a déploré les faits et rappelé que la démocratie est une quête permanente. Cette évidence est pourtant loin d’effacer ce que plus d’un aura déploré dans la gestion de cette affaire : les longs silences radio des autorités gouvernementales et judiciaires à l’endroit des populations.

Nul ne saurait dire avec exactitude le nombre de morts et de blessés lors des manifestations, à combien de francs CFA se chiffrent les différents dégâts matériels. Le contribuable, qui paiera une fois de plus, n’a-t-il pas le droit de savoir ? Ces manifestations qui se sont déroulées au vu de tous méritaient-elles qu’on y apposât un cachet ‘’Secret-défense’’ ?

C’est en tout cas l’impression donnée à l’homme de la rue, qui sait que pour autres choses l’on n’aurait pas hésité à ‘’crever’’ les écrans pour dire ‘’la’’ vérité au Faso et au monde...
Beaucoup avaient attendu la cérémonie de présentation de vœux du ministère de la Sécurité pour essayer de comprendre. On n’aura eu droit qu’à de vieux refrains...

On ne le répètera jamais assez, la culture du secret n’a jamais été efficace dans une démocratie où l’un des droits essentiels du citoyen est celui d’être informé ; de savoir pour comprendre. En matière de communication officielle, les Burkinabè paraissent mal lotis, ce qui est loin d’être un bon point ! Un certain Douglass Carter rappelait que ‘’le dinosaure n’a pas disparu de la planète parce qu’il était trop grand ou trop maladroit. Il s’est passé que son système de communication ne lui permettait pas de se représenter de la réalité une image adéquate d’après laquelle il aurait pu agir’’.

Au Burkina Faso, certains phénomènes et attitudes ont engendré un mode de pensée binaire qui débouche souvent sur un manichéisme dont on peut juger les effets, parfois désastreux...

A. Pazoté

Journal du jeudi

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