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Guinée : Jours ordinaires à Conakry

Publié le mardi 9 janvier 2007 à 07h59min

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Lansana Conté

En cette fin de l’année 2006, la Guinée-Conakry vit toujours au rythme de la dégradation continue de son quotidien. Sur fond de bagarres de succession au sommet de l’Etat alors que le président Lansana Conté essaie, malgré la leucémie qui le ronge, de tenir encore le gouvernail.

Vendredi 22 décembre, il est 14 heures, le chef de l’Etat guinéen vient de quitter le camp Samory Touré situé dans le quartier Temneta. Dans sa 4x4 Hummer, suivi d’un long cortège, il prend le boulevard de la République, longe le marché Niger et se dirige vers le palais des Nations à Boulbinet, son lieu de travail quand il est à Conakry, palais bombardé en février 96 par des militaires "félons" qui enviaient son fauteuil. Un lointain souvenir.

Il en est ainsi de l’itinéraire de celui qui dirige la Guinée depuis le 3 avril 1984 quand il quitte son village de Wawa pour la capitale, question de faire en sorte le tour du propriétaire.

Les populations de Conakry, elles, vaquent à leurs occupations ou plutôt courent après la résolution de leurs innombrables problèmes existentiels. Parce que ces habitants sont tenaillés chaque jour par l’inflation, le renchérissement du coût des denrées de premier choix, les sentiments sont partagés entre résignation et colère. Comme ce chauffeur de taxi qui affirme en haussant les épaules : "Ça va aller, Conté a travaillé, mais il est malade...". La vendeuse de légumes du marché Niger, elle, martèle "rien ne marche, avant, le franc guinéen était fort, maintenant il ne vaut plus rien... les gens n’achètent plus... ils n’ont pas d’argent...". (1 FCFA = 12,8 F guinéens, 1 euro = 8000 FG et 1 dollar = 6600 FG). Signalons que le cfa, l’euro et le dollar y sont prisés.

Un tour au grand marché de Conakry dit marché Madina, et l’on se rend compte de cette cherté de la vie tant décriée par le Guinéen lambda : le sac de riz de 50 kg coûte 160 000 FG, le sucre de même poids pareil. Le carburant, notamment l’essence, coûte 20 000 FG le litre.

L’eau et surtout l’électricité sont rationnées. Aussi les délestages sont-ils désormais normaux à Conakry. Les quartiers des 5 communes (Ratoma, Dixinn, Matoto, Matam et Kaloum) reçoivent la précieuse énergie à tour de rôle. Avec des exceptions pour les quartiers administratif de Kaloum, et ministériel de Landréa.

Quelques jours à Conakry et vos oreilles s’habitueront au bruit des groupes électrogènes qui pétaradent, la nuit tombée, dans certaines concessions et quasiment dans tous les hôtels. Et pourtant la grande centrale électrique du quartier Tombo tourne, gardée par les militaires "bérets rouges", la garde rapprochée de Conté. Pour de nombreux Guinéens, l’échec du projet de centrale hydroélectrique de Garafiré, lancé il y a dix ans explique cette crise énergétique. Face à cette situation difficile, les deux principales centrales syndicales, la CNTG et l’USTG, menacent de répéter les journées "ville morte" à Conakry qui avaient paralysé le pays du 27 février au 3 mars 2006. Un remake qui pourrait encore aggraver le cas de la Guinée, qui, économiquement, est déjà sous perfusion. Sur le front politique, les choses bougent, si l’on peut le dire, à pas d’escargot. Et en la matière, on peut inscrire le dialogue pouvoir/opposition, qui a duré 3 mois, comme une petite avancée positive.

En effet, le 5 décembre dernier, prenaient fin ces échanges qui ont accouché d’avant-projets de lois relatifs à :
la modification du Code électoral ;
la création d’une CENI ;
le statut de l’opposition ;
le financement public des partis politiques ;
des réformes politiques qui, si effectivement elles voyaient le jour et étaient appliquées, amélioreraient les élections en Guinée, les scrutins de ces 13 dernières années ayant été des votes en trompe-l’œil, émaillés qu’ils sont de fraudes massives.

En tout cas, le porte-parole de cette opposition regroupée au sein du Front républicain pour l’alternance démocratique (FRAD), Sidya Touré, se dit confiant en déclarant : "Nous sommes parvenus à des textes consensuels qui permettront, nous l’espérons, d’organiser des élections crédibles et transparentes". Le représentant du pouvoir et président du Comité international chargé du dialogue, le ministre de l’Administration, Moussa Solano, estime, lui aussi, que ces résultats préfigurent l’organisation d’élections libres, "crédibles, transparentes et accessibles par tous". On voudrait les croire, mais en attendant, il y a comme des bisbilles au sein de cette opposition, certains opposants soupçonnant d’autres de collusion avec le régime en place. Ce qui fragilise cette sorte d’union sacrée des opposants.

Exemple : lors d’une réunion du RDG le 16 décembre dernier, Alpha Condé, qui s’était absenté du pays, a invité ses militants à ne pas céder aux rumeurs et à rester unis.

En effet, dans le pays, des rumeurs se font de plus en plus persistantes sur l’éventualité de la formation d’un gouvernement de transition avec comme PM... Mamadou Bâ de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). Un Bâ Mamadou qui œuvre, selon d’aucuns, à faire croire qu’il serait le mieux indiqué pour être le PM en cas de transition en Guinée. Ce qui ne lui vaut pas que des amitiés.

En attendant également, Lansana Conté, après avoir libéré ses amis Mamadou Sylla et Fodé Soumah (lire vu et entendu à Conakry), a opéré le 29 décembre un petit lifting dans son gouvernement, en changeant notamment les ministres des Transports, des Postes et Télécommunications et surtout de l’Information, Aboubacar Sylla, jugé "hostile au pouvoir". Pessè (celui qui parle cru, en langue soussou) prouve ainsi qu’il demeure le seul maître à bord du bateau guinéen. Jusqu’à quand ? .

Z. Dieudonné Zoungrana

Ouaga - Conakry


Vu et entendu à Conakry

• Quand un prisonnier en cache un autre

Le 16 décembre à 14h30, Lansana Conté est allé à la Sûreté urbaine (prison de Coronthie) libérer en personne son ami El hadj Mamadou Sylla, embastillé 10 jours plus tôt dans le cadre de l’affaire qui oppose sa société, Futurelec Holding, à l’Etat. N’eût été le fait que Sylla a attiré l’attention de son libérateur sur le fait que Fodé Soumah (ex-ministre, et autre ami du maître de Guinée qui fut gouverneur de la Banque centrale et ministre de la Jeunesse) était lui aussi à l’intérieur, ce dernier serait resté en prison."Mangè ! Mangè ! (Ndlr : chef : chef !), Fodé est aussi dedans", aurait affirmé le patron de Futurelec. "Aller le chercher", a ordonné alors le chef de l’Etat. Et ces gardes du corps ont cassé donc les verrous et c’est au pas de course que Fodé est monté dans un des véhicules, puis le cortège prit la direction du petit palais (Palais des Nations).

Le jour de cette libération des deux célèbres prisonniers par le premier magistrat du pays, une foule nombreuse était amassée autour de la prison applaudissant ce geste.

Un changement qui n’a pas suscité de réaction du côté du procureur général. Un des avocats de Sylla a laissé entendre : "Seul le chef de l’Etat pouvait libérer mon client".

• Titi Camara, futur président de la Féguifoot ?

Aboubacar Titi Camara, l’ex-international du Silly national, veut le fauteuil de président de la Fédération guinéenne de football (Feguifoot). L’ancien capitaine de l’équipe nationale de football a en tout cas des chances d’y parvenir.

• Moi Hadja Rabiatou, syndicaliste intraitable

C’est une femme, hadja Rabiatou Serah, qui dirige l’inter-syndicale, la CNTG de Guinée. Respectée et puissante, elle n’est pas sans rappeler une certaine Maïmouna Cissé du Burkina.

• Jean-Marie Doré absent, Alpha Condé aussi

Nous avons essayé d’obtenir une interview avec Jean-Marie Doré, qui était absent de Conakry, nous a-t-on répondu. Idem pour Alpha Condé qui, lui aussi, était hors de Guinée, nous a-t-on appris.

• Diallo "Sadakagui" l’amphitryon

Mamadou Diallo, surnommé "Diallo Sadakagui", est un richissime homme d’affaires guinéen qui possède presque tous les immeubles autour du marché central Madina de Conakry. Il est aussi dans les 2 roues, le bâtiment...

L’homme s’illustre régulièrement chaque vendredi par le sacrifice de 9 bœufs et distribue des espèces sonnantes aux indigents. On l’appelle donc "Diallo sacrifice".

• Pont du 8 novembre, checkpoint la nuit

C’est sous ce pont que furent pendus dans les années 70 les adversaires politiques ou supposés tels de Sékou Touré, lors de l’affaire de la 5e colonne. Ce pont est la principale entrée de la capitale. La nuit tombée, elle est gardée par un char et des militaires qui y veillent. Il faut montrer patte blanche pour le franchir.

• "Blaise n’aime pas la Guinée"

A l’aéroport de Conakry le 19 décembre, nous avons (avec l’artiste Smokey) dû palabrer longuement avant de passer, car nous étions en possession de CIB. Finalement, après que nous avons refilé quelques billets de 1 000 FCFA à une policière, tout rentra dans l’ordre. Au retour, même scénario, et une autre policière nous dit : "Ce n’est pas un document de voyage la pièce d’identité burkinabè. Il y a un accord en la matière entre le Mali, le Sénégal et la Guinée, mais pas avec le Burkina ; Blaise ne nous aime pas, il a refusé de signer... Et l’affaire Norbert Zongo ? Lui, c’était un vrai journaliste".

• Exit le camp Boiro, mais il y a celui de Koundara

Le camp Boiro de sinistre mémoire sous les années de plomb Sékou Touré n’existe plus : il fait désormais office de camp pour la garde républicaine. Mais selon certains Guinéens, il y a un autre, du nom de Koundara, moins exécrable que Boiro certes, et situé en bordure de la mer.

• Incendie au siège de la police judiciaire

Le 19 décembre aux environs de 14h45, un incendie a ravagé la Direction de la police judiciaire (DPJ) dans le quartier de Kaloum. D’importants documents sont partis en fumée.

• Chantal Colle, éminence grise de Conté

Cette femme, officiellement conseillère en communication de Lansana Conté, est très redoutée en Guinée. Et pour cause, très écoutée par le président, il semble qu’elle fasse et défasse les ministres et serait même à la base du départ de l’ex-P.M. Cellou Dalein Diallo, de l’emprisonnement de Sylla Mamadou et de Fodé Soumah. Elle est la principale actionnaire d’une société qui a le monopole de la vente des puces Arreba, l’un des opérateurs de la téléphonie mobile en Guinée. L’autre opérateur étant Sotelgui.

• Pas de disgrâce pour le ministre Bangoura

Fodé Bangoura est le ministre chargé des Affaires présidentielles, autrement dit un premier ministre qui ne dit pas son nom, depuis le limogeage de Cellou Dallein Diallo. Bangoura aurait essuyé la colère du chef de l’Etat, le 16 décembre dernier, car Conté ignorait l’emprisonnement de Mamadou Sylla, ennemi juré de Bangoura.

• Conakry by night

Conakry by night se concentre dans des "coins" tels le Transit, le Timis ou le Bembeya où l’on peut écouter de la musique, se trémousser surtout au Transit qui ressemble au maquis "Pharmacie de garde" de Dapoya à Ouaga.

Z.D.Z.

L’Observateur

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