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Côte d’ivoire : Que reste-t-il comme armes à Laurent Gbagbo ? Rien d’autre que la "magouille" politico-diplomatique

Publié le lundi 8 janvier 2007 à 07h46min

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Gbagbo et Mbeki

Le 14 décembre 2006, Laurent Gbagbo, plus pédagogue que jamais, s’est lancé dans une leçon d’explications aux "nordistes" de la Coordination des nordistes pour la République (CNR) reçus au palais présidentiel. Tout d’abord, les ressources du nord (coton, diamants, or, etc.) sont pillées par le Burkina Faso. Ensuite, il n’est pas en guerre avec le RDR et ses leaders ; leur ennemi, et cela depuis 1993, c’est Henri Konan Bédié

Le meilleur soutien du RDR et de Alassane Ouattara face au PDCI et à Bédié, c’est lui, Gbagbo, qui a alors créé le Front républicain entre le FPI et le RDR et s’est solidarisé avec Ouattara qui ne pouvait pas être candidat à la présidentielle de 1995. "Voilà des gens pour qui je me suis sacrifié dans leur lutte fraternelle. Aujourd’hui, ils racontent n’importe quoi sur moi [alors] qu’en ce moment-là j’étais un dieu pour eux". L’ennemi, c’était Bédié ; l’ami, c’était Gbagbo.

Une autre preuve : en 1999, un coup d’Etat a été organisé "pour que Alassane soit président". Mais Gbagbo savait que Robert Gueï "a voulu organiser les élections pour prendre lui-même le pouvoir". Qui s’y est opposé ? Ouattara ? Non ! C’est Gbagbo : "Moi, je l’ai battu". Bilan : Bédié n’était "pas content parce qu’il a été renversé et remplacé par Gueï. Alassane [n’était] pas content parce que le coup a été fait, lui il n ’a pas été président mais c ’est Gueï qui l’a été [...] et Gueï n’était pas content parce qu’il n’a pas pris la chose (le pouvoir) qu’il voulait prendre et que j ’ai prise ". Conclusion : "J’avais déjà trois ennemis alors que je n ’avais rien fait encore. Voilà [...] comme la guerre a commencé".

Voulant calmer le jeu, il organisera alors le Forum de réconciliation et nommera comme premier ministre Seydou Diarra parce que Gueï s’entendait bien avec lui et que Ouattara l’appellait "Tonton ". Au cours de ce même forum, il dira à Ouattara : "Va prendre ton certificat de nationalité". Mais tout cela n’a servi à rien : "Ils sont venus attaquer la Côte d’Ivoire", sans que Gbagbo précise qui est désigné par ce "ils" qu’il oppose, dans sa phrase, à la Côte d’Ivoire : le Burkina Faso ? "Je pense qu’on aurait pu éviter la guerre, ajoutera-t-il, si chacun savait faire comme moi : attendre son tour. Il faut que tout le monde sache que tant que Dieu n ’a pas dit que ton tour est arrivé, tu ne peux pas y accéder". On appréciera la rhétorique de Gbagbo dans un style qui se veut proche de ses interlocuteurs mais éloigné de la dialectique en vigueur, d’ordinaire, au sein de l’Internationale socialiste !

Ce jour-là, dans ce style incomparable qu’adopté Gbagbo quand il s’adresse au "peuple", le chef de l’Etat va déclarer au sujet de l’implication internationale dans la crise ivoirienne : "Sachez que chaque chose vient toujours en son temps. L’Onuci, Licorne,... tout cela va quitter sur nos têtes. Mais tout dépend de nous d’abord. Si, nous-mêmes, les Ivoiriens ne sommes pas capables de régler nos problèmes, les étrangers vont être assis sur nous. Je suis fier de vous avoir reçus aujourd’hui. Mais sachez que la Côte d’Ivoire est une et elle restera une. Tous les gens dont j’ai parlé, vous voyez que nous nous connaissons. Que ce soit Soro Guillaume, Alassane, Banny, Bédié, on se connaît tous. C’est à nous qu’il revient de faire la paix". Un positionnement ( "C’est à nous qu’il revient défaire la paix") qu’il va reprendre quelques jours plus tard à l’occasion de son discours à la nation prononcé le mercredi 20 décembre 2006.

Selon Gbagbo, il s’agit d’évacuer toute implication "internationale" dans la recherche de solution. "Au-delà de toutes les résolutions adoptées sur la Côte d’Ivoire, c ’est à nous, Ivoiriens, qu ’il [revient] de sortir notre pays de la crise ", Exit donc la résolution 1721. Ce qui la remplace, c’est le "plan Gbagbo". Ce "plan" résulte des "concertations" organisées du 7 au 21 novembre 2006 auxquelles ont participé également "les communautés étrangères vivant en Côte d’Ivoire". Il précise que ces concertations ont permis d’enregistrer "75 discours et 202 textes [...] soit au total 277 documents recueillis, contenant 1.478propositions". Son "plan" résulte également de son "expérience personnelle de ces quatre dernières années de crise".

Il s’agit donc de former un "nouveau gouvernement, pour mener à bien les affaires de l’Etat". Pas tout de suite. "Dans un Etat en crise, il n ’est pas bon défaire tout en même temps". La priorité, c’est "avancer, pour la paix, pour la réunification du pays et pour les élections". Ce n’est pas nouveau, bien sûr, mais si, depuis "4 ans et 3 mois après le début de la guerre, aucune des solutions adoptées n’a pu ramener la paix [...] ce qui est en cause, à mon avis, c’est le diagnostic". Il n’en dira pas plus d’ailleurs sur ce "diagnostic" ; il passe directement aux solutions et, plus encore, à "la" solution : "Devant l’impasse des solutions extérieures, il est temps que les Ivoiriens s’approprient eux-mêmes complètement, le processus de paix".

Gbagbo a présenté "une nouvelle approche" en cinq points :
1 - "Instauration d’un dialogue direct avec la rébellion en vue du désarmement et de la réunification du pays " ; il précise : "Je souhaite que d’ici fin janvier 2007 au plus tard, les discussions soient achevées et qu ’elles aboutissent au désarmement, pour que, enfin, les élections prévues puissent se tenir ". Mais il ne dit rien du contenu de ces discussions et n’explique pas pourquoi ce qui n’a pas été obtenu au bout de "4 ans et 3 mois " le serait en quelques semaines.

2 - "Suppression de la zone de confiance" qui "n’a plus sa raison d’être. Les affrontements militaires ont cessé. De part et d’autre, la volonté d’une reprise des hostilités n’existe plus [...] Elle constitue à l’évidence un obstacle physique à la réunification du pays, à la libre circulation des personnes et des biens et au retour des déplacés".

3 - "Création d’un Service civique national" car, dit-il, "la crise que nous vivons est aussi, et en grande partie, une crise de l’emploi et de la formation". Ce service civique national va permettre "de reconquérir le sens du civisme" en créant "un organisme national pour recruter, former, employer ou faire employer toute cette jeunesse souvent désorientée et qui se croit, à tort, laissée pour compte ". Il entend ainsi "installer un camp de service civique dans chaque région [...] Dès la fin du mois de février 2007, ajoute-t-il, nous serons en mesure d’encadrer 40.000 jeunes". Au bout de 18 mois, le jeune ainsi "encadré" pourra "trouver un emploi dans le public, dans le privé ou créer sa propre entreprise ". D’ores et déjà, les jeunes sont invités à aller s’inscrire dans les "bureaux qui seront ouverts à cet effet".

4 -"Amnistie générale" qui "ne couvrira pas les crimes contre l’humanité et les crimes économiques. Nous voulons la paix mais nous ne voulons pas donner une prime à l’impunité". 5 - "Mise en place d’un programme d’aide au retour des déplacés de guerre" conçu comme "un préalable au pardon [...], un devoir de solidarité". Tout ceci étant fait "nous pouvons organiser l’élection présidentielle dès le mois de juillet 2007".

Il ne sert à rien d’épiloguer sur ce "discours à la nation". Il faut retenir, seulement que Gbagbo fait le ménage des interlocuteurs, qu’il s’agisse des "médiateurs", de la communauté internationale, du Premier ministre ou des leaders de l’opposition. Et quand il évoque un "dialogue direct avec la rébellion", ce n’est pas à Guillaume Soro qu’il pense mais à Blaise Compaoré qui va. dès le 1er janvier 2007 présider les institutions sous-régionales. Cédéao et UEMOA.

Gbagbo sait que le pragmatisme du Burkinabé rendra possible un "bon arrangement" avec Ouaga (auquel travaillent déjà, dit-on, des hommes d’affaires burkinabé) qui n’a pas intérêt à voir "pourrir" la situation en Afrique de l’Ouest dans un contexte électoral (Sénégal. Mali, Mauritanie, etc.) délicat. Mais que, par contre, la capacité de nuisance de Gbagbo et "alliés" est, au Burkina Faso et dans la sous-région, inépuisable. "A bon entendeur salut".

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomaqtique

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Vos commentaires

  • Le 9 janvier 2007 à 23:10, par Nao oscar En réponse à : Que reste-t-il comme arme à Laurent Gbagbo ? Rien d’autre que la "magouille politico-diplomatique"

    Je suis ivoirien et je viens de découvrir le site du "lefaso.net,je ne suis pas surpris que ce commentaire aux antipodes de la réalité émane d’un européen ,si je m’en tiens au nom apposé au bas du texte. En réalité, le combat que mène depuis plus de quatre (4) ans le vaillant peuple de côte d’ivoire est un combat de libération de tous nos états. Il ne s’agit pas seulement d’un problème purement ivoirien,loin s’en faut. A titre d’exemple, bien que moins nanti que la côte d’ivoire, les recettes d’exportation du burkina faso sont bloquées dans le compte d’opérations, à la disposition prioritairement de l’ex-puissance coloniale. Ne croyons plus à une quelconque générosité de la France, elle désinforme pour nous diviser afin de continuer à nous exploiter.
    Peuples opprimés, unissons-nous !....

    • Le 16 janvier 2007 à 15:17, par DAGNOG’O En réponse à : > Que reste-t-il comme arme à Laurent Gbagbo ? Rien d’autre que la "magouille politico-diplomatique"

      merci mon ami et bon arrivée sur notre aimable site. moi c’est DAGNOG’O je suis du pays des hommes intègres et je partage vos idées. evitons à ce moment de voir les intérêts égoistes de nos états ou de leur chef mais faisons plutôt une analyse plus africaine de nos difficultés enfin de sortir ensemble de la pauvrét. l’union ne fait t-elle plus la force ?

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