A quatre mois de la fin de son deuxième mandat, qui se termine officiellement le 17 mai, le président a affirmé lors de voeux aux Français son intention de s’engager pleinement dans les débats de la campagne à venir.

Dont acte dans ses voeux prononcés jeudi devant les Forces vives - syndicats, patronat, associations.

Mélange de programme quasi-électoral et d’exercice visionnaire élaboré à l’aune de ses 12 années d’expérience élyséenne, son discours dessine un modèle social français pour demain, propositions concrètes à l’appui, bien au-delà de son quinquennat finissant.

A ceux qui voudraient voir dans cette feuille de route l’ébauche d’un programme de candidat, l’entourage du chef de l’Etat oppose un démenti formel.

"Ce discours n’est ni programme de campagne ni un passage de relais", assure un proche. "On ne l’enfermera pas dans un costume, dans un placard très étroit de quatre mois à veiller à l’action gouvernementale".

Aux yeux de certains analystes, ce positionnement est pour Jacques Chirac une question de survie politique.

"S’il veut garder un peu d’autorité jusqu’à la fin de son mandat, il faut qu’il laisse planer le doute", estime Paul Bacot, professeur à l’Institut des études politiques de Lyon. "Pour peser sur la suite des évènements, il faut en effet qu’il fasse des propositions".

CARTE A JOUER

De l’avis de Nicolas Sauger, du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), le message chiraquien est d’autant plus "mystérieux" que la situation est "inédite".

"Sa stratégie est peu compréhensible", estime le chercheur. "Je ne suis pas sûr qu’il y ait clairement un message. On ne voit pas où il veut en venir. En terme de stratégie personnelle ou politique, ce n’est pas évident à lire".

Les choses auraient été plus lumineuses "s’il avait eu un dauphin" - Alain Juppé, Dominique de Villepin, ou Michèle Alliot-Marie. Une option "peu probable" aux yeux du politologue, malgré le flou toujours entretenu par le chef du gouvernement et la ministre de la Défense.

Jacques Chirac dira "au premier trimestre" - dans tous les cas avant le 16 mars, date-limite de dépôt des candidatures - s’il brigue ou non un troisième mandat.

Le chef de l’Etat "n’a pas encore pris sa décision" et il se prononcera "en fonction de l’appréciation politique qu’il fera de l’intérêt des Français", assure son entourage.

Dans son discours aux Forces vives, Jacques Chirac a fait voeu d’indépendance, repoussant à la fois les "illusions" socialistes et la tentation du "tout libéral".

Pour Paul Bacot, le président a une "carte à jouer" entre un Nicolas Sarkozy "perçu généralement comme très marqué à droite", un président de l’UDF François Bayrou "avec qui la mayonnaise ne prend pas vraiment", et une socialiste Ségolène Royal "qui peut apparaître pour une partie de son camp comme trop à droite".

Les sondages ne plaident pas en faveur d’une nouvelle candidature de Jacques Chirac, souhaitée par un petit quart des Français seulement.

C’est dans son propre camp que cette incertitude pèse le plus. "Son principal objectif, c’est de barrer la route à Sarkozy", pense Paul Becot, pour qui les mystères de l’Elysée sont un "handicap lourd" pour le président de l’UMP.

"A un peu plus de trois mois de la présidentielle, les choses peuvent encore basculer complètement", estime l’analyste, qui considère comme "pas du tout exclu" une candidature Chirac "si les circonstances s’y prêtaient". "Dans ce cas-là, il faudrait qu’il réussisse son annonce", estime-t-il.

Reuters