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Affrontements entre militaires et policiers : Ce qui devait arriver arriva

Publié le mardi 2 janvier 2007 à 07h55min

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La vie dans l’armée ressemble à une vie de famille où les membres sont solidaires. Lorsqu’on touche à un seul cheveu d’un des membres, c’est toute l’armée que vous avez sur le dos.

C’était pour venger un des leurs tué par balle par des agents des CRS que les jeunes soldats du Groupement central des armées (installé au camp Guillaume Ouédraogo) ont abandonné leur caserne pour investir les rues de Ouagadougou au grand malheur de la police nationale.

Cet affrontement entre militaires et policiers résulte de l’accumulation d’un certain nombre de comportements de rivalités entre policiers et militaires.

Tout est parti, selon certaines sources, d’une simple altercation entre militaires et policiers le 17 décembre au stade municipal de Ouagadougou, où se déroulait un concert. Les policiers chargés de la sécurité des lieux auraient refusé l’accès du stade à un groupe de militaires qui voulait assister au concert sans débourser le prix à payer. On leur aurait conseillé de saisir les organisateurs habilités à fournir des autorisations d’entrer.

La tension monta après quelques échanges verbaux et il s’en est suivi des échanges de coups de poings et de ceinturons qui se sont soldés par un blessé du côté des jeunes militaires. On parvint à calmer les ardeurs des uns et des autres, mais les bidasses ne voulurent pas en rester là. Tout semblait rentrer dans l’ordre, mais les bidasses ont décidé autrement le 19 décembre lorsqu’ils ont reconnu les policiers avec lesquels ils ont eu cette altercation au rond-point des Nations unies.

Pour laver le linge sale, ils n’ont pas hésité à engager une bagarre. Poussés à bout, guidés par l’instinct de survie, les policiers usèrent de leurs armes et ce qui devait arriver arriva. Un mort et trois blessés parmi les bidasses. C’était la goutte d’eau qui fera déborder le vase ou du moins, pour être plus prosaïque, l’étincelle qui mit le feu à la poudre. Les choses vont se précipiter.

La concertation entre autorités militaires et policières est gage de l’instauration d’un climat de paix sociale durable.

Le mercredi 20 décembre, dans la matinée déjà les militaires tenteront une descente sur le commissariat central de police de Ouagadougou, mais ils se heurtèrent à un dispositif sécuritaire mis en place par les policiers pour protéger et défendre leur lieu de travail. Ils ont réussi à repousser les militaires et provoquer de ce fait un mouvement de panique. "C’était le sauve-qui-peut".

Les bidasses qui étaient en nombre restreint et insuffisamment armés rebroussèrent chemin pour revenir armés cette fois jusqu’aux dents en découdre avec les policiers. Ils se sont d’abord pris à la mairie centrale en brisant les vitres du poste de police, en détruisant des guirlandes et tabassant copieusement deux policiers municipaux.

Le calme semblait revenir après une tentative de négociation, mais les choses se dégradèrent avec l’annonce du décès d’un des blessés de la veille. Pris de colère, les bidasses ont alors bouclé la zone dès la tombée de la nuit, avec l’intention ferme d’oscire tout policier qu’ils trouveraient. C’était devenu la chasse aux policiers dans la ville et il n’était pas agréable d’être policier à ce moment.

Les policiers étaient obligés de se dissimuler de toutes les manières possibles et se confondre à la population tout en espérant que les bidasses se calment. Toute la nuit du 20 fut ainsi rythmée par le bruit sourd des fusils et le scatoscato menaçant de diverses armes automatiques. Le constat fut amer lorsque nous nous sommes rendu au commissariat central de Ouagadougou et à la direction générale de la police nationale.

Bilan : trois morts, un véhicule carbonisé devant l’entrée de la direction générale de la police. Un autre véhicule de la police fut brûlé devant le camp Guillaume, le commissariat central de police saccagé des motos et des véhicules mis à feu, une direction de la police méconnaissable. Des impacts de balles et des vitres cassées. Le camp de la Compagnie Républicaine de sécurité a été la cible des armes lourdes vu les dégâts constatés.

La force doit toujours avoir de la retenue

Tout le monde est unanime pour reconnaître que ces événements malheureux survenus dans notre capitale n’honorent pas notre pays. Les militaires ont le droit d’exprimer leur colère nous sommes d’accord, mais à l’allure où les choses sont allées, il y a des questions à se poser.

S’il suffit d’un rien pour que Ouagadougou soit assiégé le Burkina n’est pas au bout de ses peines en matière de stabilité. Il est vrai qu’en la matière, rien n’est définitivement acquis, mais le pays des Hommes intègres avait engrangé des victoires dans ce sens et nul ne doit la remettre en cause. La base de notre réussite reposait en grande partie sur cette stabilité.

Pendant plus de 48 heures, le Burkina était dans l’incertitude. Tout pouvait basculer. Les rébellions ont toujours commencé par des histoires semblables. Ça n’arrive pas seulement qu’aux autres. La stabilité est une quête permanente. Nos autorités le savent. Au départ, les Ouagalais voulaient qu’on donne une leçon à ces policiers zélés qui ne manquent jamais de jouer au fanfaron lorsqu’ils interpellent quelqu’un.

Mais elle s’est vite avisée, vu les écarts de comportements que certains militaires ont posés. Qu’est-ce qu’il y a entre une manifestation de colère de bidasse et une maison d’arrêt et de correction ? 614 prisonniers courent dans les rues. De véritables dangers pour les populations. Brûler des voitures, saccager des bâtiments. N’y avait-il pas d’autres moyens d’expression ? Quel exemple ces manifestants donnent-ils aux autres ? Comme le Collectif, les élèves et les étudiants. Le mauvais exemple viendra-t-il de l’armée ?

Nous voulons une armée républicaine au service de la démocratie et du développement

La démocratie a besoin d’une armée républicaine pour s’enraciner, d’un espace de paix et de sécurité garanties par une armée républicaine respectueuse du fonctionnement normal des institutions de l’Etat de droit. Pour s’acquitter convenablement de cette mission, l’armée doit privilégier les mutations qualitatives afin de se prémunir d’une politisation corrosive de son personnel et de renforcer le sens civique dans ses rangs.

Après l’inhumation du militaire décédé, le ministre Yéro Boly de la Défense s’était entretenu avec les manifestants. Il est ressorti des revendications sociales, la hiérarchie doit rechercher des solutions aux problèmes socio-sanitaires des militaires pour nous éviter ce genre de situation. C’est l’occasion aussi de faire un bilan, d’en tirer les enseignements afin de dégager les axes d’efforts futurs potentiels de risques d’instabilité liés aux crises socio-politiques.

On se rappelle du thème du 44e anniversaire des Forces armées 2004 qui était : "Coopération entre les forces de défense et de sécurité pour le renforcement de l’Etat de droit ", c’était la preuve que notre armée est décidée à transcender les périodes sombres de son histoire pour constituer une armée républicaine au service de l’Etat de droit. L’Etat-major à ce 44e anniversaire a associé les corps paramilitaires : la douane, la police, les eaux et forêts et la garde de sécurité pénitentiaire. Cela démontrait un esprit d’ouverture, d’acceptation de l’autre pour se donner la main pour les combats futurs.

Que cela ne soit pas un vain mot en ces périodes difficiles. Le mardi 26 décembre dans la salle de conférences du ministère de la Défense , a eu lieu une réunion de concertation entre les premiers responsables des ministères de la Défense et de la Sécurité. Cette rencontre a permis de faire un point de la situation sur les événements du 20 décembre et leurs conséquences.

Les deux ministères ont convenu de trouver les voies et les moyens pour cultiver des comportements responsables au sein de leurs personnels en vue de consolider la cohésion, la complémentarité et la nécessaire collaboration entre forces de défense et de sécurité.

Kibsa KARIM


Rectificatif

Dans notre édition de la semaine dernière - Hebdo n° 401 du 22 au 28 décembre 2006 - nous avons écrit dans notre éditorial que la rixe entre soldats et policiers était consécutive à "un banal contrôle de routine de papiers d’identité". Les lecteurs auront rectifié eux-mêmes, la rixe est intervenue après qu’un soldat ait été molesté par des policiers au stade municipal lors d’un concert. Le soldat molesté escaladait les barrières des tribunes pour avoir accès aux compartiments coûtant 1 000 F CFA alors qu’il n’avait pas un billet requis pour cela.

Toutes nos excuses aux fidèles lecteurs.

L’Hebdo

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