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Proliférations des caves à vin : Bons crus pour palais exercés

Publié le vendredi 29 décembre 2006 à 07h01min

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Les caves à vins ne se trouvent pas à tous les coins de rue et peuvent toujours être comptés sur le bout des doigts à Ouagadougou. Mais si l’on fait le parallèle sur leur inexistence il y a moins d’une dizaine d’année, il est aisé d’admettre que la présence de ces débits de boisson, au bord d’une voie, attire toujours la curiosité du passant.

En cette veille de St-Sylvestre, l’affluence y est des plus particulières. Et une visite dans cet univers de commerce de produit de luxe que l’on a souvent tendance à ranger dans la catégorie des clubs privés, est bien instructive. Les caves à vins sont-elles donc des endroits pour buveurs tartampions ou consommateurs friqués ? Un bout de réponse à cette épineuse question pourrait se trouver dans le reportage suivant.

« PARADIS DES VINS ». Sur la célèbre avenue Kwame NKrumah de Ouagadougou, cette enseigne ne peut passer inaperçue, surtout la nuit. Elle est une preuve évidente d’un phénomène nouveau dans nos grandes villes : la prolifération des caves à vins. En effet, il y a quelques années de cela, le potentiel acheteur de boisson, pour un événement quelconque, se dirigerait naturellement vers les caves classiques ou le supermarché du coin.

En plus, il ne viendrait à l’idée d’aucun buveur dont la gorge est asséchée de se demander où se trouve la cave à vins la plus proche pour une dégustation. Il n’en existe même pas et la buvette d’à côté fait toujours l’affaire. Aujourd’hui, une autre possibilité s’offre à tous ces messieurs et dames. Se présenter dans un endroit plus convivial, avec la possibilité de s’offrir le luxe de déguster différentes sortes de crus, aussi fameux les uns que les autres.

Parmi les pionniers qui se sont jetés dans cette nouvelle activité commerciale, figurent en bonne place Ernest Ki, Béli Biyen et Bernard Zaradzki. Leur point commun, la passion du vin, ce produit à base de raisins fermentés. A les écouter, l’activité qu’ils mènent n’a pas un but purement lucratif. Ils y mettent aussi de la passion et trouvent du plaisir, ingrédients nécessaires pour y prospérer. Beli Biyen, propriétaire du « Paradis des vins » est tombé dans l’univers de la distribution des boissons quand il était étudiant dans l’ex-Union Soviétique des années 80.

Titulaire d’un doctorat en économie, il s’est d’abord fait la main dans un important groupe, Pernod-Ricard, du temps où il vivait dans le pays de Lénine, avant de s’installer pour son propre compte en Ukraine (structure toujours fonctionnelle) et aujourd’hui, dans son pays natal. Par conséquent, il s’y connaît en viticulture, notamment tous les centres viticoles de France qu’il maîtrise à merveille. Celui qui est par ailleurs Consul du Burkina en Ukraine a ouvert la cave dénommée « Paradis des vins » à Ouagadougou surtout que les nationaux exerçant dans le domaine étaient très peu nombreux. « J’ai donc décidé de monter la même affaire qu’en Ukraine ».

Bernard Zaradzki qui est fondateur d’une cave à vins sise au quartier Petit Paris, explique que son objectif initial était de promouvoir et défendre les produits du Rhône, sa région d’origine. Imprimeur de profession, il s’y est pris par petites touches. « J’ai commencé il y a 10 ans à ramener des bouteilles de ma province natale. Les voisins et amis ont commencé à apprécier et le cercle des personnes intéressées s’agrandissait. Plus tard, je me suis intéressé au fur et à mesure aux les produits d’autres régions de la France.

Et à un certain moment, j’ai pensé : pourquoi ne pas ouvrir une cave pour mon plus grand plaisir et pour rendre service ? C’est ainsi que la Cave de Petit Paris est née. Cette année, nous sommes à notre 3è Noël ». Pour Ernest Ki, initiateur de « La Grande Cave », située face au mur nord du Cimetière municipal, il y a aussi la passion dans le nouveau business qu’il a embrassé.

Mais également dans le souci d’étendre ses activités commerciales qui l’ont guidé. Propriétaire d’une alimentation au secteur 13, quartier Zogona, où il y a un rayon boisson, il a décidé de construire une infrastructure qui se prête mieux à la vente des liqueurs et des vins. « La Grande cave est donc une filiale de l’Alimentation », a-t-il fait remarquer. Comme avantages, il a énuméré la qualité de conservation dans la cave et la diversité des produits qui y sont exposés.

Qualité de service. Soit ! Mais dans ces genres de lieux, l’on ne peut pas dire que les clients se bousculent au portillon. Même s’il faut reconnaître que de plus en plus de Burkinabè se mettent au vin. Surtout pendant les fêtes, la mode semble être à ce nectar et le cercle des amateurs semble progressivement s’agrandir au pays des hommes intègres. Pourtant il y a toujours un « mais ». De nos jours, beaucoup hésitent encore à franchir la porte d’une cave à vin.

Déjà que les buveurs lambdas se plaignent de la cherté de la bière, d’aucuns penseraient qu’il serait hasardeux d’inviter du monde dans un endroit où l’on vend du champagne. Pour la plupart des gérants cependant, c’est une conclusion trop hâtive. Ecoutons le propriétaire du « Paradis des vins » : « Beaucoup croient que ce sont des endroits chers. Ce n’est pas vrai ! Parce qu’ici, nous avons de très bons vins à moins de 1.500 francs ». C’est un peu le même avis que partagent les autres gérants de caves.

Même si, à la décharge des consommateurs, il faut tout de même reconnaître que quand on ne se déplace pas pour avoir la bonne information, il y a de quoi être découragé par les coûts de certaines bouteilles qui font souvent les choux gras de certaines causeries. 200.000, 700.000, 1 millions voire 4 millions. Et parmi ces marques les plus chères, on peut citer les marques « Petrus », « Châteaux Latour » et autres « Cheval blanc ».

Mais pour les propriétaires de caves, ces chiffres, qui paraissent certes astronomiques pour 75 cl de liquide, ne devraient pas être des repoussoirs pour les éventuels clients qui sont tenté d’y aller. D’ailleurs, ils ont tenu à préciser que ce sont des bouteilles qui intéressent plutôt les collectionneurs, pas les amateurs de vin de tous les jours. Et le patron du Paradis des vins de se demander.

« Pensez-vous que quelqu’un va payer une bouteille à 500.000 francs CFA au Burkina Faso pour la boire ? Ceux qui achètent ce genre de produits le font surtout pour les mettre dans leur cave, espérant les revendre à d’autres qui veulent enrichir leur collection ? ». Et d’ajouter que c’est souvent pour le prestige de la maison que l’on expose ces genres de bouteilles. Et Bernard Zaradzki, le propriétaire de la Cave de Petit Paris d’enfoncer le clou en faisant remarquer que dans nos pays où tout est prioritaire, ce genre de consommation friserait même l’indécence.

« Qui peut regarder un Ouagalais en face pour lui dire : moi je bois à table un vin de 1 million. Personnellement je ne pourrai le faire qu’en baissant les yeux parce que j’aurai honte ». Alors, peut-on donc dire que l’habituel consommateur de boisson alcoolisée ou de sucrerie (il y a aussi des vins non alcoolisés) sera-t-il le bienvenu dans les caves à vins ? Le mot « Oui » est la conclusion à laquelle semble aboutir nos différents interlocuteurs.

Eux qui affirment d’ailleurs recevoir une large catégorie de client, même si le gros du lot se recrute tout de même dans la couche la plus aisée de la population. Comme du côté de Petit Paris où l’un de leurs grands fidèles est l’ancien ministre et général à la retraite, Marc Garango, pour qui le maître des lieux semble vouer une grande estime. « Je ne veux pas nommer d’autres personnes mais, lui, je le cite parce que je sais que ça ne le dérangera absolument pas. C’est un grand notable qui est parti à la retraite.

Il n’a donc pas à baisser les yeux devant personne. Nous avons à chaque fois du plaisir à le recevoir parce qu’il est devenu un ami ». Cerise sur le gâteau, dans la plupart des endroits visités, il est également possible de faire de la dégustation sur place. Des espaces spécialement aménagés pour la circonstance attendent les clients. Visiblement, l’accueil y est des plus chaleureux, comparativement à celui de bien des débits de boissons habituels.

Faisant marrer ses employés, un des propriétaires fera remarquer que « Vous êtes si bien accueilli que la seule chose est qu’on ne vous fait pas c’est l’amour ». Une bonne invite donc pour ceux qui sont déçu de l’ambiance de nos chers vieux lieux de plaisance, les « maquis ». Les amateurs de nouvelles sensations peuvent commencer à fréquenter les caves à vins.

Etant dit qu’il y a des bouteilles qui tournent autour de 1000 et 1500 francs CFA, peut-être que le nouveau visiteur ne perdra pas beaucoup de plume. Au contraire ! Avec le temps, à défaut d’être un parfait œnologue, il aura un palais bien exercé aux saveurs de ce breuvage qui a inspiré bien des poètes. Ne dit-on pas aussi que le vin consommé avec modération donne la santé ? Cependant un conseil : Si le visiteur s’y est en galante compagnie, qu’il touche surtout du bois pour que sa tendre moitié ne l’amène vers le rayon des bouteilles qui coûtent les yeux de la tête.

Issa K. Barry

Alain St Robespierre

1. Le Paradis des Vins sur l’avenue Kwame Nkrumah
2. La Cave du Petit Paris, inaugurée il y a de cela trois ans
3. Pour vous offrir cette bouteille de vin, il vous en coûtera 450325 francs CFA

Observateur Paalga

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