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"Que Tévoèdjré mange moins chez Gbagbo"

Publié le mercredi 5 novembre 2003 à 17h26min

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A la date du vendredi 31 octobre 2003, Doumbia Soumaïla alias Major, et Drigané Faya, respectivement porte-parole des sections Europe et Belgique du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) et MPCI/Belgique venaient de boucler une tournée de deux semaines dans des pays de la sous-région (Togo, Ghana, Sénégal, Burkina Faso).

Ce vendredi autour de 21 heures, nous les avons épinglés à l’aéroport international de Ouagadougou peu avant leur départ. Un entretien réalisé au pas de charge.

Vous êtes aujourd’hui exilés en France et en Belgique, pouvons-nous connaître vos péripéties avant ces départs forcés ?

Doumbia Soumaïla alias Major : Nous avions reçu des menaces diverses, même de mort parce que nous refusions les schémas de certains hommes politiques. Nous avions surtout refusé de cautionner une illégimité politique sur une base tribale. Le régime en place en Côte d’Ivoire est né d’une mascarade électorale après le coup d’Etat de 1999 du général Robert Guéi, faute d’ailleurs de ce dernier qui n’a pas imposé des conditions d’élections transparentes avec la participation de tous les candidats ; et cela en intelligence avec Laurent Gbagbo puisque son parti, le Front populaire ivoirien (FPI), sera finalement le seul à rester au gouvernement après le retrait de tous les autres.

Un journal comme Notre Voie avait incité Robert Guéi à nous éliminer physiquement. Le jour du référendum sur la Constitution, j’étais détenu au commandement supérieur de la gendarmerie au plateau et ensuite, j’ai été conduit à l’école de gendarmerie où j’ai été battu et l’on m’avait demandé d’avouer un complot contre le général Guéi avec la caution d’Alassane Dramane Ouattara. Voyez-vous, nous avons pu nous tirer de tout cela en passant par le Ghana, le Mali et rejoindre la Belgique, laissant Guéi toujours en quête d’une onction populaire pour son coup d’Etat militaro-politique.

Dans quel cadre êtes-vous à Ouagadougou et qui avez-vous rencontré ?

• Nous sommes allés expliquer à nos différents interlocuteurs notre position actuelle à savoir d’une part la situation de rébellion et d’autre part, notre retrait du gouvernement. Il s’agit d’une situation délicate qui mérite des explications auprès de certaines personnes, car nous exigeons une définition claire des règles du jeu. Les Accords de Marcoussis sont un contrat social pour la Côte d’Ivoire et Laurent Gbagbo est la personne qui bloque leur application. Donc il a été question d’une sortie pédagogique d’autant plus que nous sommes devant un schéma avec trois protagonistes : les Forces nouvelles, Laurent Gbagbo et l’opinion internationale.

Nous avons été entendus par nos hôtes, à qui nous avons réaffirmé notre position ; celle qui exige une alternance responsable, qui respecte les intérêts de tous les partenaires de la Côte d’Ivoire et de tous ceux qui y vivent. Voyez-vous, l’assassinat de Jean Hélène, que nous regrettons tous, est une illustration parfaite de ce que nous dénonçons. Ce correspondant de RFI a été tué pour avoir informé le monde entier de l’arrestation de militants du RDR et il paya pour cela quand il voulut suivre leur remise en liberté. Laurent Gbabgo n’est pas une garantie pour la paix et il utilise la négociation comme stratégie à côté d’un nationalisme qu’il prône par repli identitaire...

Ne craignez-vous pas qu’à terme votre retrait du gouvernement ne se retourne contre vous ?

• Les Accords de Marcoussis restent le référentiel substanciel pour nous. Or ils sont vidés de leur substance et notre décision est une question de bon sens. Il n’est plus question de négocier le principe cardinal de ces accords, celui d’une véritable réconciliation nationale. On peut plutôt s’entendre sur les modalités de leur application. Depuis quand avez-vous vu un ministre qui ne peut choisir ses collaborateurs ? Même en Europe où nous vivons, avec des gouvernements de cohabitation, on n’a jamais vu cela. Malheureusement pour M. Gbagbo il a en face de lui des gens prêts psychologiquement, militairement et politiquement à toutes les éventualités.

Le président de l’Assemblée nationale Mamadou Koulibaly a dit récemment que les Accords de Marcoussis étaient le problème et non la solution de sortie de crise. Quel jugement faites-vous de ces propos ?

• Quand dans une société les choses ne marchent plus, on doit aller à la négociation pour une vie commune harmonieuse. La Côte d’Ivoire appartient à tous ses fils sans exclusive. Alors, que ce monsieur choisisse l’alternative qui lui plaît, qu’il prenne une kalachnikov et aille à l’affrontement très courageusement parce que c’est cela qu’il veut. Par ailleurs, j’ajoute que pour les élections présidentielles de 2005, nous n’accepterons jamais des listes établies par Gbagbo. Nous les établirons consensuellement et les Accords de Marcoussis prévoient des listes conçues avec tous les acteurs de la scène politique ; en outre, il ne sera aucunement question d’un désarmement des rebelles seulement. Nous désarmerons tous ensemble et une nouvelle armée verra le jour.

Le premier ministre Seydou Diarra peut-il continuer sa mission selon vous ? Et quel jugement portez-vous sur la personne d’Albert Tévoèdjrè, le président du Comité de suivi desdits accords ?

• Notre problème n’est pas tant de savoir si M. Seydou Diarra est à même de remplir sa noble mission. Du reste les Accords de Marcoussis ont bien précisé ses pouvoirs, son rôle à la tête du gouvernement qu’il dirige. Quant à M. Albert Tévoèdjrè, nous lui demandons de manger moins chez M. Gbabgo, avec qui il a lié une certaine amitié. Nous n’avons pas confiance en lui et attendons toujours de le juger à l’action pour la mise en œuvre des Accords de Marcoussis. Il devra reconnaître son rôle et ne pas être une entité exécutive ; ce qui n’est pas son statut. C’est un brillant intellectuel et nous espérons qu’il ira dans le sens desdits Accords.

Entretien réalisé
par Philippe Bama
L’Observateur

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