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Alain Traoré (« Doing business better in Burkina ») : « La lutte contre la pauvreté passe également par l’amélioration de l’environnement des affaires »

Publié le jeudi 28 décembre 2006 à 07h12min

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Alain Traoré

Alain Traoré est le directeur du programme « Doing business better in Burkina », un projet qui entend aider à l’amélioration de l’environnement des affaires au Burkina. Tout en expliquant pourquoi le pays des hommes intègres gagnerait à améliorer son environnement des affaires, M. Traoré indique dans cet entretien, comment les différents pays sont classés selon la Banque mondiale et les mécanismes de mise en œuvre de son programme.

Sidwaya (S) : Qu’est-ce que le programme « Doing business better in Burkina Faso » et quels en sont les objectifs ?

Alain Traoré (A.T) : Le programme « Doing business better in Burkina Faso » est un projet d’assistance technique initié à la demande du gouvernement burkinabè par la Société financière internationale (SFI), qui est une filiale du groupe de la Banque mondiale. Il a pour objectif d’aider les autorités du Burkina Faso à mettre en œuvre l’ensemble des réformes indispensables à l’amélioration du climat des affaires. Ces réformes vont essentiellement porter sur le cadre réglementaire et institutionnel.

Un exemple simple, quand vous voulez créer une entreprise, il vous faut accomplir des démarches. Ainsi, le programme « Doing business » va examiner ces démarches et recommander au gouvernement les mesures idoines à prendre pour que ces procédures se fassent beaucoup plus rapidement et à un coût raisonnable. En un mot, à travers ce programme, nous travaillons à la levée des barrières administratives multiples et inutiles.

S. : Donnez-nous l’état de l’environnement des affaires au Burkina Faso ?

A. T. : De façon générale, du point de vue macroéconomique et socio-politique, on note une certaine stabilité favorable à la pratique des affaires. En revanche, le tableau paraît moins rose si l’on se situe strictement du point de vue réglementaire et institutionnel où l’on relève des lourdeurs administratives. L’on s’est rendu compte que ce qui a été fait jusqu’à présent pour remédier à ces lourdeurs est appréciable, mais que cela n’est pas suffisant.

Au regard de la concurrence observée au plan sous-régional, régional et mondial et étant donné que de plus en plus, ce sont les pays qui vont fournir des efforts pour améliorer leur environnement des affaires qui vont bénéficier des financements et des investissements, aucun Etat ne peut rester inactif ! Cette situation a amené le gouvernement burkinabè à entamer des réformes depuis plusieurs années et le programme « Doing business better in Burkina Faso » va contribuer à donner un coup d’accélérateur à ces réformes.

S. : Le Burkina Faso est-il cité parmi les meilleurs pays africains du point de vue de l’environnement des affaires ?

A.T. : Comme je vous le disais tout à l’heure, de manière générale, si du point de vue macroéconomique et socio-politique, on observe une certaine stabilité favorable à la pratique des affaires, les choses semblent moins roses du point de vue réglementaire et institutionnel. Or, le rapport « Doing Business » est établi sur la seule base du contenu des textes et de l’organisation institutionnelle. Ceci ne milite évidemment pas en faveur d’un bon classement du Burkina dans ledit rapport. Mais lorsque la Banque Mondiale procède ainsi en « sortant » les textes de leur milieu, de leur environnement, pour les juger de façon intrinsèque, elle vise un objectif précis, celui d’amener les Etats à réformer leur cadre réglementaire et institutionnel.

S. : Voulez-vous dire que les rapports de la Banque mondiale ne sont pas réalistes ?

A.T. : Non ! Pas du tout ! Encore une fois de plus, l’objectif de la Banque étant d’amener les Etats à réformer leurs textes, on ne juge alors que les seuls textes !

S. : Quelles sont les stratégies élaborées pour la mise en œuvre du programme « Doing business better in Burkina Faso »

A.T. : Notre stratégie est relativement simple. Elle n’est pas très spéciale. Dans chacun des cinq domaines sur lesquels le programme travaille, nous allons nous associer les services de consultants et d’experts du Foreign Investment Advisory Services (FIAS) du Groupe de la Banque mondiale et au besoin, les services de consultants locaux. Nous allons travailler avec ces différents experts pour, avant tout, identifier l’ensemble des contraintes et des difficultés qui se posent.

Une fois que ces contraintes auront été identifiées, nous proposerons des solutions en second lieu. Ces solutions seront discutées, en troisième lieu, de manière partenariale, car nous ne sommes pas là pour imposer des solutions. Nous conseillons, mais nous tenons à ce que toutes les parties prenantes, le gouvernement et le secteur privé, participent au processus de recherche de solutions. Une fois que nous convenons des solutions, nous passons à la dernière phase, qui est celle de la mise en œuvre.

S. : Déclinez-nous les cinq domaines d’intervention du programme ?

A.T. : Ces cinq domaines concernent la création d’entreprises, l’enregistrement et le transfert de propriété, la réglementation du travail, la liquidation des entreprises et le règlement des litiges commerciaux. Voilà les cinq aspects que le programme est censé traiter. Il n’est pas exclu que par la suite, nous intervenions sur d’autres aspects du climat des affaires au Burkina Faso. Cela pourrait concerner par exemple la fiscalité ou l’accès au crédit.

En attendant, il est important de souligner que depuis le démarrage des activités du programme, nous nous sommes intéressés particulièrement à la question de l’enregistrement et du transfert de propriété qui fait d’ailleurs en ce moment l’actualité avec l’opération spéciale de délivrance de titres fonciers organisée par le gouvernement. Nous avons également saisi cette opportunité pour examiner les procédures de délivrance des permis de construire. Nos recommandations sur l’ensemble de ces questions font en ce moment l’objet d’échanges avec les représentants du gouvernement. Elles feront l’objet d’un atelier de validation dans les prochains jours.

S. : « Doing business better in Burkina Faso » dispose-t-il de moyens humains qualifiés pour son exécution ?

A.T. : Oui ! Si vous prenez par exemple l’unité de gestion du programme, elle est composée d’experts. C’est-à-dire qu’en dehors de moi-même qui suis juriste, je suis assisté par deux autres cadres, à savoir un économiste et un autre juriste. Notre recrutement a tenu compte de plusieurs critères, dont la pertinence de notre formation de base et de notre expérience professionnelle. En effet, nous travaillions tous déjà depuis plusieurs années avant de rejoindre le programme.

Il faut par ailleurs relevé que nous seront assistés par les experts internationaux du Foreign Investment Advisory Services (FIAS) du Groupe de la Banque mondiale qui ont déjà travaillé un peu partout à travers le monde, notamment en Amérique latine et dans les pays de l’Est. Ce sont des experts qui connaissent les meilleures pratiques au monde en matière d’amélioration de l’environnement des affaires. A côté de cela, il a été mis en place, avec le gouvernement, un comité de suivi des activités.

Dans ce comité, vous avez les représentants du gouvernement (le premier ministère plus cinq autres départements ministériels), des représentants du secteur privé et ceux de l’unité de gestion. Ce sont toutes des personnes-ressources qui sont là et qui sont censées apporter leur concours à l’action du programme. En principe, avec toutes ces qualifications, je reste persuadé que nous aboutirons à des résultats satisfaisants.

S. : Et le côté financier ?

A.T. : Du côté financier, il ne pose aucun problème. Le programme existe grâce à l’appui financier de la coopération suisse connue sous le non de SECO qui a mis à la disposition de la Société financière internationale, une somme d’environ un milliard de FCFA pour l’exécution du programme. Je profite de l’opportunité que vous m’offrez pour leur dire merci pour leur aide dans le cadre de ce programme et pour tous les autres programmes de la Société Financière Internationale qu’ils financent.

S. : Existe-t-il un système pour l’évaluation du programme afin d’assurer sa survie ?

A.T. : Absolument, ce système existe ! Ce système d’évaluation tient compte des mécanismes d’évaluation internes à la Banque mondiale. Ces mécanismes vont nous permettre de suivre, année par année, l’impact du travail que nous accomplissons. Le rapport de « Doing business » est établi sur la base de dix indicateurs. Nous, nous travaillons sur cinq d’entre eux et sur chacun de ces indicateurs, un classement annuel par pays est effectué ! Ainsi, au fur et à mesure que nous évoluerons, nous verrons comment le Burkina Faso progresse dans ce classement, indicateur par indicateur.

Un autre mécanisme d’évaluation qui consiste à suivre certaines statistiques est également prévu. Prenons l’exemple de la création des entreprises. Notre programme est censé faciliter la création d’entreprises. Ce qui veut dire que si nous travaillons bien, cela devrait logiquement conduire, par rapport aux statistiques connues avant le début du programme, à une augmentation du nombre d’entreprises enregistrées.

Par ailleurs, à la fin du programme, il est prévu une enquête auprès de nos différents partenaires dans le but entre autres de chercher à savoir si le programme a été bien conduit, si le personnel a été efficace et si les gens sont satisfaits.

S. : Quels sont les enjeux de l’amélioration du climat des affaires au Burkina Faso ?

A.T. : L’enjeu fondamental de l’amélioration du climat des affaires au Burkina Faso est la lutte contre la pauvreté. Si l’environnement des affaires est favorable, cela facilitera la pratique des affaires et si vous facilitez la pratique des affaires, logiquement, cela devrait entraîner un développement de l’activité commerciale et économique. Et si les entreprises prospèrent, elles vont recruter, réduisant ainsi le chômage et distribuant également des revenus. En plus, l’Etat, lui-même, va recouvrer plus de recettes fiscales. Et les recettes fiscales seront réinjectées dans les secteurs sociaux, d’où la lutte contre la pauvreté !

S. : Croyez-vous à la lutte contre la pauvreté, vu le nombre croissant des pauvres et l’écart entre ceux-ci et les riches ?

A.T. : Effectivement, il semble que les dernières statistiques indiquent qu’un écart existe de plus en plus entre riches et pauvres. Je pense que cela veut dire qu’on n’a pas encore trouvé la solution idéale et qu’il faut continuer dans la recherche de solutions. Ce n’est pas un phénomène propre au Burkina Faso. C’est un peu partout pareil dans le monde sauf dans les pays comme la Chine où le taux de croissance est relativement élevé, on parle d’environ 10% l’an.

Du point de vue macroéconomique, le Burkina Faso se porte relativement bien. Je crois que nous avons enregistré régulièrement depuis quelques années, au moins 5% de croissance, mais tout le monde est unanime à reconnaître que cela ne suffit pas. Il faut encore plus pour parvenir à lutter efficacement contre la pauvreté. Ainsi, il faut plus d’efforts pour que la croissance soit beaucoup plus forte, notamment qu’elle soit à deux chiffres comme en Chine !

Parmi ces efforts, l’on ne doit pas perdre de vue l’aspect amélioration du climat des affaires ! Il est vrai que l’un des problèmes qui existent au Burkina Faso, c’est que la croissance est sujette aux aléas climatiques. Si vous avez une année où il ne pleut pas bien, vous verrez qu’il y a des chances que la croissance baisse au Burkina Faso. Ceci est moins évident dans d’autres pays ! Prenez un Etat comme le Soudan où il y a du pétrole, c’est différent, même si le pays connaît des conditions climatiques difficiles.

S. : Quels sont les critères de performance pour l’aide au développement (exemple de IDA, MCA) ?

A.T. : Je ne saurais vous dire de manière précise quels sont ces critères tellement ils diffèrent d’une institution à une autre et même souvent d’une année à une autre. Mais tout ce que je sais, c’est que de plus en plus, l’environnement des affaires devient un des critères de performance de l’aide au développement.
Le Millenium Challenge Account (MCA), pour aider le Burkina Faso, va mesurer les efforts accomplis par le gouvernement en matière d’amélioration du climat des affaires. Cela ne se limite pas au MCA ; de plus en plus, tous les partenaires au développement prennent en considération ce facteur parce qu’ils se disent que si l’environnement des affaires est favorable, les entreprises vont prospérer.

S. : Quel est l’objectif général de la publication du rapport « Doing business » publié chaque année depuis 2004 ?

A.T. : Premièrement, c’est pour attirer l’attention des différents pays dans le monde sur l’enjeu de l’amélioration de l’environnement des affaires dans les politiques de croissance économique. La Banque mondiale a pour objectif principal la lutte contre la pauvreté et l’un des moyens pour y parvenir, c’est d’amener les différents Etats au Monde à améliorer leur environnement des affaires.

Deuxièmement, cela vise à instaurer une compétition entre les Etats pour stimuler les efforts de réforme. Si l’on dit d’un Etat qu’il est dernier, du point de vue de l’environnement des affaires, il est évident que cela ne fait pas plaisir ! Cet Etat sera conduit à trouver les voies et les moyens pour améliorer son classement.

S. : Pendant combien de temps, le programme sera-t-il en exécution au Burkina Faso ?

A.T. : Le programme a officiellement commencé ses activités en mars 2006. Il s’étalera sur 30 mois, et est donc censés parvenir à son terme, normalement en septembre 2008.

S. : Avez-vous prévu la pérennisation des acquis du programme quand il parviendra à terme ?

A.T. : Evidemment, nous pensons pérenniser les acquis du programme. D’abord, à travers les réformes qui seront conduites qui devront être profondes et durables. Vous savez par ailleurs que le gouvernement et le secteur privé sont fortement impliqués dans l’exécution de ce programme à travers notamment le comité de suivi des activités. Nous allons travailler de manière intense avec ces différents représentants de sorte que même après le programme, la dynamique créée demeure. En tout état de cause, il ne faut pas oublier que le rapport « Doing business » a encore de beaux jours devant lui. Et tant qu’il sera publié, les Etats ne pourront pas rester indifférents ! J’invite donc les partenaires du secteur privé et du public à se mobiliser pour soutenir le programme. N’oublions pas que « La bataille de la lutte contre la pauvreté passe également par l’amélioration de l’environnement des affaires au Burkina !’’

Ali TRAORE

Sidwaya

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