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Célestin Tiendrebéogo à ses détracteurs : quand on est médiocre, on n’est pas leader !

Publié le mardi 26 décembre 2006 à 08h36min

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Célestin Tiendrébéogo

Le directeur général de la Société des fibres et textiles (Sofitex), Célestin Tiendrebéogo et les représentants du pool bancaire international ont signé le 20 décembre 2006 à l’ambassade du Burkina à Paris une convention de financement des intrants de la campagne 2006-2007 d’un montant de 15 milliards de F CFA au taux d’intérêt de 6%.

En attendant de signer début février 2007 à Bobo Dioulasso, une autre convention dont l’objet est l’achat et l’égrenage du coton graine, le directeur général de la Sofitex explique les enjeux de ce partenariat avec les organismes financiers nationaux et internationaux.

Lefaso.net : Vous venez de signer la convention de financement « Sofitex 15 » avec le pool bancaire international. Manifestement, la confiance règne entre les deux partenaires...

Célestin Tiendrebéogo (C.T) : On peut le dire ! Je pense que c’est vraiment une confiance renouvelée des membres du pool extérieur que de permettre la signature d’une telle convention qui a été rendue possible grâce aux mesures prises ces dernières semaines au sein de la filière.

Vous savez que les actionnaires ont procédé à la recapitalisation de la Sofitex le 7 novembre dernier en faisant passer le capital de 4,4 milliards de F CFA à 38,8 milliards, ce qui fait une augmentation de 34,4 milliards de F CFA. C’était d’ailleurs une recommandation faite par le pool extérieur et le pool intérieur face à l’assèchement des fonds propres de la société, conséquence de la crise des trois années consécutives à la chute du cours du coton sur le marché international.

De ce point de vue, je crois que nous avons satisfait à ce critère. Nous avons également mis en œuvre un « fond de lissage » pour les éventuels déficits des campagnes à venir, ce qui devrait sécuriser plus ou moins la filière. Avec des perspectives aussi claires que cela, les banques peuvent intervenir pour financer les activités de la Sofitex en toute confiance.

Les partenaires financiers de la SOFITEX

Dans le cadre de la présente convention, il s’agit de 15 milliards de F CFA, un montant que nous avons volontairement réduit car nous avons signé il y a deux mois une autre convention avec la Banque islamique de développement (BID) d’un montant de 17 milliards de F CFA afin de financer les mêmes intrants. C’est la raison pour laquelle le montant de « Sofitex 15 » a diminué comparativement au passé qui s’élevait parfois jusqu’à 25 milliards.

Pouvez-vous expliquer ce qu’est le « fond de lissage » et son mécanisme de fonctionnement ?

C.T : Il y avait un fond de soutien que nous avons remplacé par ce que nous appelons le « fond de lissage ». Concrètement le fond est comme un grenier qui fonctionne de la manière suivante : pendant les années fastes, le grenier va recevoir une contribution de la filière du point de vue des résultats bénéficiaires et une partie des excédents ira au « fond de lissage » destinée à sécuriser les sociétés cantonnières en cas de déficit. Il y a un fond national qui servira à couvrir une chute des prix de la fibre jusqu’à 600 F CFA le Kg et un fond régional qui agira si le prix du coton passe sous la barre de 600 F CFA le kg.

Dans ce cas, il faut que la communauté internationale intervienne financièrement car tout seul, aucun Etat ne peut faire face à une telle situation. Les bailleurs de fonds vont d’ailleurs se réunir en mars 2006 sous l’égide de l’Agence française de développement (AFD) pour définir l’enveloppe nécessaire à ce fond de lissage. Je peux affirmer que cette idée rencontre l’assentiment de plusieurs bailleurs de fonds et il ne reste maintenant qu’à fixer le montant de la contribution des uns et des autres.

Il est aussi question de diversification de production de la Sofitex. De quoi s’agit-il exactement ?

Au cours de notre dernière assemblée générale, une note du Conseil d’administration de la Sofitex a recommandé d’aller vers une diversification de production. Il s’agit de casser la logique du tout coton pour explorer d’autres alternatives, telles que la culture du soja ou du tournesol, l’objectif étant de sécuriser les revenus des producteurs. Si par exemple le cours du coton baisse alors que dans le même temps celui du tournesol ou du soja est à un bon niveau, cela permettra aux producteurs de préserver leurs revenus.

Les pays africains se contentent pour l’instant de fournir du coton brut sur le marché international. Envisagent t-ils dans un avenir proche une politique de transformation d’une partie substantielle de leurs productions ?

Il y a une initiative dans le cadre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), en concertation avec la Banque ouest-africaine de développement (Boad) visant à transformer au moins 15% du coton à l’horizon 2025. La transformation relève aussi d’initiatives privés et il faut que nos privés puissent aussi investir dans ce secteur. Ce qui pose problème, c’est le coût élevé de l’énergie et la filature en consomme beaucoup car il faut de l’air conditionné dans toute l’usine. Ce qu’il faut, c’est une vraie politique d’interconnexions des sources d’énergie de plusieurs pays pour que la transformation devienne possible, sinon à l’heure actuelle, la transformation est très onéreuse.

La Chine grande consommatrice de matières premières. Le Burkina exporte t-il son coton en Chine populaire ?

Le Burkina est le 3e fournisseur de la Chine en coton derrière les Etats-Unis et l’Ouzbékistan. Les statiques chinoises l’ont confirmé en ce qui concerne l’exercice 2005. 60% de notre production était exporté en Chine populaire.

Pouvez-vous affirmer que l’utilisation des pesticides n’aura pas d’effets néfastes sur l’environnement ?

Je ne peux pas l’affirmer, mais l’essentiel est de tout faire pour limiter les effets sur l’environnement. Toute exercice de l’homme sur l’environnement entraîne des dégradations, et l’utilisation des engrais ou des insecticides contribue à la pollution de l’environnement. Présentement, nous conseillons l’utilisation de la dolomie qui neutralise le taux d’acidification des pesticides et autres molécules à rémanence courte. La durée de l’action de ces produits sur l’environnement ne dépasse pas 10 jours, raison pour laquelle les paysans sont maintenant obligés de traiter les plants toutes les deux semaines alors que dans le passé, ils le faisaient une seule fois pour la toute la campagne.

Nous avons abandonné ces produits parce qu’ils avaient trop d’effets sur l’environnement et sur la faune. Les produits actuels détruisent juste les insectes nuisibles au coton, mais pas les autres espèces. A terme, il faut aller vers les Organismes génétiquement modifiés (OGM) car ça nous permet d’utiliser moins d’insecticides dans l’espace. Je sais que la culture des OGM soulève d’autres débats, mais il est évident qu’ils nous permettent d’utiliser moins de pesticides.

Face à l’incertitude sur la santé et l’environnement, certains estiment qu’il faut suspendre, par précaution, la culture des OGM. Quel est votre avis sur le sujet ?

Même quand on produisait la voiture, on disait que ç’est mauvais. Tout ce qui est nouveau fait peur. Même les produits pharmaceutiques que nous utilisons, on les consomme sans vraiment connaître les effets sur l’homme. Il y a des produits qu’on retire de la circulation parce qu’on s’est rendu compte des effets néfastes sur l’homme, certains étant par exemple la cause de stérilité. Pour les OGM, c’est pareil.

Pour l’instant on n’a pas prouvé les effets néfastes sur la santé humaine et animale. Soit on est sûr des effets et on le dit, soit on en a pas et on ne doit pas trop se focaliser sur les hypothèses. Je comprends que dans les pays développés qui ont été confrontés à la vache folle, l’opinion soit très méfiante vis-à-vis des OGM. Je précise qu’au Burkina, il s’agit pour l’instant d’expérimentation dans les laboratoires et non une culture à grande échelle. C’est la 4e année que les testes sont effectués.

Récemment un Conseil d’administration (CA) extraordinaire a décidé de recapitaliser la Sofitex. Certains ont estimé que ce n’était pas la meilleure solution pour résoudre les difficultés que rencontre la société...

Les choses sont simples. Selon les règles de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) (NDLR : une institution internationale créée en 1993 et réunissant des Etats africains qui décidé de mettre en place un droit des affaires harmonisé), quand les fonds propres d’une société sont consommés, il faut les reconstituer. Pour nous, cela signifiait l’augmentation du capital. Ou bien, on trouve un donateur prêt à renflouer les caisses, ou bien c’est aux actionnaires d’agir.

Dans le mémorandum de politique économique et financière que le gouvernement a adressé au Fonds monétaire internationale (FMI) pour l’année 2005-2006, il est dit que les sociétés cotonnières relèvent en grande partie du secteur privé. Si ces sociétés rencontrent des difficultés, il appartient aux actionnaires des les résoudre. Concrètement, cela veut dire que l’Etat s’en lave les mains et qu’il ne fera rien pour renflouer la caisse. C’est donc aux actionnaires d’apporter de l’argent frais comme le recommande d’ailleurs l’Ohada.

Dans le cas d’espèce, nous avons appliqué la réglementation en vigueur même si certains n’ont pas la même appréciation que nous. Mais qu’elle était la solution ? Soyons sérieux ! Quand le feu passe au rouge, on s’arrête, et on repart quand c’est vert. Il y a des règles communes de gestion que nous appliquons. C’est tout. C’est vrai que les fonds propres de la Sofitex sont entamés, mais elle reste l’une des plus grandes sociétés cotonnières du monde (production, égrenage) et comparée à d’autres, c’est la société aussi qui a le capital le plus bas avec 4 milliards.

La Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT) qui est comparable à la Sofitex, a un capital de 32 milliards et la Société cotonnière du Gourma (Socoma) qui ne produit que 70 000 tonnes de coton par an dispose d’un capital social de 6 milliards ! Avec notre production actuelle qui est de 700 000 tonnes, plaçant le Burkina en tête des pays africains producteurs d’or blanc, nous devrions avoir un capital de 60 milliards ! Malgré tout, nous avançons. Il y a 10 ans, nous n’avions que 7 usines, nous avons construit 11 depuis lors et 3 autres seront livrées d’ici fin 2007.

Les immobilisations ont donc augmenté avec le même capital. Il était question de son augmentation dans les années 98-99 comme le souhaitait la société française Dagris (Développement des agro-industries du Sud) mais nous avions estimé que ce n’était pas le moment car le gouvernement avait lancé le plan de libéralisation et cela aurait pu être perçu comme une remise en cause de ce schéma. Nous avons souhaité terminer avec le processus de libéralisation privatisation avant de recapitaliser pour avoir un capital à la hauteur de notre taille.

Mais la crise a précipité la recapitalisation. De toute façon, avec ou sans la crise, la recapitalisation était inévitable et je crois que les sociétés cotonnières au Burkina auraient été obligées de recapitaliser si elles veulent entreprendre des plans d’investissement. Pour ceux qui seraient tenté de penser que c’est la conséquence d’une mauvaise gestion, je leur dis simplement que la Sofitex est soumise à un audit annuel depuis 1993 par le cabinet Pricewaterhouse.

Et si les banques s’engagent aux côtés de la Sofitex, c’est parce qu’elle n’est mal gérée comme les mauvaises langues le laissent entendre et nous ne serions à la place qui est la notre. A nos détracteurs, je leur dis que quand on est médiocre, on est pas leader !

Propos recueillis à Paris par Joachim Vokouma
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