LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Décembre des protestations...

Publié le samedi 16 décembre 2006 à 09h05min

PARTAGER :                          

Cette année encore, le mois de décembre n’entend pas, semble-t-il, démentir son qualificatif de « mois de tous les dangers » qu’il traîne, malheureusement, depuis 1965. La semaine dernière, les scolaires ont embouché leurs désormais traditionnels sifflets pour appeler à une journée ‘’classes mortes’’, pour réclamer vérité et justice pour Flavien Nébié, un des leurs, tué par balles lors d’échauffourées avec les forces de l’ordre en décembre 2000 à Boussé.

Un mouvement bien suivi, et les enseignants n’avaient d’autre choix que de laisser les apprenants vaquer à leurs revendications...

La cohésion sociale reste un facteur déterminant dans la recherche de solutions pour le développement, et l’on se pose la question de savoir ici et maintenant où on en est. Chaque jour qui passe voit s’ajouter des questions à d’autres sur la vie chère. Ceux-là qu’on nomme « hommes d’affaires », eux-mêmes ne semblent guère épargnés, alors qu’on parle de politique de promotion de l’entreprise.

Peut-on réellement y être favorable et d’un autre côté décourager les ‘’entrepreneurs’’ en les inondant de taxes et autres ? Au Faso, il y en aurait suffisamment pour couvrir les ‘’besoins’’ de l’Etat, mais pas assez au vu des recouvrements pour raison de couverture financière insuffisante : la frilosité des banques à bourse délier est bien connue, quoi qu’il n’y ait aucun mérite pour une banque à prêter de l’argent à un client présentant des garanties dites ‘’sûres’’...

La microfinance fait petitement son chemin, à la satisfaction de certains clients, mais, sur le fond, des problèmes demeurent, ce que déplore l’organisation nationale des commerçants du Burkina, dont nombre d’adhérents évoluent dans le secteur informel. Cette organisation dénonce une mauvaise concurrence de la part d’opérateurs syro-libanais. Le Bénin voisin connaît le même problème avec les Chinois, et l’on y craint des conséquences explosives à plus ou moins long terme.

On n’aurait pas tellement été troublé par ce genre de questions si l’Administration faisait l’effort d’appliquer les textes dans leur plénitude. Hélas, beaucoup de citoyens se plaignent d’agents empressés lorsqu’il s’agit d’accueillir des célébrités, mais indolents ou fermés quand il s’agit de leur demander un service, si petit soit-il. Dans certains bureaux, on est bien accueilli selon l’habit ou l’étiquette politique... pour être dans l’air du temps...

Si pour certains cercles proches du pouvoir l’essentiel se situe à d’autres niveaux - vu qu’on ne saurait nier la stabilité ambiante du pays - certains contempteurs du régime estiment cependant que les mérites de la stabilité devraient être évaluées par rapport aux revendications multiples qu’on sait...

Une fois encore, et ce sera la huitième fois, décembre aura été fortement marqué par les manifestations commémoratives de la mort du journaliste Norbert Zongo. Depuis le 3 décembre, les ‘’femmes en noir’’ en ont donné le ton, en initiant une ‘’Quinzaine Norbert Zongo’’, qui prendra fin dans soixante-douze heures par une conférence de presse à la Maison des retraités Antoine-Nanga.

Le Collectif contre l’impunité redonne de la voix, à travers un document rappelant ses revendications et préoccupations. Le non-lieu prononcé dans l’affaire Norbert Zongo n’est guère du goût de celui-ci, et beaucoup pensent que la Justice a emprunté une voie où l’opinion ne pourra que difficilement la suivre.

Dans son texte, le Collectif souligne, entre autres : « Norbert a été assassiné, personne ne le conteste, ni le procureur général, ni le procureur du Faso, encore moins le juge Wenceslas lui-même. Mais personne ne l’a assassiné, tel est le résultat des investigations du juge Wenceslas, lesquelles ont duré sept longues années avec des moyens ad’ hoc importants tant du point de vue humain, matériel que financier (26 millions de francs cfa). »
Pour ne pas simplifier la lutte du Collectif, on se demande toujours où on en est avec cet accord de siège entre l’Union interafricaine des droits de l’Homme et le Burkina qui, comme chacun sait, dispose d’un ‘’ministère de la Promotion des droits humains’’...

On le voit, le non-lieu n’a pas fini de faire des vagues, et le Collectif réclame la réouverture de ce dossier qui semble, de plus en plus, plonger le pays dans une atmosphère délétère : les manifestations commémoratives du huitième anniversaire du drame de Sapouy entrent également dans le cadre de la ‘’lutte contre la vie chère, pour les libertés, la promotion des droits humains, la justice sociale et la consolidation de l’Etat de droit’’.

Programmées pour se dérouler sur toute l’étendue du territoire, les manifestations auront connu un certain succès dans les grands centres, notamment où les brassards noirs étaient bien visibles aux bras des partisans du Collectif qui entend poursuivre la lutte jusqu’à l’avènement de la vérité sur l’assassinat de Norbert Zongo et ses compagnons d’infortune.

Partagée, l’opinion semble l’être plus sur la forme que le fond de la lutte du Collectif : on parle de perturbations diverses, tout en condamnant sincèrement le drame. On s’aperçoit que les partisans de cette thèse, en n’exonérant personne, entendent éviter le genre de propos qui érigent plus de barrières qu’ils ne construisent de ponts. En effet, à en croire certains dires, la famille du disparu n’oublie pas et n’aurait pas encore pardonné...
Que va-t-il alors se passer ?

L’histoire ne s’arrête pas et, fatalistes, philosophes ou simplement Africains, il y a ceux-là qui affirment que mieux vaudrait s’en remettre aux lois naturelles, pensant comme ce sociologue français qui affirme que les ‘’lois naturelles sont plus fortes, quoique plus silencieuses, que les lois positives : elles n’avertissent pas le délinquant comme le fait le gendarme, mais quiconque transgresse leurs ordres, elles le détruisent peu à peu, et, lentement, l’entraînent vers sa ruine’’...

A. Pazoté

Journal du jeudi

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique