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Affaire Norbert Zongo : Débat télévisuel sur les « faits nouveaux » de Ménard

Publié le jeudi 14 décembre 2006 à 09h09min

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S’il y a une émission dans le paysage audio-visuel burkinabè qui ne se présente plus, c’est bien « Le débat » de la chaîne de télévision privée Canal 3. Rendez-vous hebdomadaire, cette émission de débats contradictoires entre journalistes et/ou personnalités de la société civile ou de partis politiques est diffusée samedi à 19h15 puis rediffusée dimanche à 13h30.

Le week-end du 28 au 29 octobre le thème retenu a été la réaction de RSF au non-lieu que la justice burkinabè a accordé à Marcel KAFANDO, dans le dossier de l’affaire Norbert ZONGO. Extraits de ce débat fort instructif .

Autour de la table :
- Issaka LINGANI, L’Opinion
- Chérif Sy, Bendré
- Jolivet Emmanüs SIDIBE, Sidwaya
- Yacouba OUEDRAOGO, Le Citoyen

L’Affaire Norbert ZONGO vient de connaître un nouveau rebondissement suite à la conférence de presse de Robert MENARD de Reporters sans frontières (RSF) tenue le vendredi 20 octobre dernier au Centre de presse Norbert ZONGO. Il a parlé de faits nouveaux dans ce dossier.
Y a t-il véritablement des éléments nouveaux dans cette affaire ? Je pose cette première question à M. Chérif SY, qui était même membre de la commission d’enquête indépendante mais qui n’est pas sur ce plateau à ce titre ; je tiens à le préciser.

Chérif SY (CS) : Je pense que Reporters sans frontières (RSF) est une organisation de défense de la liberté d’expression. A ce titre, c’est une organisation qui de par le monde se saisit de tout dossier où un journaliste est brimé, assassiné et où la liberté de la presse est malmenée. Je classe donc cette sortie de Robert MENARD à ce niveau en me disant que ça participe d’une campagne d’abord contre le silence par rapport à l’assassinat d’un journaliste, ensuite par rapport au non- lieu. Le secrétaire général de RSF l’a lui-même dit lors de son propos, que RSF considère ce non-lieu comme un déni de justice. La réaction de Robert MENARD nous permet aujourd’hui de parler du dossier Norbert ZONGO. Je pense donc que RSF a relancé le dossier.

M. LINGANI, quelle est votre réaction ?

Issaka LINGANI (IL) : Moi, je crois que c’est mon confrère l’Evènement qui a saisi la quintessence de cette affaire en parlant de machine de propagande pour faire savoir que la sortie de MENARD est un véritable coup médiatique. Je partage absolument ce point de vue. Maintenant sur le plan juridique ; quel est l’intérêt de cette opération. Quel impact réel peut-il y avoir sur le dossier ?
Ça se discute et je suis beaucoup plus réservé pour ne pas dire sceptique.

Par ailleurs il y a révélation dans révélation car il y a le contenu et il y a la forme. Sur la forme, les révélations qui ont été faites notamment selon lesquelles il y a eu omission au niveau de la CEI sont un aspect de la question aussi qui mérite attention. Sinon, je suis entièrement d’accord avec M. SY pour dire effectivement que c’est parce qu’il y a eu cet événement qu’aujourd’hui on en parle et que d’une manière ou d’une autre on reparle du dossier.

Monsieur SIDIBE, quel est votre sentiment par rapport à ce coup médiatique de RSF ?

Jolivet Emmanüs SIDIBE (J.E.S.) : On peut dire que l’objectif de RSF est en partie atteint puisqu’il a pu remettre encore sur la table la question d’un éventuel procès. D’une manière générale cette sortie a permis de rebondir.
Maintenant, comme mes prédécesseurs l’ont dit, est-ce que ce coup médiatique a eu un impact positif sur le dossier. C’est ça en fait la réflexion que suscite cette sortie de Robert MENARD.

RD : Alors M. Yacouba selon Robert MENARD, il y a deux versions du rapport de la CEI dont celle remise au Premier ministre aurait été édulcorée dans le souci du consensus. Est-ce que c’est le rapport remis au Premier ministre qui est un faux ou celui de Robert MENARD ? Sur le fond, est-ce que les éléments apportés par MENARD sont très importants ?

Yacouba OUEDRAOGO (Y.O. ) : D’abord sur la question du faux, je ne répondrais pas à la place des juristes. Je pense que c’est à eux d’évaluer si les éléments constitutifs d’une infraction sont réunis dans le cas d’espèce pour dire qu’il y a faux ou pas. Maintenant est-ce qu’il y a des éléments nouveaux ? Je crois que c’est beaucoup plus. Tel que j’ai cru comprendre le secrétaire général de Reporters sans frontières, c’est briser l’espèce de loi du silence qui pourrait survenir à la suite du non-lieu.

Tout élément qui pourrait contribuer à amener le procureur à décider d’une réouverture du dossier doit être pris en compte. C’est le procureur qui juge. Dans le cas d’espèce , il est le seul à juger. Est-ce que les éléments supposés nouveaux sont pertinents ou pas ? Donc Reporters sans frontières estime que ses éléments sont nouveaux, on ne peut pas dire a priori que c’est vrai ou faux. Il appartiendra à la justice de se prononcer là-dessus. Maintenant si RSF a estimé opportun aujourd’hui de mettre ces éléments dans le débat c’est qu’à son avis ça peut amener éventuellement le juge à reconsidérer autrement son analyse par rapport au précédent rapport en sa possession.

Monsieur LINGANI, parce que le rapport aurait été édulcoré pour obtenir un consensus n’aurait-il pas fallu tenir compte des PV d’auditions et autres rapports, ce qui n’aurait pas été le cas ?

I.L. : Je crois que ce n’est pas seulement le rapport de la commission d’enquête, le petit rapport que nous avons tous reçu, qui a été remis au juge d’instruction. C’est y compris les différents procès verbaux et rapports. Le juge d’instruction a donc hérité de tous les travaux qui ont été menés par la Commission d’enquête indépendante. Au total quelque 700 pages comme vous venez de le préciser.

Je pense également que la question des divergences au niveau des différentes versions est réellement secondaire puisque comme je l’ai dit dans ma première intervention, de toute évidence, il s’agit d’une opération visiblement médiatique. C’est un coup de propagande qui a été lancé pour faire reparler le sujet ; sinon le contenu qui a été donné comme les fameuses contradictions qui ont été relevées au niveau de François COMPAORE ou les ‘’mensonges’’ imputés à Oumarou KANAZOE sont connus et ne peuvent permettre honnêtement de faire croire que c’est Oumarou KANAZOE qui a donné l’ordre de tuer Norbert ZONGO, comme on le prétend.

De même, ce n’est pas parce qu’il y aurait eu des contradictions dans les déclarations de François COMPAORE dans l’Affaire David OUEDRAOGO qu’il aurait donné l’ordre d’aller tuer Norbert ZONGO. Ce sont des raccourcis tellement simples que je me dis qu’on n’ose pas nous présenter les faits sous cet angle. Je crois plutôt à l’aspect médiatique. Comme on le dit, le contenu en tant que tel n’a pas d’importance c’est le contenant, le tapage qui a été fait qui importe et on a vu son efficacité.

Au delà de tout ça nous avons tous suivi l’affaire depuis 1998, on sait que le collectif avait des organes plus ou moins officiels ; tels que « Trop- c’est trop », « Bory BANA » qui ont eu à dire des choses pires que ce que Robert MENARD est venu raconter. Ensuite il y a eu le rapport du Collectif lui-même et celui de RSF ; il y a eu aussi les différents journaux qui ont fait des enquêtes, etc .... Que n’a-t-on pas entendu ? Je suis donc d’accord avec le procureur que dans ce que RSF a dit il n’y a rien de nouveau. Je n’y vois absolument rien de nouveau.

D’ailleurs même y voir quelque chose de nouveau c’est faire injure, à mon sens, à la Commission d’enquête en disant qu’elle a camouflé la version originale du rapport. Pour quelle raison l’aurait-elle fait puisque ceux pour lesquels le rapport aurait été édulcoré n’ont pas signé. Moi je m’en tiens donc au contenant.

Monsieur SY, votre avis sur le contenu de ce rapport et les révélations semble t-il faites par MENARD ?

C.S. : Vraiment je ne sais pas quels sont les éléments vieillots pour qu’on parle d’éléments nouveaux. J’estime qu’il y a eu un rapport à l’Etat. D’un point de vue personnel, si je fais lecture du non-lieu, j’estime qu’il y a un certain nombre d’éléments dans le rapport qui n’ont pas été suffisamment exploités. J’estime qu’on n’ a pas été jusqu’au bout des choses sinon on ne se serait pas retrouvé avec un non-lieu. Parce que lever l’inculpation d’un individu ne veut pas dire qu’on ferme le dossier.

Je m’étonne quand même parfois, en toute confraternité d’ailleurs, par rapport à certains de mes confrères. Parce que quand on a des documents publics en sa disposition, il faut bien les exploiter. LINGANI a parlé d’un document qu’on nous a tous distribué , je l’ai ; c’est le rapport qui nous a été tous distribué ; il est partout. C’est un document public mais je suis quand même surpris de constater qu’on retrouve par exemple aux pages 26 et 27 du rapport exactement les mêmes propos d’ Oumarou KANAZOE qui ont été donnés par MENARD et on retrouve à la page 33 les mêmes propos qui ont été dits par François COMPAORE.

Donc, ils se retrouvent dans le rapport rendu public. Je ne sais donc pas ce qui a vieilli ou ce qui est nouveau. Et je suis quand même surpris que les gens ne se soient pas reportés au rapport pour faire la part des choses. Je me dis aussi que MENARD ayant été dans une structure où il y avait dix autres personnes, il aurait été intéressant d’approcher ces personnes qui sont toujours là pour entendre aussi leurs versions. Pour moi, les éléments sont tous dans le rapport qu’on nous a tous distribué ; bien entendu comme l’a dit quelqu’un tout à l’heure, c’est la totalité des documents qu’on a remis au Premier ministre.

Monsieur SIDIBE, quelle est selon vous la pertinence de cet apport de Robert MENARD ?

J.E.S. : Robert MENARD est avant tout un membre de la société civile. Je pense que certains de ses propos n’auraient pas soulevé un tollé général s’il n’avait pas été membre de la Commission d’enquête indépendante. Si on s’en tenait aux éléments nouveaux, comme M.OUEDRAOGO l’a dit, nous ne sommes pas des juristes pour apprécier de la véracité de ces propos. Mais ce qui étonne c’est le fait de dire que le document rédigé avec sa caution est un faux. Alors que le procès-verbal de la Commission d’enquête signé des 9 membres a été voulu un consensus on ne peut pas comprendre que sept ans après, lui vienne dire que c’est un faux.

Personne ne veut que ce dossier reste en l’état ou qu’il soit versé dans les oubliettes. Chacun de nous, à tous les niveaux a payé dans ce dossier et chacun doit contribuer à ce que la vérité éclate.

Maintenant si on reste sur l’aspect propagande ou des éléments nouveaux, c’est à la justice d’apprécier. Si c’était une personne anonyme de la société civile qui avait dit que le rapport a été édulcoré, ça pouvait passer inaperçu. On allait tout simplement demander à cette dernière d’apporter les preuves et on aurait dit que voilà quelqu’un qui, à défaut d’apporter des faits nouveaux, veut divertir les gens. Mais comme MENARD lui-même était membre de la Commission d’enquête, cela suscite un intérêt particulier. Comme SY l’a souligné, il appartient aux dix autres membres de dire que les choses ne se sont pas passées comme le dit MENARD.

Votre réaction Yacouba OUEDRAOGO ?

Y.O. : Il ne faudrait pas oublier que sept ans après il y a eu le non-lieu. Eventuellement si le dossier avait connu un autre aboutissement, Robert MENARD l’a signifié, il n’aurait pas agi comme il l’a fait. Il faut, à mon avis, garder présent à l’esprit que depuis juillet, RSF a pris l’engagement de tout mettre en œuvre pour que ce dossier ne soit pas enterré. Le système judiciaire burkinabé est fait de telle sorte que seul le procureur dans le cas d’espèce peut décider de la réouverture.

Je ne serais pas surpris aujourd’hui si Robert MENARD trouvait une chaussure au rond point des Nations unies et dans son intime conviction que ça peut aider le parquet à bouger , il l’amènerait et c’est au parquet de dire que ce n’est pas un élément nouveau ; c’est ça qui est important....... Il y a deux ans, personne ne pouvait penser qu’il y aurait un non-lieu. Il y en a eu. Maintenant la donne a changé parce qu’il y a eu un non-lieu. L’autorité judiciaire a ‘’précisé ‘’ ses responsabilités. Ceux d’en face feront tout eux aussi pour se faire entendre.

Issaka LINGANI, vous voulez réagir ?

I.L. : Je crois que c’est une méthode très critiquable qui a été utilisée. Je pense qu’il faut être de bonne foi dans cette affaire. Il faut passer par la bonne manière pour contribuer à la manifestation de la vérité. On ne peut pas venir dénigrer le travail de la commission ainsi. Puisqu’on est dans un monde de suspicion généralisée, on peut même aller très loin. Quand MENARD dit qu’ils se sont entendus. Ils se sont entendus sur quoi ?

On est tous conscient que lorsqu’on fait des rapports finaux on confronte des types de rédaction et on s’entend sur une version. Prenons le cas d’une arme. Il semble que la Commission d’enquête était parvenue à constater que seule la garde présidentielle avait cette arme commandée pour monter une unité qui n’a jamais vu le jour mais au moment du rapport final, les membres de la commission sont tombés d’accord de ne pas le notifier parce que ça ressortait dans les procès verbaux. Est-ce qu’au final, ce n’est pas ces petits arrangements de ce genre qui ont dès le départ compliqué le dossier ?

I.L. : Je ne suis pas au courant des ‘’petits gris-gris’’ dont vous faites état, parce que je n’étais pas dans les secrets de la CEI. Mais je dis tout simplement, et le cas que vous donnez l’atteste, il s’agit éventuellement d’arrangements. Mais ça ne veut pas dire qu’on a édulcoré le rapport pour faire plaisir à des gens. On estime souvent que ce n’est pas utile d’aller à certains détails. Mais cela n’a rien à voir avec ‘’on s’est entendu pour faire quelque chose’’.

Nous ressortir tout cela aujourd’hui est fort suspect et me conforte dans mon opinion qui est que la CEI a beaucoup plus compliqué l’affaire qu’elle n’a travaillé à sa résolution.
Pour une organisation aussi importante que Reporters sans frontières, elle aurait pu se donner le temps de chercher éventuellement quelque chose de sérieux à mettre sous la dent de la justice. Parce que le risque qu’elle prend aujourd’hui en balançant quelque chose qui n’est pas crédible c’est de jeter un peu le discrédit sur ce qu’elle pourrait faire à l’avenir. Je pense quelque part que ce n’est pas bon de sortir n’importe quoi, comme si l’essentiel c’est de faire du bruit.

Chériff SY ?

C.S. : Chaque fois que l’occasion m’est donnée ou quand je suis obligé de parler de cette affaire, je pars toujours du principe que c’est un confrère qui a été assassiné. Parce que j’ai souvent l’impression que l’on occulte cet aspect. Et très vite on peut se retrouver dans des débats qui peuvent paraître assez vastes ou stériles. Même les tenants de la thèse de l’accident, sont d’accord qu’il a été assassiné. Mais par qui ?

C’est là où le débat démarre. Je pense que quand on fait un rapport, il ne s’agit pas d’une question de rapprochement. Nous avons tous été dans des organisations, quand on fait un rapport on confie la rédaction à des gens qui font une première ébauche et on amande pour aboutir au rapport final. Est-ce que les amendements sont des négociations ?

Peut-être que le débat est à ce niveau. Mais je me dis que les gens ont amendé pour trouver un document final. Maintenant que d’aucuns signent et d’autres ne signent pas, là n’est pas tellement le problème. Toujours est-il qu’on doit aboutir à quelque chose, et ce n’est pas forcément un marchandage.

Pour un autre aspect, je reste convaincu qu’au-delà du coup médiatique, ce que la réaction de Reporters Sans Frontières a amené est quand même intéressant. Moi j’ai été sidéré par des propos du procureur. J’ai été ébahi lorsqu’il dit qu’il entend par éléments nouveaux, un portrait robot ou les empreintes digitales.

Si on comprend ainsi les éléments nouveaux, je ne sais pas qui peut les apporter huit ans après. Je pense que si ce sont les empreintes digitales ou le portrait robot qu’il considère comme éléments nouveaux, ça veut dire que le dossier va rester en l’état jusqu’à sa prescription. Voilà un élément qu’on n’aurait pas su s’il n’y avait pas eu cette action.

Vous êtes en train de réduire énormément les propos du procureur M. SY ?

C.S. : Non, je crois l’avoir entendu dire et d’autres pourraient me rectifier qu’il attendait par éléments nouveaux tels que les portraits robots ou les empreintes digitales.

Effectivement il a cité des exemples, mais la liste n’est peut-être pas exhaustive ?

C.S. : Je pense que la liste n’est pas exhaustive ; mais déjà les deux éléments qu’il a donnés le montrent fort.

Y.O. : J’ai trouvé intéressant, la rapidité avec laquelle le parquet a réagi. Je me demande s’il a eu le temps d’essayer de confronter le document supposé comporter les faits nouveaux avec les autres documents qui étaient en leur possession.

Sans vous interrompre, Monsieur SY nous a dit que tout est dans le rapport de la CEI.

Y.O. : Donc passons là-dessus. Ce que le procureur a relevé comme éléments nouveaux vient a posteriori confirmer la thèse qu’on a développée ici. Ce dossier, il ne faut pas compter sur le parquet pour lui éviter la mort. Aujourd’hui, qui a les moyens scientifiques au Burkina pour prélever les empreintes digitales ? Qui a la légalité et la légitimité pour faire des portraits robots à même de convaincre un parquet qui a prononcé un non-lieu ; si ce n’est pas cette justice. Si elle attend aujourd’hui qu’une tierce personne lui apporte ces faits, c’est la preuve que pour ce dossier MENARD doit faire ce qu’il peut pour qu’on en parle. Déjà que le procureur nous a donné finalement ce qu’il attendait pour ne pas prononcer un non-lieu, peut être que d’autres débats l’ amèneront à dire également ce qu’on aurait pu lui donner.

Monsieur SY, vous voulez réagir ? !

C.S. : Ne me mettez pas sur la même natte que les procureurs je ne suis pas sur la même longueur d’onde qu’eux parce qu’ils ont leur point de vue, j’ai aussi le mien. Je n’ai pas dit qu’il n’y a pas d’éléments nouveaux. Je suis d’accord avec ce que Yacouba OUEDRAOGO vient de dire parce qu’il y a eu une célérité quand même dans le traitement de ce dossier. Je crois que MENARD a déposé sa lettre un vendredi et je pense qu’il n’y avait pas le feu dans la baraque pour qu’un week-end, un samedi, le procureur s’exprime sur la question.

I.L. : Moi je pense qu’il faut plutôt féliciter le parquet pour avoir réagi aussi promptement. Cela pour deux raisons principales. D’abord compte tenu du contexte lui-même. Le lundi étant férié, il aurait fallu, après dimanche, attendre jusqu’à mardi au moins pour réagir. Ensuite, il y a le contenu du document. Comme nous l’avons dit, il n’y a rien dedans. S’il n’y a rien dedans on veut que les gens entendent quoi ?

On n’a pas besoin de faire Science po pour comprendre que s’il n’y a rien dedans, on dit qu’il n’y a rien dedans. Ensuite, je voulais dire à mon ami SY qui dit que c’est un confrère qui a été assassiné, que c’est à cause de cela justement que nous ne devons pas laisser faire n’ importe quoi et dire n’importe quoi dans cette affaire. C’est son intime conviction ! Quand je traite de cette affaire, je vois le confrère mais aussi celui qui a été un collègue.
On veut donner l’impression qu’on traite ce dossier de manière cavalière. Ce n’est pas du tout ça. Quand je donne mon opinion sur cette affaire, c’est mon intime conviction. Je suis convaincu que la manière dont on procède n’est pas la meilleure pour aboutir effectivement à la vérité.

Monsieur SIDIBE, votre réaction par rapport à ce qui vient d’être dit ?

J.E.S. : J’ai eu l’occasion de participer à la conférence de presse des deux procureurs, à savoir le procureur général Abdoulaye BARRY et le procureur du Faso Adama SAGNON. C’est à cette occasion qu’ils ont informé la presse, notamment c’est le procureur du Faso qui disait qu’il a reçu Robert MENARD le 19 octobre sur recommandation de Germain Bittiou NAMA, Directeur de publication de ‘’L’Evènement’’. Et le 20 matin, ils ont été destinataires d’une lettre comme étant des éléments nouveaux pouvant favoriser la réouverture du dossier de Norbert ZONGO.

Pratiquement dans le même moment, ce même document était distribué au centre de presse Norbert ZONGO. Je ne voudrais pas y porter un jugement parce que ne suis pas juriste, mais le contenu des déclarations me semble bizarre. Robert MENARD étant un journaliste savait que le dossier Norbert ZONGO est sur un terrain juridique et que tout ce qu’il allait dire serait exploité sur le plan juridique.

Les deux procureurs se sont étalés longuement là-dessus pour dire que les éléments nouveaux sont ceux qui ne figurent pas déjà dans le dossier d’instruction alors que ceux présentés par Robert MENARD y figurent déjà. Ils ont ensuite expliqué ce qu’ils entendaient par éléments nouveaux notamment portraits robots , empreintes digitales. Ils ont même lancé un appel à témoin. Pour eux en l’absence de tels éléments, il ne fallait pas laisser libre cours aux supputations.

C’est cela qui a poussé le parquet à organiser une conférence de presse le samedi 21 octobre à 16h. Je ne vais pas polémiquer sur l’instruction juridiciaire, mais c’est cette interprétation juridique qui m’intéresse. Ainsi, c’est la réaction de Robert MENARD disant que le rapport de la CEI était du faux qui a beaucoup plus indigné le parquet. C’est sur cela que le débat s’est focalisé.

C.S. : Je suis quand même étonné, parce qu’il y a des gens qui ont estimé qu’on a insulté le magistrat mais il y a eu aussi des propos insultants dans le langage des procureurs. Si on n’approuvait pas les propos de MENARD, on n’avait qu’à s’adresser aux autres commissaires au lieu de dire insidieusement que l’Etat s’est saigné pour débloquer 120 millions et pendant 8 ans on les a laissés peut- être travailler sur un faux.

Les mêmes nous disaient, on se rappelle, que le juge d’instruction n’était pas lié par les travaux de la CEI. Aujourd’hui, ils nous apprennent que pendant 8 ans on leur a fait peut-être travailler sur un faux et on a poussé jusqu’à dire que le parquet se réserve le droit de poursuivre MENARD pour faux et usage de faux ou les commissaires pour soustraction. On insiste sur cet aspect alors que le parquet pouvait simplement entendre les différents commissaires au lieu de sortir pour faire croire aux gens que les commissaires ont pris des millions bouffer. C’est pas bon !

I.L. : Avant tout, je crois que les gars ont giclé, comme on dit, et au bon moment. Parce que par rapport à un tel dossier il n’y a pas à tergiverser pour dire ce qui est. Il y a un aspect que je partage avec mon ami SY, c’est que MENARD n’est pas seul dans la commission mais aujourd’hui nous faisons tous foi à ce qu’il dit.

Du moins la propagande qui a été menée tend à nous le faire croire et donc qu’on n’a pas besoin des dix autres membres de la commission pour éventuellement savoir ce qui s’est passé.

Peut-être qu’il faut ester éventuellement en justice contre ce monsieur parce que si effectivement ce qu’il dit est vrai, ça veut dire qu’on s’est arrangé au niveau de la commission. Si on s’est arrangé pour taire des choses, éventuellement c’est une forme de rétention de l’information, une forme d’entrave à la manifestation de la vérité. Et si ce que MENARD dit est faux, il doit en tirer aussi les conséquences. Certes, c’est un coup médiatique qui est recherché mais encore faut-il prendre le soin de servir du sérieux pour éviter de banaliser une affaire aussi sérieuse. L’Affaire Norbert ZONGO n’est pas un parc de jeux où on pourrait venir amuser la galerie et repartir impunément

Y.O. : Moi j’aurais du mal à concevoir qu’il puisse y avoir du faux dans cette histoire. On réfléchit quand même. Parce qu’un rapport est toujours une synthèse de quelque chose et le fond du dossier, ce sont les procès verbaux d’audition. Alors, voulait-on que le rapport ait le même volume que ce dossier ?

Non, franchement il y a des éléments qui manquent. Si aujourd’hui Robert MENARD a estimé que des éléments contenus dans les procès verbaux peuvent être ramenés dans les débats, on présume que le juge d’instruction a quand même eu le temps pendant 8 ans de lire tous les procès verbaux. On a utilisé cela comme argument pour rejeter les éléments de MENARD qu’on aurait compris. Mais ce n’est pas cela.

Parce qu’on n’a pas trouvé les assassins de Norbert ZONGO on veut juger les gens pour faux et usage de faux.. Je trouve donc que le procureur est allé trop vite en besogne en parlant de faux et usage de faux. Pour moi, les informations sont dans les PV d’auditions qui sont actuellement sous scellés au parquet.

I.L. : Je voulais faire savoir que la partie civile a quand même des avocats de grande renommée. On ne va pas leur faire l’injure de dire que lorsque le juge entend les témoins, ils sont aux abonnés absents ou qu’ils font autre chose que leur travail d’avocat. C’est dire qu’ils ne peuvent pas laisser passer des choses de ce genre et on n’a pas besoin de MENARD pour leur rappeler ça.

Je voulais rebondir sur un autre aspect. Yacouba OUEDRAOGO disait qu’on ne pouvait pas attendre du parquet qu’il fasse rebondir le dossier. Il n’y a que le parquet qu’on le veuille ou non qui légalement peut le faire. Vous parlez de manque de volonté ; quelle volonté voulez-vous ? Vous voulez qu’ils aillent fabriquer des preuves ?
A mon avis, ils ont fait leur travail en lançant un appel à témoins. Je crois qu’il ne faut pas leur demander plus que ça. A moins qu’on ne veuille qu’ils fassent comme MENARD.

C.S. : LINGANI ; tu sais, c’est le procureur qui confie le dossier à un juge d’instruction. Ce n’est pas le juge d’instruction qui a décidé du non-lieu. C’est le même procureur qui a fait un réquisitoire pour dire qu’il y’a non-lieu ; le juge d’instruction l’a si bien suivi que c’est devenu un non-lieu pour tout le monde ; on ne doit plus poursuivre personne. Le fond du débat, en réalité est celui-là : c’est qu’il y a une frange de la population qui ne croit pas que cette justice puisse faire aboutir le dossier. Il y a peut être une autre frange qui croit qu’elle est capable de l’amener jusqu’à bon port.

Toujours est-il que la question fondamentale, c’est un rapport de forces. Il y en a qui pensent que s’ils font la pression, le dossier aboutira. Comme on le constate, il y a eu un certain nombre d’acquis démocratiques depuis l’assassinat de Norbert ZONGO du fait de ces pressions.
Quand il y a eu le non-lieu, d’aucuns ont estimé à travers leur ligne éditoriale qu’il tombait justement à cette période parce que la situation était favorable. Il n’y avait pas de pression, les gens étaient en vacances... d’autres ont cependant estimé que c’est l’aboutissement normal du travail.

Lorsqu’on regarde le rapport de 1999 et les PV d’auditions, on se rend compte selon les dires des procureurs que les faits nouveaux de MENARD ne constituent pas des éléments particuliers. L’intérêt de cette affaire c’est qu’elle pose le problème de l’utilisation à fond des différents PV de la CEI par le juge. C’est comme si on avait fait ainsi on ne serait pas arrivé à un non-lieu. Faut-il continuer à chercher d’autres éléments ou pensez- vous que demain on va passer à autre chose ?

J.E.S. : Je crois que tout le monde a intérêt à ce que la vérité se manifeste autour de ce crime odieux. A l’état actuel, je suis ravi d’entendre Monsieur SY dire qu’on aurait dû écouter les autres membres de la commission, parce qu’à l’état actuel, personne n’ose croire que le rapport qui a été mis à la disposition de la justice est un faux. Comme quelqu’un a parlé de rapport de forces, je voudrais dire que si là où se trouve la force on doit remettre en cause ce qui a été fait par des gens qui étaient sur la sellette pendant quatre mois pour produire ce rapport, c’est inacceptable. Je pense que ce n’est pas le bon moment de procéder ainsi. Peut-être qu’il faut davantage exploiter le rapport et les PV d’auditions.

C.S. : C’est parfois gênant....les gens ne se respectent pas beaucoup dans cette contrée-là. Pour moi, les commissaires de la CEI sont à féliciter parce qu’ils détiennent tous les éléments. C’est donc facile de les mettre sur la place publique. Cela n’a pas été fait. Les gens se sont réservés sur beaucoup de questions, mais à partir du moment où on commence à traîner les uns et les autres dans la boue, à partir du moment où l’instruction s’est arrêtée, chacun en son âme et conscience appréciant ce non-lieu peut estimer ne plus être lié par un quelconque devoir de réserve ou se sentir toujours lié. On peut corser le débat ! Est-ce que c’est forcément cela qui permettra d’aboutir à la vérité sur cette histoire ? Je ne sais pas. Mais la seule chose dont je suis convaincu, la justice ne semble pas pouvoir conduire ce dossier tout comme d’autres à bon port.

I.L. : Je vais aller dans le sens de M. SY même si c’est pour aboutir à autre chose.

Je crois que l’affaire a atteint un tel niveau qu’il est préférable de lever tout secret. C’est à dire rendre tout public parce qu’on a l’impression, à écouter certains, qu’il y a des informations top secrètes et qu’il suffit de les utiliser pour aboutir à la vérité mais que l’on se garde d’utiliser. On donne l’impression aussi que le juge d’instruction n’a rien fait ou tout au plus a travaillé tout seul entre quatre murs. Alors que tout cela n’est pas la vérité.

Comme l’a dit le procureur, le droit a ses exigences. Dans toute procédure lorsqu’on doit entendre un inculpé ou des témoins, les avocats de la partie civile assistent à l’interrogatoire. Ils peuvent même demander d’auditionner tout témoin qu’ils voudraient. Ils sont donc actifs. C’est donc dire que le juge d’instruction n’a pas auditionné les 200 personnes tout seul. Compte tenu de l’importance du dossier, je suis convaincu que ces avocats n’ont pas fait la paresse, ils ont dû faire leur travail de manière professionnelle.

C.S. : Tout de même c’est juste après la confrontation entre Marcel KAFANDO et Racine YAMEOGO alors que les avocats attendaient le fond du dossier, qu’ on leur a annoncé le non-lieu. En tout cas, c’est ce qu’ils ont dit.

I.L. : Même ça, l’avocat n’a pas besoin qu’on lui envoie le dossier. Les dossiers sont au greffe du Tribunal et les avocats y ont accès à tout moment.
Ma conviction se fonde davantage qu’effectivement, il faut lever le secret de l’instruction dans cette affaire. Ce serait certes violer la loi, mais puisque déjà on a tordu le coup à la loi en créant une commission d’enquête internationale indépendante qui est en dehors de nos textes, on peut bien continuer si c’est pour la bonne cause. C’est une réalité que la CEI a été une excroissance créée de toutes pièces et à mon avis cela a été une erreur.

CS : Je tiens à relever qu’à un moment donné du cheminement politique au Burkina, les différents acteurs, toutes tendances confondues, se sont entendues et ont mis en place une structure indépendante pour gérer le processus électoral. De la même manière, à un moment donné, une crise socio-politique survient et les différents acteurs de la société civile, l’Etat, etc, se sont entendus pour créer une Commission d’enquête indépendante. Je ne vois pas en quoi cela est une erreur. La Commission n’existe plus, son mandat est bien fini.

Y.O. : C’est important de garder toujours présent à l’esprit qu’il a été dit que le juge d’instruction n’est pas lié par le rapport. Après le non-lieu selon la même autorité, le juge d’instruction a éventuellement pu mieux travailler que la commission. Ensuite, après ce non-lieu, on pensait que ce sont les journalistes qui avaient fait la rétention d’information. A présent, on est en train de glisser, que c’est éventuellement les commissaires qui ont fait la rétention de l’information. Je pense que si on continue à cette allure, on dira que c’est le juge d’instruction qui a induit le parquet en erreur. Je pense aussi que c’est nécessaire comme le dit LINGANI de rendre public tout ce qui a été dit. Au stade où nous en sommes, il n’y a plus de secret d’instruction. Autant le parquet a été capable de réagir assez promptement dans un débat qui à son avis n’avait aucune justification, autant il faut qu’il aille jusqu’au bout de la procédure.

C.S. : La question a été posée au procureur et il a précisé à l’endroit des journalistes qu’ils avaient l’habitude d’utiliser les procès-verbaux mais que désormais il ne permettra plus que les dossiers d’instruction soient dans la presse. Pourtant on a vu sortir des cabinets d’instruction des PV qui ont paru dans la presse.

I.L. : Permettez-moi de revenir sur cet aspect qui me semble important. Je crois que le secret de l’instruction est un aspect essentiel en matière de justice. Sans secret de l’instruction, il faut s’attendre à des dérapages qui pourraient être regrettables et préjudiciables à la justice Mais je dis que puisque certaines insinuations font croire que des faits ne sont pas pris en compte dans l’instruction, on devrait de manière particulière lever le secret dans cette affaire Comme on a l’impression qu’on induit les gens en erreur, je me dis qu’il faut exceptionnellement lever le secret sur les actes de l’instruction, pour permettre à tout le monde de voir clair..

Si on suit les procureurs cela ne servirait à rien puisque selon eux rien dans le dossier actuellement ne permet d’avancer

IL : Mais puisque certains refusent de les croire, il faut donc tout publier.

Y.O : Quand on annonce un non-lieu, ça veut dire que l’instruction est arrêtée. C’est pour cela d’ailleurs que le dossier est mis sous scellé. Donc tous les actes produits dans le cadre du dossier depuis 1998 pour la justice sont devenus du domaine public. Il n’y a donc plus de secret d’instruction. Il n’ y a pas d’instruction donc, il n’ y a pas de secret d’instruction !...

J.E.S. : Je vais peut être intervenir sous le contrôle du président de la SEP, Chérif SY. Je crois savoir que le code de l’Information dit que lorsqu’une instruction est en cours et que certaines informations peuvent entraver sa conduite, il faut s’abstenir de les publier. La question qui se pose maintenant, c’est de savoir quand un non-lieu est prononcé et que l’instruction s’arrête, si toutes les pièces qui ont été rassemblées peuvent être mises à la disposition du public ? Seuls les juristes pourront nous départager sur cette question.

YO : Le secret de l’instruction s’oppose aux parties impliquées dans l’instruction. Le journaliste n’est pas lié par le secret de l’instruction..

IL : Ce que vous dites est très grave ! Citez moi un seul pays au monde où le journaliste n’est pas lié par le secret de l’instruction ? Et puis le journaliste est un citoyen comme tout autre citoyen et il est astreint aux lois comme tous les autres.

CS : Çà c’est un débat d’école

YO : Si les dossiers traînent au parquet et que je les ramasse dans la poubelle j’en fais bon usage...

C.S. : Je me dis que d’une manière ou d’une autre, par la force des choses, il y a des éléments qui vont apparaître. Comme je l’ai dit, j’ai été surpris de voir un confrère publier intégralement des procès verbaux d’audition dans l’affaire NAON. Ça ne pouvait être livré que par le cabinet du juge d’instruction. Et ce n’est pas la première fois.

Etes-vous sûr que ça vient du cabinet du juge d’instruction ?

C.S. : C’est un document qui vient du cabinet du juge d’instruction mais je n’ai pas dit que ça vient du juge d’instruction. Par exemple, le procès verbal d’audition de NAON a été intégralement publié dans la presse.
En dehors de toute autre considération, je me dis que si les hommes de média ne prennent pas en charge la défense de la mémoire de leur confrère qui a été assassiné, ils seront responsables du silence qui sera entretenu autour de cette question, de ce qui pourrait arriver à tout autre confrère.

I.L. Je m’excuse, mais je voudrais revenir sur la question de la publication de PV d’audition pour dire qu’il ne faudrait pas lancer la pierre à quelque confrère que ce soit par ce que bien qu’illégale d’une manière ou d’une autre nous y avons tous eu recours.

L’Opinion

P.-S.

Voir le site de Canal3 : http://www.tvcanal3.com/

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