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Affaire Michel Congo : L’accusé Sayibou Ouédraogo acquitté

Publié le mardi 12 décembre 2006 à 07h08min

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Dans le cadre de ses assises, la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouaga a statué, le 9 décembre 2006, sur l’affaire Michel Congo du nom du jeune étudiant en journalisme de l’Université de Ouaga sauvagement tué chez lui le 21 octobre 2001. Au terme de 2 jours d’audience (journée du 9 et une partie de la nuit du 10 décembre), la Cour a acquitté l’accusé Sayibou Ouédraogo.

Qui a tué le jeune Michel Congo dans la nuit du 21 octobre 2001 ? Au bout de 5 ans d’instruction et de 2h d’audience les 9 et 10 décembre 2006, la justice n’a pas pu trouver le ou les coupables de cet acte odieux et la question reste toujours sans réponse.

Les soupçons qui pesaient sur Sayibou Ouédraogo et qui lui avaient valu son inculpation pour assassinat ont été levés suite à son acquittement. Et cela au terme d’une audience d’environ 17 heures (9h à 2h du matin) marquée par un long défilé de la vingtaine de témoins effectivement présents sur la quarantaine convoqués. Des amis du défunt de la chorale de Saint Camille, du département de journalisme et communication de l’université de Ouaga dont certains exercent aujourd’hui dans les différents organes de la place : Hervé Taoko et Parfait Silga ("Le Pays"), Cyr Payim Ouédraogo ("L’observateur paalga"), Dieudonné Soubeiga et Elie Kaboré ("L’Indépendant), Gabriel Sama ("Sidwaga").

Toutes ces personnes ont été interrogées généralement sur leur relation avec la victime, leur dernière rencontre, les éventuelles confidences qu’il leur aurait faites, etc. Du lot, trois témoignages ont retenu l’attention.

Le premier témoignage est celui de A.O, épouse de l’accusé et aussi amie intime du jeune étudiant. Elle a nié le fait que son mari ait appris sa relation avec le regretté dont elle était aussi une amie de classe, au point de s’en prendre à lui par jalousie.

Mme Ouédraogo a aussi mis son mari hors de cause dans l’affaire en détaillant leur emploi du temps le 21 octobre, jour du drame qui se résume en une visite à sa famille, un détour à trois (avec sa soeur Alberte) pour manger de la grillade et enfin un retour à la maison avant qu’elle ne fasse un tour dans un cybercafé en laissant son mari allongé au salon. Lequel mari est accusé par le parquet d’avoir profité du laps de temps pour aller commettre le crime au domicile de l’étudiant qui serait non loin du sien. Mais pour la femme, elle n’a pas duré au cybercafé (pas plus de 15 mn alors que celui qui l’y a accompagnée fait état de plus d’une heure) et est revenue trouver son époux toujours allongé dans le divan.

Le deuxième témoignage qui tranche du lot est celui de Mme Odette Salamata Nyamba Congo soeur de la victime. Entre 2 sanglots, elle a relaté comment elle a découvert le corps sans vie de son frère baignant dans son sang à son retour à la maison qu’elle partageait avec ce dernier. Outre le désordre dans la maison, elle se souvient avoir remarqué la disparition de leur poste téléviseur noir blanc alors que sa mobylette, la bicyclette de son frère et une somme de 5 000 F étaient toujours à leur place.

Autre disparition quelques jours après : le porte-feuille et le bloc-notes de Michel Congo. La soeur, comme d’autres témoins, a refuté la présentation de son frère comme étant proche du Père Celestino haché à mort dans la cour de la MACO le 13 octobre 2001 et qui serait la raison de son assassinat.

Michel Congo était-il l’objet de menaces, d’intimidation ? S’est-il confié à quelqu’un avant le drame ? Oui, a répondu, dans son témoignage, sa petite amie choriste Inès Simporé qui a laissé entendre avoir été étrangement fixée un jour, en compagnie de Michel Congo, dans un glacier. Cela se souvient-elle, avait intrigué son copain qui était très calme, contrairement à son habitude, à leur dernière rencontre le 20 octobre.

Bien que l’accusé se soit défendu d’être l’auteur de l’assassinat, de n’avoir pas trouvé à redire par rapport à la fréquentation de sa femme par son ami de classe, l’avocat de la famille Congo, Me Apollinaire Kyélem de Tambèla a soutenu le contraire dans sa plaidoirie. Pour lui, le sieur Ouédraogo connaissait bien la nature de la relation entre sa femme et la victime qu’il a décidé d’éliminer par la suite pour ne pas se faire ravir son épouse. Même en l’absence de preuves matérielles, l’accusé est le l’auteur de l’assassinat qu’il a qualifié de froid car, a-t-il dit à l’attention de la Cour, il faut savoir interroger les indices en matière pénale.

A sa suite, le parquet général a fait état de l’absence d’indices matériels ou de témoignages prouvant que le sieur Ouédraogo est auteur du crime. Ne disposant pas assez d’éléments pour soutenir son accusation, le ministère public s’est remis aux membres de la Cour à qui la latitude a été laissée de juger selon leur intime conviction.

Les cabinets Prosper Farama et Réné Ouédraogo qui défendaient l’accusé ont réaffirmé, dans leurs plaidoiries, l’innocence de leur client. Pour ces avocats, l’instruction a été bâclée et a aussi été orientée sur la piste du crime passionnel pour épingler leur client. Or, il n’y a rien qui permette de le faire, ont-ils soutenu, avant de demander l’acquittement de l’accusé à la fin de leurs plaidoiries à 0h 30 passées.

A la reprise de l’audience à 1h 45 mn après une suspension pour délibérer, la présidente du tribunal, Fatimata Lori, ses conseillères et les jurés ont répondu à l’unanimité par la négative à la question de savoir si Sayibou Ouédraogo est coupable de l’assassinat de Michel Congo. A son endroit, ils ont prononcé son acquittement.

Par Séni DABO


Réaction des parties

Immédiatement après le prononcé du délibéré aux environs de 2h du matin, nous avons recueilli les réactions des avocats des parties.

Me Apollinaire Kyélem de Tambèla, avocat de la famille

Je pense et je suis convaincu que l’accusé était coupable et j’en ai apporté la démonstration parce que dans ce genre de fait on ne peut pas uniquement s’en tenir aux preuves matérielles. C’est vrai qu’il n’y avait pas de preuves matérielles. Le délai entre les faits et l’appréhension de l’accusé a été suffisamment long (19 mois) pour que les éléments de preuve matérielle ne soient plus des éléments sérieux d’accusation ou d’acquittement. Mon sentiment est un sentiment de déception.

Par rapport à l’instruction qui aurait été bâclée selon la défense, je ne le crois pas parce qu’il y a des indices graves et sérieux. C’est tout à fait normal et de bonne guerre que les avocats de Sayibou Ouédraogo le disent. Pour ma part, le juge d’instruction ne s’est pas trop trompé sur les indices.

Me Prosper Farama, avocat de Sayibou Ouédraogo

Nous pensions que nous n’aurions jamais dû arriver devant la Cour parce que depuis longtemps il n’y a aucun élément contre notre client. Tout compte fait, je pense que cette décision rend non seulement justice à notre client mais aussi à la mémoire de Michel Congo parce qu’il aurait été très désolant de voir que l’on condamne coûte que coûte un innocent juste pour expier un crime qui, forcément, doit être élucidé.

Par rapport à l’instruction que nous avons trouvée bâclée, on doit tirer une conséquence logique qui est que l’on ne demande pas à la justice d’expédier les affaires pendantes. Nous constatons de plus en plus que ce ne sont pas des jugements qui sont rendus mais des enterrements de première classe des dossiers. Il y a un malaise.

Propos recueillis par S.D

Le Pays

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