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Seydou Bouda : « La pauvreté recule, mais pas à un rythme satisfaisant »

Publié le lundi 11 décembre 2006 à 07h45min

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Seydou Bouda

Le Burkina Faso va lancer une étude sur le schéma national d’aménagement du territoire en janvier 2007. Le SNAT va permettre d’endiguer les disparités régionales en proposant un développement équilibré bâti sur les potentialités de chaque région.

C’est du moins, la conviction du ministre de l’Economie et du Développement, Seydou Bouda qui pense que la pauvreté recule dans notre pays mais pas à un rythme satisfaisant pour le Burkinabè moyen.

Sidwaya (S.P.) : Le Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT) va être lancé en janvier 2007. Comment cette étude va-t-elle se dérouler ?

Seydou Bouda (S.B.). L’étude va consister à élaborer le SNAT duquel sortiront des schémas régionaux d’aménagement du territoire. Il s’agit en effet, de faire l’état des lieux, de dégager les grandes options d’aménagement et de développement du territoire, de définir les grandes orientations et les objectifs d’aménagement correspondants. Elle va se dérouler en trois phases pour une durée de 21 mois.

La première phase intitulée : diagnostic et orientations sera consacrée à la réalisation des diagnostics sectoriels, territoriaux et de l’analyse des facteurs déterminants de l’aménagement du territoire. Celle-ci va aboutir à l’élaboration des problématiques sectorielles et spatiales devant servir à dresser l’image du territoire à l’horizon 2025 ainsi que des scénari de mise en oeuvre. La deuxième relative à l’élaboration du SNAT va correspondre à son développement aux échelles prescrites sur la base des options retenues à la phase 1 et à l’élaboration du projet de programme prioritaire d’intervention. La dernière « mise en forme du SNAT » va se focaliser sur la finalisation du schéma et la conception des outils de mise en oeuvre.

S.P. : Combien va coûter cette étude ?

S.B. : Le Fonds africain de développement du groupe de la BAD est notre principal bailleur de fonds. Sa contribution est estimée à 2 millions UC, soit environ 1, 4 milliards de F CFA. L’Etat burkinabè intervient à hauteur de 200 millions de F CFA. Son coût global est de l’ordre de 1,6 milliard de F CFA.

S.P. Le SNAT prend-t-il en compte la gestion traditionnelle des terres ?

S.B. : C’est une question délicate à répondre dans la mesure où il n’y a pas un droit coutumier existant sur la terre. La gestion traditionnelle des terres est un ensemble de pratiques héritées du quotidien. Selon les pratiques coutumières, la terre appartient à des lignages, à des familles. A l’opposé, le droit moderne incarné par la loi portant Réorganisation agraire et foncière (RAF) stipule que le domaine foncier national appartient à l’Etat. Si la gestion des terres urbaines ne pose pas de difficulté, le problème non résolu par la RAF demeure l’usage, l’organisation du foncier rural.

S.P. : D’où justement les conflits d’usage opposant agriculteurs et éleveurs. En quoi l’aménagement du territoire va-t-il résoudre définitivement cette situation ?

S.B. : Effectivement, le foncier rural pose problème. Aussi, le gouvernement a entrepris d’élaborer une loi sur la sécurisation foncière (en cours d’adoption) pour remédier aux conflits d’usage constatés çà et là. Elle a fait l’objet de réflexion à la Journée nationale du paysan à Manga en janvier 2006. Nous attendons l’issue de ce processus pour voir comment les différents acteurs seront associés à une gestion plus harmonieuse des terres. Dans tous les cas de figure, le schéma en déterminant les destinations, les affectations et les fonctions des différentes parties du domaine foncier national va permettre d’aplanir les conflits.

En ce sens que les usages seront déjà établis, clarifiés par le SNAT. Les autorités administratives veilleront à ce que les espaces réservés au pâturage soient exploités à cet effet, que ceux destinés aux activités industrielles le soient, que les cours soient sauvegardés, ainsi de suite. Une telle répartition du domaine foncier national devrait minimiser les conflits de l’usage des terres. Ainsi, la base juridique de l’usage de la terre sera bien codifiée de sorte qu’en cas de différend, on puisse trancher aisément. Le schéma précise les affectations de l’usage de la terre, il appartiendra aux autorités administratives de veiller à l’application sur le terrain, de la loi et des décrets qui en résulteraient.

S.P. : En d’autres termes, le SNAT ne remplace pas la RAF...

S.B. : Non, non et non ! J’ai dit que le schéma tire sa légitimité de la RAF. Il est un instrument de la mise en route de la RAF qui a codifié le SNAT, les schémas régionaux d’aménagement du territoire, les schémas d’aménagement et d’urbanisme, les schémas d’aménagement provinciaux, etc.

S.P. : Quel lien y a-t-il entre l’aménagement du territoire et la lutte contre la pauvreté ?

S.B. : L’aménagement du territoire va donner une autre dimension à la lutte contre la pauvreté. Ainsi, le niveau territorial va être à la base de l’expression des besoins de lutte contre la pauvreté. Les instruments d’aménagement du territoire vont permettre à la lutte contre la pauvreté de gagner en ampleur, en efficacité. Il s’agit d’éliminer progressivement les disparités régionales afin que tout citoyen burkinabè, où qu’il soit sur le territoire national ait accès aux services sociaux de base (santé, éducation, télécommunications, route, eau potable, etc.). Se faisant l’aménagement du territoire va donner à la lutte contre la pauvreté un caractère concret, ciblé. Ce qui va favoriser une meilleure mise en valeur du territoire national.

S.P. : Le SNAT va-t-il donner lieu à des projets de développement ?

S.B. : Tout à fait ! Nous n’entendons pas élaborer un schéma théorique qu’il faut ranger dans les tiroirs. Le SNAT sera suivi d’illustrations concrètes sur le terrain. La dernière phase du schéma consistera en des projets d’aménagement, des projets routiers, de zones industrielles dans des portions déterminées du territoire national. Vous savez que notre pays avait connu des projets sectoriels d’aménagement (AVV, les grandes voies ferroviaires, etc.). Une des attentes du SNAT est d’oeuvrer à faire des 13 régions dans le contexte de la décentralisation des pôles de compétitivité capables d’attirer les investisseurs nationaux ou étrangers et de contribuer à une meilleure mise en valeur des terres pour générer des emplois, des revenus.

S.P. : Où en êtes-vous avec la lutte contre la misère au Burkina Faso par la réalisation du Cadre stratégique de lutte contre la pauvrété ?

S.B. : La lutte contre la pauvreté est le plat de résistance de l’action gouvernementale. La presse internationale citant la Banque mondiale, a indiqué que certains pays dont le Burkina Faso ont fait des progrès dans la lutte contre la pauvreté. Par conséquent, la pauvreté y a reculé. A la revue 2006 du CSLP consacrée à l’année 2004, nos propres stimulateurs avaient montré que l’incidence de la pauvreté a reculé de quatre points par rapport à l’année précédente. Nous pensons donc que la pauvreté recule, que les conditions de vie des ménages s’améliorent au Burkina Faso. Peut-être que ce n’est pas au rythme voulu par les uns et les autres mais c’est une tendance réelle.

S.P. : Quel commentaire vous suggère le récent rapport du PNUD qui classe le Burkina au 172e rang, soit un progrès d’un point ?

S.B. : Nous nous sommes exprimé à maintes reprises sur cette affaire d’indices définissant des indicateurs de progrès et de mesure du développement humain (niveau de vie, d’instruction, le revenu, etc.). Nous disons que l’indice choisi présentait beaucoup d’incohérences pour le Burkina Faso. Le développement humain n’a pas reculé depuis les années 1990. Quand on prend l’indicateur du PNUD, on remarque qu’il a baissé d’une année à l’autre, d’une période à l’autre.

Pourtant les indicateurs de développement se sont améliorés régulièrement et de façon constante. Le taux de scolarisation entre 1990 (25 %) et aujourd’hui (plus de 60 %) a été quasiment multiplié par plus de deux. L’espérance de vie à la naissance est à plus de 56 ans contre moins de 50 ans, il y a quelques années. D’un revenu de moins de 300 dollars, nous sommes aujourd’hui à près de 400 dollars. Nous pensons que les réalités du développement ne sont pas celles contenues dans le rapport du PNUD.

S.P. : Quelle est cette réalité du développement sur le terrain car les Burkinabè d’en bas pensent que plus on lutte contre la pauvreté, plus elle s’accentue ?
S.B. : Le progrès est effectif. Qu’il s’agisse de la santé, de l’éducation, du niveau d’équipement en routes ou en infrastructures de télécommunications ou encore d’autres instruments vecteurs de la modernité, la réalité de la croissance est manifeste surtout ces cinq dernières années.

S.P. : Et au plan économique alors ?

S.B. : Ces quinze dernières années, la croissance moyenne du Burkina Faso a été régulièrement supérieure à 5 %. Mieux, elle a dépassé 6 % pendant le dernier quinquennat. L’accroissement du revenu par habitant a été le plus élevé de l’ensemble des pays de la CEDEAO. Une étude récente du Fonds monétaire international (FMI) confirme d’ailleurs cette tendance. Toutefois, la difficulté est qu’elle porte sur des valeurs absolues relativement modestes en termes d’impact. L’impact n’a pas encore atteint le degré d’accumulation des richesses attendues des populations. Il ne faut pas se voiler la face, le niveau d’accumulation général demeure faible. Je veux dire que la richesse nationale n’est pas énorme comparée à d’autres pays.

S.P. : Dans ce cas, que faut-il faire pour augmenter la richesse nationale ?

S.B. : Nous devons continuer de créer davantage de richesses. Il faut que les populations augmentent leurs revenus pour que la prospérité globale s’installe définitivement au Burkina Faso. Pour cela, il n’y a que par le travail qu’une population accumule du capital, qu’un pays s’enrichit. Il n’y a pas de miracle, il faut le travail, rien que le travail...

S.P. : A côté du CSLP, il y a la prospective Burkina 2025. Pourquoi cette vision ?

S.B. : Le CSLP est un document-cadre sur une période de 15 ans subdivisée en périodes triennales glissantes avec un programme d’actions prioritaires. Ceci vise à traduire, en réalité, les grandes orientations de la lutte contre la pauvreté sur un horizon triennal. Tandis que le Burkina 2025 est la vision du Burkina à l’horizon 2025. L’étude prospective vient compléter la planification à long terme pour donner au pays une vision. Toutes les grandes nations se sont bâties à partir d’une vision initiale. Etant donné le cap fixé, elles organisent de façon opérationnelle, le compte à rebours pour faire en sorte qu’au rendez-vous de la vision, la réalité puisse être le plus proche possible. Si vous voulez aller à La Mecque, vous devez avoir une vision, un plan d’action pour qu’à tel horizon, vous y soyez. Contrairement à ceux qui croient que Burkina 2025 est un rêve, nous disons que les grands projets se construisent ainsi. Sans vision, pas de vent favorable au développement.

S.P. : Avez-vous foi que les prospectives consignées seront respectées ?

S.B. : La vision contenue dans Burkina 2025 n’est pas sortie du néant. Elle est le fruit d’une démarche participative conjuguant un système d’enquête sur les aspirations nationales, un sondage des leaders, un système d’analyse structurelle, etc. Donc, le Burkina Faso se reconnaît dans Burkina 2025. A partir de ce moment, je pense que le gouvernement va s’organiser pour faire en sorte que les grands messages contenus dans Burkina 2025 puissent être traduits en actes de gouvernement, en politiques sectorielles, en plans d’action prioritaires. La vision fixe le cap. Comment on y arrive, c’est là tout l’objet de la politique économique, sociale ou de la gouvernance.

Interview réalisée par S. Nadoun COULIBALY

Sidwaya

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