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Les festivités du 11-Décembre : La dette de sang

Publié le lundi 11 décembre 2006 à 08h14min

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Le 11 décembre 1958, la colonie française de Haute-Volta était érigée en République autonome, membre de la communauté franco-africaine ainsi que le voulait la Constitution de la Ve République française, adoptée quelques mois plus tôt.

Ainsi présentée, on peut penser que cette évolution qualitative du futur Etat indépendant était un cadeau de la puissance tutrice, la France, qui rouvait ainsi au passage, son attachement à la défense des libertés fondamentales dont celle de disposer de soi-même n’est pas la moindre. Une vision quelque peu restituée, il faut en
convenir, si l’on tient compte des faits politiques et sociaux tant internationaux qu’au niveau de l’Afrique occidentale française (AOF) qui l’ont précédée. Faut-il le rappeler, avant que la République voltaïque ne soit proclamée, ce territoire de l’hinterland était, à l’instar des autres, sous la "férule" de l’Union française qui, quoique concédant quelques droits aux colonies, n’en niait pas moins le plus important, à savoir le droit de disposer d’elle-même. A l’apogée de son "règne" africain, la métropole voulait rester le centre de l’empire et les grandes conclusions issues de la conférence de Brazzaville (du 30/01 au 8/2/1944) l’illustrent éloquemment.

Malgré les efforts consentis par les Africains pour libérer le pays de nos "ancêtres" les Gaulois, Réné, Pleveu, président de la conférence, déclarait à l’issue de celle-ci : "Nous lisons de temps à autre, que cette guerre (ndlr = la seconde guerre mondiale) doit se terminer par ce que l’on appelle un affranchissement des peuples coloniaux. Dans la grande France coloniale, il n’y a ni peuple à affranchir, ni discrimination raciale à abolir.

Il y a des populations qui n’entendent connaître d’autre indépendance que celle de la France". Puis, il ajoutera péremptoire, que "les fins de l’ouvre civilisatrice accomplie par la France dans les colonies écartent toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’empire. La constitution éventuelle, même lointaine de self -gouvernements dans les colonies est à écarter".

Et pour atténuer l’amertume des "indigènes", on aménageait leur statut, tout en leur concédant des sièges au parlement métropolitain. Cette politique réformiste là où il fallait une vraie révolution comprise en termes de rupture positive, n’allait pas du tout satisfaire lesdits indigènes, auxquels la seconde guerre mondiale avait justement ouvert les yeux.

Le mythe du Blanc vainqueur auréolé de son prestige de "civilisateur" était détruit dans la tête de nombreux anciens combattants qui l’avaient vu souffrir, mourrir et pleurer avec eux. Le rapport de force n’était plus le même, et, malgré d’autres artifices juridiques pour rendre l’Union française "vivable".

L’union était désormais fondée sur l’égalité des droits et des devoirs sans distinction de race ni de religion, (ce qui n’était pas loin de constituer une utopie en l’occurrence), la lutte anti-coloniale sera plus âpre en AOF avec le RDA à la barre en Haute-Volta, une lutte nourrie des victoires indochinoise et algérienne contre le colon français qui avait baissé le "froc" à Diên Biên Phu en 1954 et était dans une mauvaise passe en Algérie.

Trop pusillanime et trop instable, la IVe République française ne sut pas mettre en ouvre la politique révolutionnaire qui devait permettre de payer la dette du sang versé pour faire de la France un pays vainqueur. Elle n’admettra l’idée de l’auto-administration que du bout des lèvres, alors que la marche de l’histoire était incompressible. En butte aux contestations sociopolitiques qui secouaient les colonies et déchirée de l’intérieur par des querelles plus crypto - personnelles qu’idéologiques, la IVe République mourra de sa belle mort en mai 1958.

Rappelé aux affaires par la "vox populi", le général de Gaulle quoique attaché à l’empire, ne jettera pas aux orties son bon sens militaire avec sa proposition de communauté franco-africaine que le "Syli" guinéen, Ahmed Sékou Touré trouvera "indécente", proclamant dans la foulée l’indépendance de son pays en 1958. Le général venu "dégager la France des astreintes que lui imposait son empire" s’en offusquera pourtant, punissant au passage le "rebelle" et son pays.

Plus sages, les autres leaders africains préfèrent se contenter de ce miroir aux alouettes, convaincus que l’indépendance était au bout. Le 11 décembre 1958 donc, profitant des dispositions constitutionnelles, Maurice Yaméogo proclamait la République de Haut-volta avant de la déclarer indépendante deux ans plus tard.

Sur le chemin de la reconnaissance et de la naissance à la souveraineté internationale, le 11 décembre 1958 constitue une grande étape et il est symbolique que le "baobab" Ki-Zerbo, immense par son intelligence et son ouvre, combattant et ardent défenseur de l’Afrique libre et fière soit tombé à quelques encablures de cette date. Cela devra nous rappeler que la vie est un combat où rien ne s’octroie mais se conquiert souvent au prix du sacrifice suprême. Un sacrifice consenti avant lui par les Daniel Ouezzin Coulibaly, et qui doit inspirer les générations actuelles "Nan laara, an saara" comme disait l’aïeul, qui figure désormais au rang des immortels.

Boubakar SY

Sidwaya

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