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Djerma, grand chancelier des ordres burkinabè : « Seul le président du Faso peut redonner au 11-Décembre ses lettres de noblesse »

Publié le lundi 11 décembre 2006 à 09h20min

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Mamadou Djerma

Comment fonctionne la grande chancellerie des ordres burkinabè ? Que faire pour être décoré ? Quelles sont les missions de la grande chancellerie ? A travers cet entretien, le grand chancelier, des ordres burkinabè, Mamadou Djerma éclaire la lanterne des uns et des autres sur son institution qui existe depuis 1959 et qui décernait à l’époque des médailles de l’Ordre du mérite voltaïque.

Sidwaya Plus (S.P.) : Quelles sont les missions de la grande chancellerie des ordres burkinabè ?

Mamadou Djerma (M.D.) : La grande chancellerie des ordres burkinabè a pour missions de gérer les ordres, de rehausser l’autorité de l’Etat, de récompenser les mérites et de veiller à l’égalité d’accès à la distinction honorifique.

Aussi, la grande chancellerie travaille à valoriser les distinctions par leur rareté, à moraliser la vie publique, susciter la créativité intellectuelle et artistique et à mieux faire connaître l’institution au public.

S.P. : Que représente la date du 11 décembre ?

M.D. : Le 11 décembre est la date de la proclamation de la République. Tout le territoire national est concerné par cet événement. Le volet réservé à la grande chancellerie des ordres burkinabè est celui de la décoration.

Toutes les décorations concernant les ordres nationaux, c’est-à-dire l’Ordre national et celui du mérite se font le 11 décembre.

Les ordres spécifiques ont leur date séparément, mais cela doit se faire avant le 31 décembre de chaque année.

S.P. : Avez-vous pensé à redonner au 11 décembre ses lettres de noblesses d’antan ?

M.D. : Mais, ce n’est pas à moi de le faire ! Cela doit se passer à la présidence. Nous en avions discuté avec le président, mais vous savez, c’est lui qui décide.

Nous, nous ne faisons que suivre. Même si on nous dit qu’on doit se rendre à Ziniaré ou dans un pays Mossi pour célébrer le 11 décembre, nous nous y rendrons ! Ceci, pour dire que la grande chancellerie des ordres burkinabè ne décide rien, c’est national et cela relève des pouvoirs du président du Faso.

S.P. : Quels sont les critères qu’il faut remplir pour mériter la décoration ?

M.D. : Tout Burkinabè a droit à une décoration que ce soit un paysan, un commerçant, etc.

Ceux qui ont droit à des propositions de décoration sont les présidents d’institutions, les ministres et les gouverneurs. Chaque année, nous leur envoyons une circulaire leur indiquant le nombre de place mise à leur disposition. Par exemple, on peut informer le ministère de l’Enseignement de Base qu’il a droit à 40 places à savoir 10 places pour l’Ordre national et 30 pour l’Ordre du mérite. Comme conditions à remplir, il faut avoir 15 ans au minimum de service, être bien noté, avoir un casier judiciaire vierge et signé par le ministre de tutelle.

Nous envoyons les circulaires au mois de mars et exigeons qu’on nous fasse parvenir les propositions le 15 juillet au plus tard.

S.P. : Avez-vous un mécanisme qui vous permet de vérifier que ceux qui sont proposés à la décoration la mérite réellement ?

M.D. : Nous, nous ne pouvons rien vérifier. Par exemple, prenons le cas d’un ministre, s’il a été nommé ministre, c’est que le président lui fait confiance ! Si le président fait confiance à un ministre, nous aussi nous lui faisons confiance.

Si un ministre propose quelqu’un, moi je ne le connais pas, je ne vois que des dossiers. Si sur le dossier il est mis que la personne a, par exemple, 20 ans de service, qu’il est bien noté avec un casier judiciaire vierge, qu’est-ce que vous voulez ? Pour nous, c’est OK ? Nous, nous ne connaissons pas les individus donc il faut faire confiance à ceux qui les proposent ! Un président d’institution n’est quand même pas n’importe qui, de même qu’un ministre ou un gouverneur !

S.P. : Mais qu’est-ce qui a suscité la note que vous avez fait circuler appelant à plus de rigueur dans le choix des personnes à décorer ?

M.D. : Il s’agit de rumeurs. Vous, si on vous propose de nos jours à Sidwaya pour être décoré, il y aura des gens qui ne seront pas contents. Aussi se mettront-ils à critiquer. Ils diront que vous n’êtes pas bon et qu’il fallait que ce soit untel. Cela est normal car c’est humain. Ce sont ces rumeurs et ces critiques qui nous ont amené à faire sortir la circulaire pour demander plus de rigueur dans le choix des récipiendaires.

S.P. : Avez-vous eu le sentiment que cet appel a été entendu cette année ?

M.D. : Ah oui, nous l’avons senti ! Je me rappelle très bien que dans ma province, il y a des femmes qui se sont plaintes que leurs noms avaient été proposé alors qu’au final, ces noms n’ont pas été retenus.

Ce qui veut dire qu’il y a eu un tri pour retenir les plus méritants ! Tout le monde peut mériter, mais on ne peut pas décorer tout le monde.

S.P. : La grande chancellerie peut-elle refuser de décorer quelqu’un parce qu’elle croit qu’il ne le mérite pas ?

M.D. : La grande chancellerie peut refuser de décorer quelqu’un s’il doit passer devant le tribunal. En ce moment, nous suspendons la proposition de la personne. Si la personne passe devant le tribunal et n’est pas condamné, on la lui accorde, si c’est le contraire on la lui retire, même si vous êtes déjà décoré, on vous retire votre décoration.

S.P. : Combien de personnes seront décorées cette année sur le territoire national ?

M.D. : Sur le plan national, toutes les décorations confondues, on enregistre 1253 personnes, ordres et médailles confondus. Il y a les ordres nationaux qui sont l’Ordre national et l’Ordre du mérite et les ordres spécifiques à savoir, les palms académiques, développement rurale, sport, etc. Et les médailles qui se repartissent en médailles d’honneur pour les officiers, les militaires, les médailles d’honneur de la police, des sapeurs-pompiers, des eaux et forêts, des gardes pénitentiaires et la médaille d’honneur des collectivités locales. C’est l’ensemble de toutes ces distinctions qui élève le nombre des personnes à décorer à 1253.

S.P. : Que gagne un citoyen après sa décoration ?

M.S. : Mais c’est de la fierté d’abord ! Vous êtes fier d’avoir été reconnu comme bon travailleur par l’Etat. En plus, vous avez un avancement d’un échelon, pour ce qui est des agents de la Fonction publique. En ce qui concerne les contractuels, ils ont 10 % de plus sur leur salaire. En outre, vous avez droit aux honneurs militaires, quelqu’un qui est décoré de l’Ordre national et qui porte sa médaille, la troupe doit lui présenter les armes ! Il ne faut pas oublier, si vous mourrez et que vous êtes commandeur de l’Ordre, vous avez droit aux honneurs funèbres, vous voyez, tout ça ce sont des honneurs !

S.P. : Etes-vous sûr que les récipiendaires en bénéficient réellement ?

M.D. : Oh si ! Pourquoi pas ? Il suffit de faire la demande au ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat qui le transmet à celui des finances. Nous n’avons pas reçu la demande de quelqu’un qui se plaint de n’en avoir pas bénéficié. Et puis, nous, de toutes les façons, ce n’est pas notre problème.

Nous, nous décorons et le reste, le ministère de la Fonction publique et celui des Finances gèrent, nous n’avons plus rien à y avoir.

S.P. : Pourquoi à l’occasion des grandes cérémonies, les personnes déjà décorées arborent leurs médailles ? Est-ce une obligation ?

M.D. : Bien sûr, c’est une obligation pour eux. C’est pour prouver qu’ils ont au moins mérité de la Nation, raison pour laquelle ils ont été décorés. C’est comme un ancien combattant. Quand il a fait la guerre de 1939-1945, il porte cette médaille, quand il a fait la guerre d’Indochine, il porte également cette médaille pour dire qu’il a été un bon combattant durant ces deux guerres. Ah oui, quand vous voyez ces médailles sur la poitrine de ces gens, il faut savoir qu’ils ont fait quelque chose pour l’Etat et qu’ils ne l’ont pas volé !

S.P. : La commémoration de la fête de l’Indépendance du Burkina Faso rime-t-elle avec décoration ?

M.D. : Mais ça fait partie ! Pourquoi pas ? C’est la fête nationale, c’est une grande cérémonie à laquelle tout le monde participe.

Quoi de plus normal de décorer les plus méritants devant le public, leurs parents et amis pour faire comprendre qu’elle est un acte nécessaire, important et qu’il faut travailler pour la mériter ? Il s’agit d’inciter les autres à tendre vers l’excellence. Rien n’a volé aux éclats dans la célébration du 11-Décembre. Pour faire un défilé, vous croyez que c’est un million ? Ce sont des millions ! Je ne dis pas que c’est le coût qui empêche de défilé, mais il y a d’autres événements qui jouent sur la célébration du 11-Décembre en grande pompe.

S.P. : Existe-t-il un recours pour ceux qui remplissent les conditions pour être décorés et qui ne le sont pas ?

M.D. : Pas chez nous de toutes les façons ! Quel recours allez-vous faire ? Si vous dites que vous remplissez les conditions, c’est votre patron qu’il va falloir voir. Si vous êtes dans un service, on propose vos collègues et on ne vous propose pas, vous allez vous plaindre à qui ? Si ce n’est pas à votre patron, ce n’est pas à la grande chancellerie des ordres burkinabè ! C’est votre patron qui vous connaît, nous, nous ne vous connaissons pas.

S.P. : Comment expliquez-vous les décorations à titre posthume ?

M.D. : Les décorations à titre posthume, c’est quand la personne était proposable et qu’il décède immédiatement. Quelqu’un qui devait être décoré le 11 décembre, qui a son décret qui était sorti et que la personne meurt avant le 11 décembre, on le décore en même temps au cimetière.

L’autre volet, c’est que si quelqu’un rend l’âme après le 11 décembre, dans le cadre du service, alors qu’il avait été proposé, pour l’Ordre national, c’est six mois et pour l’Ordre de mérite huit mois. Dans ces cas, dans les six ou huit mois, ces personnes peuvent être décorées à titre posthume.

Ali TRAORE

Sidwaya

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