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Non-lieu dans l’affaire Norbert Zongo : "Le doute ne profite pas à l’inculpé"

Publié le jeudi 7 décembre 2006 à 08h14min

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Dans le cadre des préparatifs de la commémoration du 8e anniversaire de la mort du journaliste Norbert Zongo, la section provinciale du Collectif d’organisation de masse et de partis politiques du Yatenga a organisé une conférence publique le dimanche 03 décembre 2006.

Le thème de cette conférence, "Impunité au Burkina Faso : l’exemple du non-lieu dans l’affaire Norbert Zongo", a été développé par l’avocat Me Prosper Farama. C’était à la Maison des jeunes et de la culture de Ouahigouya (MJCO).

C’est une salle de la MJCO pleine à craquer qui a accueilli le conférencier du jour, qui n’était autre que Me Prosper Farama, membre du Collectif d’avocats qui défend le dossier Norbert Zongo.

Comme dans une plaidoirie, Me Farama, point par point, n’est pas allé du dos de la cuillère pour dénoncer la mauvaise foi des autorités judiciaires et des dirigeants de la IVe République dans le traitement du dossier Norbert Zongo.

Il a d’abord insisté sur des irrégularités qui avaient émaillé la conduite du dossier dès le départ. Selon l’avocat, le temps mis par les autorités judiciaires à procéder à la première détention des personnes suspectées est une intention manifeste de laisser disparaître des traces.

Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant d’inculper uniquement Marcel Kafando alors que la Commission d’enquête indépendante a désigné 6 suspects sérieux ? s’est-il interrogé.

Au sujet du non-lieu dont a bénéficié l’adjudant Kafando, l’avocat chargé du dossier de Norbert Zongo a laissé entendre que les arguments avancés par le juge d’instruction ne pèsent pas.

Des armes militaires

Selon lui, en suivant la logique du juge d’instruction, c’est uniquement sur la base de la déposition de Racine Yaméogo, qu’il a inculpé l’ancien patron de la sécurité rapprochée du président. "C’est en février 2000 que Racine Yaméogo a fait sa première déclaration devant le juge d’instruction, accablant Marcel Kafando ; pourtant c’est le 29 février 2001 que ce dernier a été inculpé.

Pourquoi attendre ce temps, avant de mettre Marcel Kafando en détention si l’unique déclaration de Racine Yaméogo était une preuve suffisante pour arrêter et relaxer le suspect" ? a relevé le conférencier.

Pour lui, des indices plus sérieux dont on ne veut pas entendre parler existent bel et bien : il y a d’abord que le crime a été commis avec des armes militaires et par des professionnels, la non-concordance des appels téléphoniques des 6 suspects sérieux.

De la mort de Norbert Zongo, à en croire l’avocat, Marcel Kafando aurait déclaré dans un premier temps à la commission d’enquête l’avoir apprise le 14 décembre vers 11 heures à l’université de Ouagadougou. Trois mois après, devant le juge d’instruction, il dit avoir appris la mort du journaliste dans la matinée du 14 décembre devant son bureau par la bouche de Racine Yaméogo.

"Vous voyez, le 14 décembre dans la matinée entre 8 heures et 9 heures, l’université de Ouaga était en ébullition, le siège du CDP a pris feu vers 10 heures, c’est tout de même curieux qu’un chargé de la sécurité rapprochée du président ne soit pas informé de la cause de ces manifestations", s’offusque le conférencier.

"Leur absence à un certain moment le 13 décembre, alors qu’ils étaient consignés, constitue autant d’indices graves qui accablent les 6 suspects désignés par la commission d’enquête", enfonce-t-il.

Il en est de même pour François Compaoré qui aurait dit avoir appris la mort de Norbert Zongo le 15 décembre à Paris alors qu’il a quitté Ouagadougou à 22 heures au moment où la grande majorité des Ouagavillois étaient informés de la triste nouvelle.

Le doute profite à l’accusé

Pour le maître du crachoir du jour, le juge d’instruction a failli en ne protégeant pas Racine Yaméogo, qui semblait être son témoin principal. Une pression en quelque sorte pour l’amener à revenir sur ses déclarations.

Plus loin, Me Farama dira que l’argument du juge d’instruction comme quoi "Le doute profite à l’accusé" est une aberration et une insulte à l’endroit des professionnels de la justice. L’avocat est catégorique à ce sujet. Le doute profite à l’accusé, mais pas à l’inculpé. Dans l’inculpation il y a le doute.

C’est uniquement devant le tribunal qu’on parle d’accusé. Et de citer Yacouba Ouattara qui a été conduit devant les juges puis relaxé. Pourtant l’intéressé n’a jamais reconnu son crime au moment de l’instruction.

Selon l’animateur de la conférence, juridiquement, si le dossier est déposé au greffe du Tribunal de grande instance, il tombe sous le coup de la prescription 10 ans après. Ce qui signifie son enterrement et on n’en parle plus.

Le Collectif des avocats n’entend pas boire de cette eau. Il compte réunir les éléments nécessaires pour saisir les juridictions internationales : la CEDEAO, la Cour africaine des droits de l’homme, le Conseil des Nations unies pour les droits de l’homme.

Mais le défenseur des veuves et des orphelins en ces termes relativise. "C’est uniquement la détermination des gens épris de paix et de justice qui pourra donner une issue heureuse au dossier Norbert Zongo. Rester indifférent autour de cette affaire, c’est participer à asseoir définitivement la culture de l’impunité au Burkina Faso", a-t-il conclu en substance.

Notons qu’après cette conférence publique, la projection du film Bory-Bana le 10 décembre 2006 et une marche meeting le 13 décembre 2006 marqueront la commémoration du 8e anniversaire de la mort de Norbert Zongo à Ouahigouya.

Emery Albert Ouédraogo

L’Observateur Paalga

P.-S.

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Affaire Norbert Zongo

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