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Côte d’Ivoire : Qui crée les conditions de la sédition ?

Publié le mardi 5 décembre 2006 à 07h18min

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Gbagbo et Annan

L’Organisation des Nations unies doit en principe se réunir le 1er février prochain pour évaluer la mise en oeuvre à mi-parcours de la résolution 1721 sur la Côte d’Ivoire. Autant le dire tout de suite, les fonctionnaires de la maison de verre de New York plancheront sur un dossier vide en matière d’avancée dans le processus de règlement de la crise ivoirienne.

Depuis le 1er novembre qu’elle a été votée, cette résolution n’a jamais pu être appliquée par le Premier ministre à qui d’importantes prérogatives ont été confiées... sur le papier. Dans les faits, le président ivoirien et ses thuriféraires avaient déjà enterré le texte onusien, en invoquant la prééminence de la Constitution ivoirienne sur le droit international. L’ONU, qui ne semble pas avoir tiré les leçons des échecs passés, croyait avoir trouvé en la résolution 1721 la parade aux manoeuvres du président Gbagbo et avait croisé les bras, laissant le Premier ministre seul se débattre au milieu des prédateurs politiques de la présidence, du FPI et des "jeunes patriotes".

Les derniers développements de la situation en Côte d’Ivoire, marqués par la mise à mal de l’autorité de Charles Konan Banny et les attaques violentes contre le Groupe de travail international, vont-ils enfin persuader l’ONU que sa résolution ne mènera à rien ? Plus grave, le pouvoir d’Abidjan, passé maître dans l’art de la roublardise, accuse le GTI, donc la communauté internationale, de sédition et menace de porter plainte contre lui. C’est l’histoire du voleur qui crie au voleur. Gbagbo, qui est à l’origine des déboires subis par les médiateurs de tous bords, qui a piétiné les accords successifs, se permet d’accuser le GTI de subversion ! Une véritable atteinte à l’honneur de cette structure mandatée par la communauté internationale pour veiller à la bonne exécution de la feuille de route.

Certes, en politique, la meilleure stratégie consiste à anticiper et non à être toujours sur la défensive, au risque de subir le cours des événements. Mais force est de reconnaître qu’une fois de plus, les dirigeants ivoiriens ont dépassé les limites de l’entendement. Si Gbagbo et ses sbires continuent ainsi à piétiner les résolutions onusiennes, c’est parce que l’ONU elle-même s’est montrée inconséquente. Le texte même du GTI transpire cette mollesse en ce sens que tout en légitimant le chef du gouvernement, il s’entoure de formules trop diplomatiques. De sorte qu’en aucune fois, le président Gbagbo, identifié pourtant par tous comme le fauteur de troubles, n’a été cité, a fortiori condamné ouvertement.

Ce manque de courage ne peut que donner des ailes aux partisans de Gbagbo pour davantage affiner leur stratégie du chaos. L’objectif ultime étant, on le sait, de toujours renvoyer les élections aux calendes grecques et de perpétuer cet Etat d’exception qui permet toutes les formes de prédation sur les richesses du pays. Il ne reste aux sbires du pouvoir qu’à asséner le coup de grâce au processus en poussant le Premier ministre à la démission, faute de pouvoir le démettre juridiquement. Retranché à Yamoussoukro, la capitale politique fantomatique, il semble d’ailleurs dans une posture défensive, abandonnant la capitale économique où siègent en réalité les institutions républicaines et le pouvoir, aux seules mains de Gbagbo.

Gbagbo a les moyens de sa politique. Et les rumeurs selon lesquelles il aurait un Premier ministre de rechange ne sont pas saugrenues. Dans sa guerre contre Banny et la communauté internationale, il pourrait nommer un nouveau gouvernement à sa solde, pour montrer à qui veut, qu’il détient la réalité du pouvoir. De toute façon, ses décrets révoquant les directeurs de médias d’Etat nommés par Banny ou réinstallant les dirigeants du port impliqués dans le scandale des déchets toxiques, en disent long sur la volonté du président ivoirien de trancher définitivement l’autre tête de l’exécutif pour rester le seul maître à bord.

Si donc l’ONU tient à éviter une nouvelle humiliation, c’est-à-dire la non tenue des élections en octobre prochain, elle n’a d’autre choix que d’agir dès maintenant. Les échéances fixées par le GTI pour le processus électoral et de désarmement seront encore bafouées. Alors, faut-il continuer à faire l’autruche sur les responsabilités dans le prolongement de la crise en Côte d’Ivoire ? On sait qui crée la sédition, pour emprunter le mot du clan Gbagbo. Il s’agit d’avoir le courage de mettre fin à ses agissements. La communauté internationale le veut-elle ? C’est toute la question.

Le Pays

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