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Libye : L’enfer pour les émigrés clandestins

Publié le mardi 5 décembre 2006 à 07h07min

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Kaddafi

Alors que l’Union européenne et l’Union africaine discutaient en Libye de l’émigration, une association marocaine dénonce l’arrestation arbitraire de centaines de migrants africains au pays de Kadhafi, parfois accompagnée de torture et de menaces de viol.

"Qu’on me rende le corps de mon fils !". Ce cri de désespoir est celui du père d’Aydouni Mohamed, un jeune Marocain qui s’est rendu en Libye, il y a trois ans, dans l’espoir de passer plus tard, clandestinement, en Italie. A 28 ans, Mohamed croyait dur comme fer à ses chances, au point de payer 4 000 euros à un passeur, membre de sa propre famille. Il n’est pas revenu et, officiellement, il est considéré comme mort. Malgré des recherches en Libye, ses parents ne parviennent pas à trouver son corps. Ils accusent les autorités libyennes de l’avoir liquidé et le passeur de continuer à sévir en toute impunité.

Les parents de Mohamed ne sont pas seuls dans ce cas. De nombreuses familles sont sans nouvelle d’un fils, d’une fille, d’un frère ou d’une soeur, tous partis vers la Libye dans l’espoir d’entrer coûte que coûte en Italie. Et c’est au moment où, la semaine dernière, l’Europe et l’Afrique tenaient une conférence ministérielle sur les migrations à Tripoli, sous la présidence libyenne, que l’Association marocaine des familles et des amis des victimes de l’immigration clandestine (AFVIC) rendait publics une soixantaine de témoignages. Parmi eux, ceux de quelques rescapés de l’aventure libyenne.

Tandis qu’à Tripoli, la conférence concluait que "la migration illégale ne doit pas être abordée uniquement sous l’angle de la sécurité", à Casablanca, Khalil Jemmah, président de l’AFVIC, dénonçait :

"Près de 750 migrants marocains et un nombre encore plus important d’Africains subsahariens sont jétés, sans procès, dans les centres de détention libyens". Et d’évoquer des cas de torture et de spoliation de biens de ces migrants "clandestins". Selon lui, des éléments des forces de l’ordre libyennes sont responsables de ces actes. Khalil Jemmah dénonce également des cas de viol de jeunes émigrées en situation irrégulière, dans des centres de détention.

Confirmé par Human Rights Watch

Kamal Ghalfi, 20 ans, est un de ces témoins, qui vient d’être extradé vers le Maroc. Ce jeune Casablancais confirme les propos de Khalil Jemmah, se rappelant, les larmes aux yeux, les 21 jours qu’il a passés à la prison d’El Fellah. "C’était l’enfer ! J’ai failli crever de faim et de fatigue à force de travailler comme un esclave pour mes geôliers", résume-t-il, ému. Le jour où il a été incarcéré, Kamal avait échappé de peu à la mort. Il était parmi les rares rescapés du naufrage du bateau surchargé qui devait l’amener clandestinement sur l’île italienne de Lampedusa.

Mehdi Rajaâ Allah, 31 ans, de Khouribga, est aussi passé par la prison d’El Fellah. Il confie : "Plus de 40 personnes dont des Marocains, des Camerounais, des Maliens, des Soudanais, des Tchadiens, des Egyptiens, des Congolais... sont tabassés sans raison, giflés, humiliés..." Il ajoute, la voix étouffée : "On nous entassait comme du bétail dans des hangars puants. "

Le 13 septembre dernier, Human Rights Wach (HRW) dénonçait, dans un rapport de 135 pages* l’existence en Libye de 34 centres de détention où croupissaient plus de 5 000 prisonniers étrangers, surtout subsahariens. Aux ressortissants des pays cités par Mehdi Rajaâ Allah s’ajoutent, selon HRW, des Erythréens, des Ethiopiens, des Ghanéens, des Nigériens et Nigérians... L’ONG confirmait les détentions illégales et la torture : "...

Les étrangers qui avaient passé un certain temps en Libye ont fait état de mauvais traitements en détention, notamment des passages à tabac, d’une surpopulation carcérale, des conditions médiocres, de l’impossibilité de consulter un avocat et de l’accès limité à l’information en attendant l’expulsion." Elle ajoute : "Certaines personnes interrogées ont déclaré a Human Rights Watch qu’elles avaient été témoins ou victimes de corruption policière lors d’arrestations ou durant la détention. En échange d’un bakchich, des agents de la sécurité ont laissé partir des détenus ou leur ont permis de s’évader. " Par contre, HRW évoque des menaces de viols, sans plus.

L’ambassade de Libye au Maroc n’a pas voulu répondre à nos demandes de réaction. Tripoli s’est contentée de nier ces accusations en bloc, sur les ondes d’AI Jazeera. Les autorités libyennes affirment simplement que leurs services de sécurité travaillent dans le cadre de la loi. La Libye n’est pas signataire de la Convention de 1951 de l’ONU, qui protège les réfugiés. Or, précise Human Rights Watch, le pays abrite plus d’un million d’émigrés en situation irrégulière, dont un nombre important de demandeurs d’asile potentiels, qui ne peuvent donc être enregistrés. Six cents autres émigrés sont légalement reconnus. HRW ajoute que Tripoli a procédé de 2003 à 2005, à l’expulsion forcée de 145 000 étrangers.

Mohamed Zainabi

Le Pays

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