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Tentative présumée de putsch : L’acte 1 du grand déballage

Publié le mercredi 7 avril 2004 à 07h04min

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Le capitaine Ouali et
le pasteur Paré

Comme annoncé, le procès de la tentative présumée de putsch
a débuté le 6 avril 2004 au Tribunal militaire de Ouaga. Treize
inculpés (11 militaires et 2 civils) comparaissent pour répondre
des crimes de trahison et d’atteinte à la sûreté de l’Etat et de
tentative de complot contre la sûreté de l’Etat. Le premier jour du
procès a été dominé par les débats sur certains actes
accomplis dans le cadre de la procédure avec les exceptions
soulevées par les avocats des inculpés.

Après le procès de l’affaire David Ouédraogo en août 2000, le
Tribunal militaire de Ouaga n’avait pas renoué avec pareille
affluence. Dès les premières heures du 6 avril, le périmètre du
tribunal était bouclé par les forces de l’ordre. Pour accéder à
l’enceinte du tribunal, il fallait faire la queue, montrer sa pièce
d’identité, se débarrasser de son portable même éteint et
passer sous le détecteur de métaux. Bon nombre de gens s’y
sont soumis et ont pris place dans la salle d’audience.

A 8 h 05,
les juges Franck Compaoré et Marc Zongo font leur entrée dans
la salle. Ils sont immédiatement suivis par les inculpés. Le
premier acte a été l’appel des inculpés et de leurs avocats.
L’audience est suspendue 10 mn après à cause de l’absence
de 2 avocats : Me Oumarou Ouédraogo qui défend le Capitaine
Boulédié Bayoulou et Me Franceline Toé/Bouda commise
d’office pour le Sergent-chef Abdoulaye Konfé.

Entre temps, les
absents font leur entrée, et le tribunal, à sa sortie, a tiré au sort
les assesseurs titulaires et leurs suppléants (tous des
militaires) après avoir pris connaissance de la présence
effective des avocats qui étaient absents.

Le tirage a permis de
désigner les colonels Mamourou Sanou et le Commandant
Wendemi Dabré et le colonel Blaise Nikiéma en qualité
d’assesseurs titulaires. A ce titre, ils ont rejoint les magistrats
Compaoré et Zongo après avoir prêté serment.

Après, lecture de
l’ordre de convocation du tribunal a été faite suivie de l’appel des
témoins cités par le commissaire du gouvernement, Abdoulaye
Barry, et quelques inculpés. Il ressort que la liste des témoins
du ministère public est la plus longue et comporte des figures
de proue comme le Général Kouamé Lougué ( ancien ministre
de la Défense), le Colonel Gilbert Diendéré (chef d’Etat-major
particulier de la Présidence du Faso), le chef du Régiment de
sécurité présidentielle, Adenali Atogodan, le président du
Collectif Halidou Ouédraogo, l’opérateur économique Mohamed
Sogli, etc.

Le bal des explications

Le Lieutenant Philippe Minoungou, le Sergent-chef Bouma Yaro
et le soldat de 1re classe Jean Badassongo ont été cités par le
ministère public comme témoins après avoir été relaxés. Les
autres témoins cités par des inculpés et qui retiennent l’attention
sont le Colonel Badaye Fayama, ancien ministre de la Défense,
Pr Joseph Ki-Zerbo et Chérif Sy, directeur de publication de
l’hebdomadaire "Bendré".

L’appel des témoins terminé et après leur retrait dans une autre
salle, une lecture de plus d’une heure de l’arrêt de renvoi pour
comparution devant la Chambre de jugement a été faite. L’acte
expose les faits, ici le projet de putsch dont les autorités
judiciaires disent avoir eu vent en fin septembre 2003, donne
des renseignements sur la personnalité des inculpés, leur
identité. De tous les inculpés, seul le Capitaine Diapagri Luther
Ouali a un antécédent judiciaire avec une condamnation
pécuniaire en 1999 pour violence.

Au terme de l’arrêt, 12
inculpés sont poursuivis pour complot et attentat contre la sûreté
de l’Etat et un seul (Capitaine Ouali) doit répondre de trahison.
La lecture terminée, Me Mamadou Savadogo, avocat de Babou
Naon, prend la parole et s’interroge sur la présence au procès
de Abdoulaye Barry en qualité de commissaire du
gouvernement étant donné qu’il n’est pas un magistrat militaire.
Toute chose qui est en contradiction avec l’article 20 du Code de
justice militaire. Son confrère Me Issa Diallo, un des 5 avocats
de Norbert Tiendrébéogo, au titre des exceptions, dit que l’ordre
de poursuite des inculpés n’est pas délivré par le ministre de la
Défense comme cela se doit et conclut à sa nullité. Me Prosper
Farama, qui défend le leader du Front des forces sociales (FFS),
Norbert Tiendrébéogo, affirme que l’ ordre de poursuite ne
mentionne pas les faits et a été irrégulièrement pris parce que
datant du 23 octobre 2003 alors que les pièces qui le fondent
ont été transmises le 24 octobre.

Le bal des exceptions ainsi ouvert s’est poursuivi avec Me
Bakary Tou, avocat du Sergent-chef Baliboué Bako. Il s’est dit
surpris d’avoir été commis d’office aux côtés du sous-officier le
29 mars 2004 à quelques jours du procès. L’enquête
préliminaire et l’instruction se sont déroulés à son absence
alors que sauf renonciation expresse de l’inculpé, il doit être,
dès les premiers moments assisté d’un avocat
personnellement constitué ou commis d’office.

Me Benoît
Sawadogo, un des avocats constitués pour l’Etat burkinabè avec
Mes Antoinette Ouédraogo et Anicet Pascal Somé, fait savoir que
le tribunal n’est pas compétent pour connaître les exceptions
soulevées. N’empêche, ses confrères ont continué d’en
soulever. Ainsi, Me Franceline Toé/Bouda a dit être dans la
même situation que son confrère Tou pour avoir été commise
d’office le 30 mars 2004. Me Hamidou Sawadogo, avocat du
Commandant Rémi Sié Kambou fait savoir que le nom de son
client ne figure ni sur l’ordre d’informer du commissaire du
gouvernement ni sur celui de poursuite du ministre de la
Défense. Logiquement, il ne devrait pas être poursuivi parce que
rien n’est retenu contre lui.

Le substitut du commissaire du gouvernement, le commandant
Abdoul Karim Traoré, en réplique à Me Farama, a laissé
entendre que les pièces fondant la prise de l’ordre de poursuite
ont été bel et bien transmises le 23 octobre. Le ministre de la
Défense de l’époque, le Général Kouamé Lougué, a fait
diligence en prenant l’ordre le même jour, a-t-il dit. Le
commissaire du gouvernement a fait savoir que les dispositions
transitoires du Code de justice militaire permettant à des
magistrats non militaires d’évoluer au sein de celle-ci. A ce titre,
sa présence au procès n’a rien d’illégal ou d’irrégulier.
A sa suite, le président du tribunal a suspendu, en fin de
matinée, l’audience pour statuer sur les exceptions. Il a rendu sa
délibération à la reprise de l’audience à 18 h.

Exceptions rejetées

A la reprise, le Tribunal a rejeté toutes les exceptions
soulevées par la défense des inculpés et s’ est déclaré
incompétent pour apprécier la régularité de l’arrêt de renvoi
évoquée par les avocats de la défense. Il s’en est suivi après
des débats au fond.

Premier appelé à la barre : le caporal
Bassama Bassolet. Il a été interrogé sur une commission de
2.400.000 FCFA pour le Lieutenant Philippe Minoungou à Pô et
sur la nature de ses relations avec le pasteur Israël Paré , le
sergent-chef Bako et le capitaine Ouali. Le point commun de
ses quatre personnes est leur appartenance à la même Eglise,
celle du pasteur Paré. Le caporal Bassolet a dit ne pas savoir la
destination de la commission qu’il devait transmettre au
capitaine Minoungou.

Le sergent-chef Baliboué Bako a, quant à
lui, reconnu avoir reçu la somme de deux millions de franc CFA
de la part de Ouali. Il a affirmé l’avoir dépensée en attendant des
instructions qui ne sont jamais arrivées jusqu’à son arrestation.

Le capitaine Ouali, interrogé sur la destination de la somme, a
dit qu’elle devrait servir à son destinataire pour la mobilisation
de vétérans du Liberia sous sa coupe pour des actions de
revendication.

Le dernier accusé à être entendu est le sergent
Babou Naon. Il a tout de go reconnu les faits à lui reprochés en
ce sens qu’il a été contacté dans un premier temps par le
capitaine Ouali pour une marche de revendication. Il a vite donné
son accord comme lorsqu’il le contactera pour un projet de
putsch. Il dit être disposé pour cette aventure parce qu’il n’est
plus bien vu à la Présidence après l’assassinat du journaliste
Norbert Zongo dont il a désapprouvé de vive voix la méthode
utilisée auprès de François Compaoré, petit frère du chef de
l’Etat.

Dans le cadre du projet, il dit avoir donné de l’argent à des
militaires de la part du capitaine Ouali sans leur jamais toucher
mot de ce qui se tramait. celui-ci, dit-il, n’a pas eu le temps de
mûrir puisque des arrestations ont commencé à être
immédiatement opérées alors qu’il regagnait Ouahigouya, son
nouveau poste d’affectation. Il ne dira pas plus pour la journée
étant donné que le président a suspendu l’audience à 21h 10.
Celle-ci sera reprise, en principe, ce matin à 8h30.


Les bruits du palais

- Périmètre de haute sécurité

Le palais de justice militaire a été transformé en une forteresse
depuis la veille du procès. Toutes les voies d’accès ont été
interdites à la circulation. Un périmètre de sécurité constitué de
policiers et de gendarmes. Sur le toit du palais, des "ninjas",
des gendarmes en casques et armes au point pour parer à
toute éventualité.

- Des lève-tôt

Les premiers à accéder à la salle d’audience sont ceux qui y
étaient avant 6h30 mn. A peine le dispositif de filtrage installé et
l’ordre d’entrer donné, la salle s’est remplie en un clin d’ oeil.

8h 05 : c’est l’heure à laquelle le juge fit son entrée dans la salle
suivi des prévenus et de quelques témoins. Le public se mit
debout. Le problème de places se posa dès lors avec plus
d’acuité.

- De l’apparence des inculpés

Les 13 accusés avaient tous bonne mine à leur arrivée dans la
salle d’audience. Ils n’ont pas eu de problème de places dans la
mesure où ils étaient les "vedettes" du jour. Ouali Diapagri
Luther et Babou Naon étaient vêtus de belles tenues militaires.

- Le commandant Traoré Omer Hermann recusé

Il a été récusé par le conseil de Norbert Tiendrebéogo, Me
Prosper Farama. Selon la loi, cette récusation n’est pas à
motiver. Le commissaire du gouvernement a quant à lui requis
que le colonel Honoré F. Traoré et deux autres soient exclus du
tirage au sort pour cause de mission.

- Ki-Zerbo, vedette absente

L’appel des témoins a vu la première confrontation de la
journée entre le commissaire du gouvernement, Abdoulaye
Barry et Me Mamadou Savadogo, conseil de Babou Naon. Le
professeur Joseph Ki-Zerbo étant souffrant, n’a pu se présenter
à l’audience. Pour Abdoulaye Barry , la loi fait obligation au
témoin d’être présent à l’audience faute de quoi son audition n’
est pas retenue. Le juge Franck Compaoré a finalement
tranché. Il sera entendu à titre d’ information.

- Les problèmes du greffier

Un des greffiers qui avait la charge de lire l’arrêt de renvoi avait
du mal à prononcer le mot "putsch". A la place, on entendait
plutôt "pitsch" . Ce qui ne manquait pas de faire sourire
l’assistance.

- Maudit téléphone

Un de nos confrères a eu maille à partir avec les forces de
sécurité à cause de son portable qui s’est mis à sonner en plein
procès. C’était son second portable qu’il avait oublié de fermer.
Les gendarmes le lui ont retiré et ont failli l’exclure de la salle,
n’eût été la diligence du commissaire du gouvernement. Les
portables et les autres magnétos n’étaient pas autorisés dans
la salle d’audience.

Par Séni DABO et Abdoulaye TAO
Le Pays

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