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Candidatures indépendantes : ce qu’en pensent des étudiants et des hommes politiques

Publié le lundi 4 décembre 2006 à 07h40min

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Sommes-nous au bout de l’épilogue des candidatures indépendantes ? Tout semble l’indiquer avec cette initiative populaire par le MBDHP. La chose avait commencé tout doucement tant l’opposition était farouche au sein des partis politiques, toutes tendances confondues.

Et puis, dans l’ambiance générale de chasse aux partis surtout d’opposition, bien de médias se sont transformés en mécènes des candidatures indépendantes, et le tout a abouti à cette initiative populaire en marche. On raconte qu’il y a des chances qu’elle soit votée parce qu’il y aurait un « deal » secret entre les cercles du pouvoir et ces fameux Indépendants. Qu’en pensent le citoyen lambda et les acteurs politiques ?

Abel Toussaint Coulibaly, UPR (Mouvance présidentielle) :

La demande du MBDHP est une démarche constitutionnelle, la Constitution étant par essence ce qui régit le fonctionnement de la République. Je n’ai aucune objection à faire quant à l’initiative du MBDHP en tant que telle. Mais je suis contre (..) D’abord je crois qu’on a déjà suffisamment de partis politiques. On parle de la centaine. Pour autant, il n’y a pas 100 projets de société si au-delà de ça, on doit avoir des candidatures indépendantes, ça ne fera pas sérieux.

Maxime Ouédraogo, étudiant :

Les gens ont du temps à perdre ; je ne comprends pas pourquoi gaspiller du temps et de l’argent pour des problèmes de seconde catégorie. J’aurais dit oui pour une action pour amener le gouvernement à redresser la barre de notre système éducatif défaillant, pour combattre la pauvreté, le sida. Mais les gens ne sont attachés qu’au matériel, qu’à se mettre à table pour manger. C’est dommage car ces futurs Indépendants, pour moi, ne valent pas mieux que les actuels engagés. Ils sont tous des caïmans d’un même marigot.

Koné Bassirou, Etudiant : Les élections doivent permettre aux citoyens, dans un pays démocratique, de désigner librement leurs représentants. Malheureusement, cette liberté de choisir n’est pas reconnue dans notre pays notamment en ce qui concerne les législatives et les municipales. Et pour cause ! Le refus des candidatures indépendantes au Burkina Faso est un obstacle sérieux à l’exercice d’une véritable démocratie.

En effet, le code électoral en vigueur dans notre pays permet aux partis politiques, coupés des masses et loin de leurs préoccupations, de prendre en otage le peuple en lui enlevant toute véritable possibilité de choix. Il contraint le peuple à choisir ses représentants au sein des candidats présentés par ces partis notamment le parti majoritaire qui est le seul en mesure de présenter des candidats sur l’ensemble du territoire.

Donc, en l’absence de candidatures indépendantes, le peuple n’a pas de choix véritable. Il est marginalisé et ne peut pas exercer son droit citoyen. Par exemple, au niveau local, nous avons des gens ayant les capacités et les compétences nécessaires pour diriger les communes mais le peuple, bien que convaincu que c’est ces hommes qu’il faut, n’a pas la possibilité de les choisir, indépendamment de tout parti politique. Le code électoral oblige ces gens-là à partir sous la bannière d’un parti politique.

Pourquoi priver le peuple de son choix ? A-t-on réellement besoin d’être investi par un parti politique pour mieux gérer un bien public ? Ceux qui l’ont été sont-ils en train de bien gérer ?

Nous pensons que le parti au pouvoir a développé un alibi pour couper le peuple de son choix. C’est dans ce sens que cette initiative du MBDHP, à savoir soumettre des pétitions à l’appréciation du peuple, est salutaire. A notre avis, les candidatures indépendantes constituent le seul matériau de construction d’une véritable démocratie.

A travers les candidatures indépendantes, le peuple élira les dirigeants de son choix, toute chose qui contribuera au renforcement d’un véritable Etat de droit. En refusant les candidatures indépendantes, on fait preuve d’une certaine monopolisation du pouvoir politique, avec comme corollaire la gestion clanique du pays. Pour finir, nous disons Oui aux candidatures indépendantes, Non au refus de celles-ci. Que la démocratie triomphe dans notre pays !

Abdoulaye Traoré, étudiant :

Si les Burkinabé commencent à avoir ras le bol des politiciens, c’est parce qu’ils sont carrément décevants, bourreurs et égoïstes. Mais c’est vrai qu’on ne peut pas se passer de la politique, alors il faut chercher ailleurs. Les Indépendants qui ne sont pas trempés dans les magouilles des politiciens, il y en a au Faso. Si on les appelle, ils vont venir apporter leur expérience ; c’est vrai que ça sera pas facile parce que les partis politiques vont se mobiliser pour ne pas qu’on leur enlève leur gâteau.

On va même voir des gens de l’opposition et de la majorité être d’accord dans ce combat. Mais on va voir. Et je pense que surtout, il faut que le CDP soit d’accord avec l’idée sinon ça ne peut pas passer à l’Assemblée. Sinon, les Indépendants, c’est quelque chose de bien car tout le monde devrait pouvoir s’occuper des affaires du pays.

Konsimbo Evariste, Président du Cercle d’Eveil :

La philosophie et l’esprit des candidatures indépendantes ne sont pas aussi mauvais que ça, surtout si on se situe dans l’hypothèse où notre démocratie est dévoyée et qu’on a un parti unique de fait.

On constate que la grande majorité des partis font allégeance au parti au pouvoir. Ainsi, les candidatures indépendants pourraient faciliter l’émergence de candidatures de qualité et ce, parce qu’il existe beaucoup d’hommes capables de bien assumer des postes électifs mais qui s’abstiennent en raison du caractère verrouillé de notre démocratie.

Mais je fais un bémol : si c’est pour faire émerger des personnes pour aller faire allégeance au pouvoir, ce sera peine perdue. Ce ne seront pas les candidatures indépendantes qui faciliteront l’enracinement de notre démocratie. Il faut aboutir à des réformes pour permettre à l’opposition républicaine de jouer son rôle sinon actuellement, tout est grippé. On aura beau faire des élections pendant 1000 ans dans ces conditions, ce sera peine perdue.

La priorité, c’est la résolution de ce type de problèmes. Le fait est qu’actuellement il y a de grands riches proches du pouvoir mais qui ne bénéficient pas de la coopération des caciques du CDP et l’impression que j’ai, c’est que beaucoup de ces gens font pression pour pouvoir enter et marchander leurs candidatures.

Non, moi je pense qu’il faut que les conditions pour qu’il y ait une opposition républicaine soient établies pour sauver notre démocratie. C’est vrai également que certains membres de la société civile voient ça d’un bon œil mais si l’enjeu, c’est de pouvoir se positionner, c’est peine perdue. Je préfère qu’ils intègrent le parti au pouvoir ou un autre parti pour qu’on parvienne à faire la séparation entre société civile et partis politiques.

On les voit venir d’autant que c’est une structure et pas des moindres qui veut prendre le devant de cette initiative. Si c’est eux-mêmes qui veulent se présenter, qu’ils créent leurs partis politiques ou qu’ils rejoignent d’autres partis qui existent déjà. De toute façon, si c’est eux qui veulent être élus, ils seront dans l’impossibilité de se prévaloir du titre de société civile. En tout cas, je ne vois pas ça d’un bon œil !

Me Hermann Yaméogo, Président de l’UNDD :

La position du parti est bien connue. Elle a déjà été exprimée notamment par Ousmane Guessrima Ouédraogo, Mme Bazemo Annette et Noël Yaméogo, tous membres du BEN au journal l’Opinion. Je la résumerai tout simplement en vous disant que nous ne sommes pas des ennemis des Indépendants, transis de peur devant la perspective qu’on les jette dans l’arène politique.

Nous demandons seulement que leur entrée en danse se fasse en tenant compte des réalités sociologiques et politiques du pays. Nous pensons en particulier qu’avant toute chose, il importe d’assainir le cadre d’expression politique car actuellement, il faut reconnaître qu’il est malsain, totalement pollué.

On ne sait plus qui est qui, et la démocratie pour laquelle les acteurs sont censés travailler, va à la dérive. Les Indépendants, comme les partis politiques, ne peuvent pas jouer au jeu politique dans un tel contexte. C’est comme les joueurs de football : comment pourraient-ils aller sur le terrain de jeu si celui-ci est cabossé, plein de tessons de bouteille et si par ailleurs, on ne sait pas distinguer entre les équipes ?

Pour nous à l’UNDD, il faut régler donc ces préalables qui commandent une pause afin de procéder à la relecture de tout notre processus démocratique pour ramener la démocratie sur son lit. Ainsi donc, le cadre politique assaini, la catégorisation des acteurs politiques légalement réalisée, on saura qui est qui, que veut dire majorité, opposition et Indépendants, quels sont leurs rôles respectifs.

Viendra ensuite la reconnaissance des Indépendants avec des attributions bien ciblées, un champ de compétences qui devrait être limité aux élections présidentielles et aux élections municipales. J’aurai sur la question, incessamment, à tenir une conférence/débat pour aller plus en profondeur sur la question.

San Finna

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