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Confraternité : "Le Pays" n’aurait pas fait ça !

Publié le vendredi 1er décembre 2006 à 07h28min

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La critique est aisée, a-t-on coutume de dire. C’est une position commode que de se trouver dans la position du donneur de leçons plutôt que d’être du côté de celui qui en reçoit.

Que celui d’entre nous qui s’est toujours conduit en sain défenseur de la paix et de l’unité nationale soit béni par les dieux qui surveillent continuellement le baromètre de l’unité et de la cohésion des différentes composantes de la nation burkinabè. Lors de sa conférence à Ratisbone, dans une ville d’Allemagne, le souverain pontife, le pape Benoît XVI, a prononcé une phrase qui a déchaîné la colère et l’indignation de millions de fidèles adeptes de l’Islam. Aujourd’hui, avec le recul, on réalise que les mots du Saint Père seraient passés inaperçus s’ils n’avaient pas été extraits et mis en exergue par la grande Presse internationale. On sait actuellement les conséquences d’une telle pratique journalistique qui devrait être bannie.

La publication par le quotidien "Le Pays", le 23 novembre dernier d’un écrit de l’étudiant Pierre Sawadogo et titré : "Il demande justice pour son père mort" a été l’occasion bénie qu’attendait notre confrère Zoodnoma Kafando du quotidien "L’Observateur Paalga" pour donner une fois encore, une magistrale leçon de déontologie et d’éthique journalistiques à son confrère, à son cadet si l’on veut.

Zoodnoma reproche au journal "Le Pays" d’avoir publié un écrit- qui n’est pas produit par sa rédaction, il faut le préciser- où "le mot "peuhl"a été, en effet, employé, sauf erreur de notre part, huit fois dans le texte" . Signalons pour la seconde fois que l’écrit en question n’a pas été produit par la rédaction du journal qui n’a fait que publier le cri de désarroi d’un jeune aux prises avec des difficultés multiples. Mais cela ne saurait constituer une excuse pour le journal, si tant est qu’il aurait contribué à exacerber les divisions ethniques. Que Dieu nous en préserve, car les ravages que ce fléau a causés ailleurs donnent simplement froid dans le dos.

En effet, Monsieur Zoodnoma écrit : " Au regard de ces éléments et compte tenu du souci de sauvegarder la paix au sein et entre les composantes de la nation burkinabè, nous pensons qu’il n’est pas judicieux, surtout dans les cas de délits et de crimes, de s’appesantir sur l’appartenance ethnique des coupables ou présumés tels". Avant d’asséner cette vérité magistrale sur l’unité nationale, notre confrère nous enseigne que "... ce qui est à la base de ce drame est lié au mode de production qui secrète également, à son tour, une culture. Les uns, la famille de Pierre, sont des agriculteurs sédentaires tandis que les autres, les Peulhs, sont des éleveurs nomades selon la saison. Le mode de production des uns est agricole, celui des autres est pastoral." Plus loin, notre confrère poursuit : " Ce n’est pas tant le paramètre ethnique que l’appartenance à un mode de production qui est ici déterminant."

Que reprochez-vous au journal "Le Pays" ? D’avoir servi à faire l’écho d’un cri du coeur comme vous le dites si bien ? Car si "Le Pays" avait failli à sa mission jusqu’à aller nuire "au souci de sauvegarder la paix au sein et entre les composantes de la nation burkinabè", le Conseil supérieur de la communication (CSC) l’aurait interpellé pour qu’il s’explique, et en cas de faute grave dûment constatée, le sanctionner.

"Le Pays" ne vous suivra pas sur votre voie de mode de production, ni celle d’"une certaine division ethnique du travail" pour expliquer le drame dont il est question, car il les estime dangereuses. Pour nous, la différence des modes de production, la différence et la multitude des activités professionnelles n’ont jamais été sources de conflits entre les composantes d’une nation, mais tout au contraire des sources d’enrichissement pour elle.

Comme vous, nous avons été le premier à déplorer ce drame que le jeune Pierre Sawadogo vit dans son âme et dans sa chair en ce moment. S’il a pu convaincre son entourage de ne pas céder à la vengeance, c’est qu’il a été le premier de nous tous à réaliser que ce n’est pas "un mode de production qui secrète à son tour une culture" qui justifie le meurtre de son père et la situation dans laquelle il se trouve présentement.

Tout se passe comme si Zoodnoma Kafando visait à dresser une ethnie contre les travailleurs du "Pays", ce qui est loin de relever de la vertu républicaine et de la cohésion sociale, toutes choses que semble pourtant célébrer Zoodnoma. Ainsi répond-on au mal par le mal ?

Franchement, laissons le Conseil supérieur de la communication, cette structure qui regroupe des professionnels émérites, faire son travail. Quant aux médias, ils n’ont pas mieux à faire que d’informer leur public et de cultiver l’esprit de confraternité. Car le "Fou" se souvient que des articles à forts relents régionalistes signés d’un homme politique de la région de la Comoé ont déjà été publiés par le passé dans le journal de Zoodnoma. Le journal du Fou s’était, à l’époque, s’abstenu de s’en faire l’écho. "Le Pays" ne s’était pas senti le devoir de donner des leçons à son confrère.

Pour terminer, mon cher Zoodnoma, en toute confraternité, l’échange de bons procédés entre hommes des médias aurait voulu que vous appeliez votre confrère pour attirer confraternellement également son attention sur cette "dérive", qui, selon vous, risque de porter une atteinte grave à la sauvegarde de la paix au sein et entre les composantes de la nation burkinabè. Confraternellement vôtre.

"Le Fou"

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Vos commentaires

  • Le 1er décembre 2006 à 23:03, par Jean-Claude NABA En réponse à : > Confraternité : "Le Pays" n’aurait pas fait ça !

    Je n’aurais certainement pas réagi à votre écrit, n’eut été cette fin que je juge plutôt malheureuse :

    Pour terminer, mon cher Zoodnoma, en toute confraternité, l’échange de bons procédés entre hommes des médias aurait voulu que vous appeliez votre confrère pour attirer confraternellement également son attention sur cette "dérive", qui, selon vous, risque de porter une atteinte grave à la sauvegarde de la paix au sein et entre les composantes de la nation burkinabè.

    Pourquoi le fait pour Zoodnoma de réagir par écrit à un de vos articles devrait-il être considéré comme un manque de "bons procédés" ? Bien au contraire, cette réaction, en plus de prouver - en est-il besoin ? - que les choses ne se passent pas secrètement entre gens des médias, aurait pu, aurait dû être considéré par "Le Pays" comme un défi, intellectuel et journalistique : répondre de la manière la plus neutre possible à ce qui semble être des accusations qui, même si elles sont graves, sont bel et bien compréhensibles dans le contexte burkinabè : ce n’est pas la première fois que, dans la presse burkinabè, on attire l’attention sur la mise en relief souvent inutile, de l’appartenance ethnique.

    J’ai acquis la conviction que le Burkinabè (je ne m’exclue pas de cette généralisation) n’aime pas la critique, n’apprécie pas les reproches. Il se sent vite attaqué, blessé dans son amour-propre, et sa réaction finit par manquer d’objectivité.

    Un journal peut, doit même pouvoir "attaquer" un confrère, sans que cela ne soit mal pris, sans qu’il n’y ait nécessité de lui rappeler une quelconque hiérarchie familiale : cadet ou pas, ce qui importe, c’est le sujet...

    • Le 7 décembre 2006 à 12:16, par Banceal En réponse à : > Confraternité : "Le Pays" n’aurait pas fait ça !

      Bonjour,
      Je réagis à la réaction de Monsieur Naba.
      Je te concède la difficulté qu’ont certains burkinabe souvent à admettre la critique. Cependant, je juge la réponse du Pays dans toute sa dimension, y compris donc la dernière partie que vous incriminez, totalement recevable. En effet, la critique doit être constructive et non destrictive. Toute critique doit être sensée, réflechie. La sagesse africaine nous dit que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire et surtout ne se disent pas de la même façon. Cela est surtout valable pour les critiques notamment qui utilisent le support médiatique. La réaction de Zandooma, même justifiée, pouvait entraîner des conséquences facheuses énormes et disproportionnées sur le Pays et surtout sur ses travailleurs. Car dans la presse, on ne fait pas la même lecture des écrits évidemment parce qu’on n’a pas le même sens du discernement. Si vous avez ce don particulièrement élevé du discernement, cela n’est pas généralisable à tout le lectoral de nos médias. ET vous savez que les écarts d’interprétation peuvent conduire à toutes sortes de réaction allant de la plus naïve à la plus virulente. Et dans le cas d’espèce où, il y a eu mort d’homme, les blessures encore non cicatricées peuvent conduire à l’extrême dans un sens comme dans un autre. Dans ces conditions, un traitement entre rédactions aurait été, à mon sens, la meilleure approche. ET contrairement à ce que vous semblez implicitement reprocher au Pays, je ne pense pas que ce quotidien soit fermé à la critique. Et je suis persuadé si une discussion confraternelle avait eu lieu et convaincu le Pays de son erreur, il se serait fait volontier le devoir d’apporter les dosages nécessaires après la publication du premier écrit. On l’a vu à plusieurs reprises où, avec courage et dignité, il est revenu sur ses propres analyses.
      Vous savez, cette réaction du Pays que vous condamnez n’est nullement opposable à la bonne pratique que nous ont inculqué nos aïeuls. Et je suis convaincu que notre grand sage, monument intellectuel, que nous pleurons tous aujourd’hui la disparition , Joseph Ki-Zerbo, aurait été de mon avis pour dire ceci : lorsque malencontreusement tu offenses ou tiens des propos non appropriés sur quelqu’un devant un ami ou un collègue, si ce dernier ne t’aide pas discrètement à te corriger immédiatement mais le fait publiquement et en présence de la personne offensée, tu conviendrais avec moi qu’on puisse douter de l’intention première de ce soi-disant ami, c-à-d celle de t’aider ! Si tu en conviens, souffres alors que Le ¨Pays doute de l’intention de Zandoma à son égard !

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