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Bruno N. Zidouemba, ambassadeur du Burkina Faso en Ethiopie : « La juridiction d’Addis-Abeba est la plus vaste de nos ambassades dans le monde »

Publié le jeudi 30 novembre 2006 à 07h06min

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Bruno Zidouemba

Emissaire du Burkina Faso auprès de 25 pays sur 2 continents et de 4 organisations internationales, le diplomate Bruno N. Zidouemba passe pour être le besogneux des ambassadeurs burkinabè. A la faveur du match retour des Etalons à Addis-Abeba le 15 octobre dernier, nous l’avons rencontré.

En poste dans cette gigantesque ambassade depuis cinq ans, l’ambassadeur Zidouemba parle ici de sa juridiction, des Burkinabè qui y résident. Basé à Addis-Abeba, la capitale de l’Afrique, le diplomate burkinabè apprécie les multiples rencontres des Chefs d’Etat africains que certains observateurs taxent de « routines sans lendemain ». Voici le récit de l’ entretien réalisé le 16 octobre 2006.

Sidwaya (S.) : M. l’ambassadeur, quel bilan pouvez-vous faire de vos 5 ans d’activités en tant que représentant du Burkina Faso en Ethiopie ?

Bruno Nongona Zidouemba (B.N.Z) : Je vous ferai un bilan partiel dans la mesure où je suis encore à mon poste, un bilan exhaustif venant généralement en fin de mission. Voici effectivement bientôt 5 ans que je suis arrivé ici en qualité d’ambassadeur du Burkina Faso auprès de 25 pays et de 4 organisations internationales. Comme vous le constatez, il s’agit d’une vaste juridiction, la plus vaste de nos ambassades dans le monde, si je ne me trompe.

Cette juridiction s’étend sur 2 continents en tenant compte du Yémen qui est en Asie. Elle couvre des régions aussi variées que l’Afrique orientale, la Corne de l’Afrique, l’Afrique australe, l’Afrique centrale, les îles de l’Océan indien. Au moment de ma prise de fonction, les relations du Burkina Faso avec la plupart des pays de cette juridiction étaient à un niveau plutôt modeste. Ma mission consistait donc à donner un nouvel élan à ces relations.

Mais, je suis aussi accrédité auprès de 4 organisations internationales : l’Union africaine et la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) basées à Addis-Abeba, le Programme des Nations unies pour l’habitat (UN-habitat) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUED) qui ont leur siège à Nairobi. Couvrir cette juridiction à partir d’Addis-Abeba n’est pas chose facile et nous le faisons avec les moyens qui sont les nôtres du point de vue personnel, financier et matériel. Ces moyens sont à l’image de ceux du pays, et nous devons louer les sacrifices régulièrement consentis par le budget national pour nous permettre de fonctionner.

Nos moyens ne nous permettent pas d’être physiquement présent partout, mais nous essayons de maintenir la présence du Burkina Faso vivante dans cette vaste juridiction. Parlant des organisations internationales, je dois signaler les mutations intervenues au sein de l’Union africaine depuis mon arrivée à Addis-Abeba. J’ai pu ainsi vivre les heures exaltantes du passage de l’OUA à l’Union africaine et apporter ma modeste contribution et celle du Burkina Faso à l’édification de notre maison commune qu’est l’Union africaine. Nous avons pu aussi prendre part aux discussions qui ont permis l’adoption des textes fondamentaux ayant donné naissance à l’Union. Aujourd’hui, l’Afrique est fière d’avoir fait ce grand bond en avant vers son intégration et son union.

S. : Comment arrivez-vous concrètement à couvrir l’ensemble de ces 25 pays que vous avez sous votre juridiction ?

B.N.Z : Nous le faisons avec l’appui des collaborateurs qui ne sont pas nombreux, mais font preuve de beaucoup de dévouement, et d’ardeur au travail. Nous essayons aussi de nous en sortir à force de rigueur et d’organisation dans le travail ; et malgré l’immensité de la tâche, nous arrivons, me semble t-il, à faire face à nos responsabilités. Evidemment, il appartient aux autorités de notre pays d’apprécier en dernier ressort les résultats de notre action. . .

S. : A combien s’élève le nombre de Burkinabè vivant en Ethiopie ? Entretiennent-ils de bons rapports avec les populations locales où êtes-vous Souvent interpellé pour régler des litiges ?

B.N.Z : La communauté burkinabè en Ethiopie est limitée en nombre car ce pays n’est pas un pays de migration traditionnelle pour les Burkinabè. J’estime le nombre de nos compatriotes en Ethiopie à une soixantaine en comptant avec les familles et je peux dire que je les connais presque tous, dans la mesure où, pour la plupart, il s’agit de fonctionnaires internationaux travaillant pour l’Union africaine, la CEA et les autres organisations gouvernementales et non-gouvernementales basées à Addis-Abeba.

Etant donné leur nombre, il ne se pose pas de problèmes relationnels particuliers entre les Burkinabè et les Ethiopiens. Bien sûr il existe des différences culturelles et autres, mais la cohabitation est dans l’ensemble harmonieuse et pacifique, et la situation est différente de celle que vivent les communautés burkinabè dans certains pays d’accueil où ils sont des millions et où il peut se poser des problèmes avec les populations locales.

S. : Qu’en est-il des Burkinabè vivant dans les autres pays relevant de votre juridiction ?

B.N.Z : En effet, il existe des communautés burkinabè dans les autres pays de la juridiction. Je ne saurais vous donner un chiffre exact vu la taille de la juridiction, mais dans les pays où il m’a été donné de me rendre, j’ai toujours tenu à les rencontrer à travers leurs associations, pour prendre connaissance de leurs conditions de vie et des problèmes qu’ils rencontrent afin d’en informer les autorités compétentes au Burkina Faso et aider à trouver des solutions. J’ai pu ainsi rencontrer les Burkinabè vivant en Afrique du Sud, en Angola, au Rwanda, au Kenya pour ne citer que ces pays. Généralement tous rencontrent à peu près les mêmes problèmes : problèmes consulaires (établissement de pièces d’identité, renouvellement de passeports. . . ), difficultés de transfert de fonds, problèmes de régularisation de séjour, etc...

Les Burkinabè d’Angola par exemple vont faire leurs opérations bancaires au Gabon voisin qui appartient à la même zone monétaire que le Burkina Faso. L’Afrique du Sud est le pays de la juridiction qui accueille le plus de Burkinabè. Ils y vivent des conditions difficiles, car nombre d’entre eux sont en situation irrégulière et doivent faire face à des contrôles fréquents de la part des services d’immigration et même parfois à des expulsions.

L’ouverture prochaine d’une ambassade résidente du Burkina Faso à Pretoria aidera à soulager non seulement les problèmes des Burkinabè d’Afrique du Sud, mais aussi des autres pays de l’Afrique australe. En attendant, l’ambassade est en contact régulier avec les responsables des associations de Burkinabè vivant dans les pays de la juridiction afin de les assister chaque fois que de besoin.

S. : Que dites-vous de l’opinion qui pense que les Chefs d’Etat d’Afrique ne volent que de sommet en sommet sans trouver de solutions aux problèmes africains ?

B.N.Z : La fréquence des sommets des chefs d’Etat et de gouvernements s’explique par le nombre et la complexité des problèmes dont souffre aujourd’hui notre continent, problèmes dont les solutions passent par des concertations au sommet des dirigeants africains. En effet, quand un problème est examiné au niveau des chefs d’Etat, c’est qu’il n’a pas pu trouver de solution aux autres niveaux.

Les problèmes africains sont nombreux et complexes car notre continent vient de loin, lui qui a traversé tour à tour les phases douloureuses de l’esclavage, de la colonisation, de la balkanisation et des exploitations de tout genre. Les sommets des chefs d’Etat permettent de régler beaucoup de problèmes qui, autrement, n’auraient pas trouvé de solutions. Evidemment, on parle toujours plus des échecs que des succès ! C’est dire que pour moi, les sommets des chefs d’Etat ont leur raison d’être et toutes occasions pour les dirigeants africains de se rencontrer et de se concerter doivent être exploitées.

S. : Le Burkina Faso est actuellement dans une phase de communalisation intégrale. Comment appréciez-vous cette nouvelle évolution politique ?

B.N.Z : Cette étape de l’évolution politique de notre pays est importante et je l’apprécie de manière très positive. La communalisation va dans le sens d’une plus grande responsabilisation de nos citoyens dans la gestion de leur pays et de leur environnement immédiat qu’est la commune, mais aussi dans le sens du rapprochement de l’administration à l’administré. Les choses se sont si bien passées au Burkina Faso qu’on a eu l’impression que tout était facile. Cela dénote de la maturité politique de notre peuple et de la solidité des institutions démocratiques de notre pays.

Nous devons nous en féliciter car ailleurs, dans d’autres pays africains, les changements politiques surviennent souvent dans la douleur et la violence. Le peuple burkinabè est un peuple majeur, ce qui explique que les élections communales ont pu se dérouler dans la paix et dans l’ordre. Aujourd’hui, les institutions communales sont en train d’être mises en place et les populations, assistées de l’administration, s’activent à trouver aux élus communaux les moyens indispensables au succès de leur mission.

Entretien réalisé par Léopold B. YE

Sidwaya

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