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Carnet de route : Impressions bruxelloises

Publié le vendredi 24 novembre 2006 à 07h41min

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Comme nous l’avons relaté dans notre édition N°6771 du mercredi 22 novembre dernier, nous étions à Bruxelles du 12 au 20 novembre dernier dans le cadre des journées européennes du développement. Parti de Ouagadougou le samedi 11 novembre aux environs de 22 heures, par Air France, nous avons rallié Paris au petit matin.

Il faisait un froid à ne pas mettre un chien dehors : 11 degrés de température. Avant le départ, nous avions déjà eu un aperçu à Ouagadougou de ce qui nous attendait de l’autre côté en matière de contrôle corporel et des bagages. Il semble que la directive de fouiller minutieusement passagers et bagages soit de vigueur seulement depuis le 6 novembre 2006.

Et comme nous ne sommes aucunement de grands voyageurs, ni de ceux qui ont leurs antennes dans le système de l’aviation civile, nous ne savions rien de cette nouvelle mesure.

C’est ainsi qu’à Ouaga déjà, les policiers que nous rencontrons d’habitude dans les gargotes et que nous connaissons, du moins de visage, n’ont pas hésité à rougir les yeux lorsque nous avons voulu faire dans le subterfuge en ne montrant pas patte blanche au passage du scanner.

Quoi ? ! Ici, à Ouaga, il nous a fallu laisser tomber le manteau (on était prévenu du froid de l’autre côté), enlever la veste, la ceinture, tout objet métallique, nous déchausser. On aurait vraiment cru que Ben Laden avait de nouveau menacé d’en faire voir aux Occidentaux, cette fois en faisant crasher un avion d’Air France.

Dans tous les cas, c’est après avoir montré "patte totalement blanche" que nous avons obtenu l’autorisation d’embarquer. Certes, beaucoup d’entre nous étaient à bout de nerf d’avoir été autant emmerdés, mais pour la sécurité, la minutie en valait la chandelle. Surtout que dans notre avion, se trouvaient d’éminentes personnalités telles Salif Diallo, Simon Compaoré, Justin Koutaba, Innocent Couldiaty, Lazare Bansé et nous en oublions.

D’ailleurs, nous nous sommes rendu compte après, qu’à Charles-de-Gaule de Paris, la fouille est plus draconienne. Devant nous, une jeune femme a dû parlementer fort pour pouvoir conserver le biberon de son rejeton, aucun liquide d’une certaine contenance n’entrant dans l’avion comme bagage à main :

les parfums, les dentifrices, mêmes les bidons d’eau minérales sont systématiquement confisqués. Et la fouille corporelle est également de rigueur, et il s’en est fallu de peu qu’un policier tâte nos bijoux de famille : tout ça pour y déceler une éventuelle bombinette.

Malgré la fatigue de la journée passée à courir à gauche, à droite pour faire signer tel papier, résoudre tel problème, nous avons eu un mal fou à nous assoupir dans l’avion. Grâce, en grande partie, à notre métier de journaliste, l’avion ne nous est plus une chose inconnue.

Et pour ce qui est de voyager, c’est vrai que les journalistes le font certainement moins que les diplomates ou le chef de la diplomatie burkinabè (depuis 2000), Youssouf Ouédraogo, mais ils voyagent quand même. C’est peut-être l’aspect plaisant de ce métier qui, comme l’enseignement, est qualifié à tort ou à raison d’ingrat.

En effet, combien d’hommes et de femmes dans ce pays et ailleurs les journalistes ont sorti de l’anonymat pour les propulser au fronton de la notoriété, aux plans national et international ?

Mais combien sont-ils à reconnaître que c’est grâce à tel média ou à tel journaliste qu’ils ont quitté l’anonymat total dans lequel ils végétaient, pour luire au grand jour ? Qu’on se comprenne bien, nous ne disons nullement que tous ceux qui sont puissants économiquement et surtout sur le plan de la notoriété le sont tous grâce à la presse. Non, tel n’est pas notre propos.

Nous disons sans gêne aucune que grâce à la presse, certains, visibles de nos jours, seraient toujours restés engloutis dans l’abîme de l’anonymat. Le plus total. D’ailleurs, un exemple fort à propos de l’un de nos amis et confrères de l’ex-édition le Journal du Soir nous conforte dans notre opinion selon laquelle les journaux et les journalistes ne font l’objet d’une cour assidue de la part des "amis annonceurs" que lorsqu’ils peuvent rendre service.

En tout cas, notre pote du Journal du Soir (fermé depuis) occupait un poste stratégique au sein de sa rédaction. Et son portable crépitait à longueur de journées, voire tard dans la nuit, car X ou Y lui demandaient de faire couvrir tel reportage ou voulaient être interviewés pour mieux se positionner économiquement et socialement parlant. Mais deux semaines après la fermeture du canard, son portable, d’habitude si bruyant, était subitement devenu muet.

Au début, il s’était mépris sur la cause du silence de son "Nokia" en pensant qu’il devait être en panne. Mais après, il se rendit compte qu’X ou Y ne l’appelaient plus parce qu’il ne faisait plus leur affaire.

Qu’on s’entende bien de nouveau. Nous ne disons pas que l’ingratitude vis-à-vis de la presse est totale. Non ! Ils nous côtoient au quotidien, les hommes et les femmes qui ne cessent de magnifier tel organe ou tel journaliste pour "grand service rendu". Mais ils se comptent sur les doigts d’une main.

C’est la dure réalité que nous vivons dans la presse, et cela n’est qu’une infime partie que nous aurions aimé raconter. Mais continuons avec les péripéties de notre voyage, puisque l’objet de notre papier n’est pas la presse, mais un carnet de route.

Nous voici donc en route

Il nous est arrivé d’aller déjà à Bruxelles, mais cette fois, c’était la première fois que nous empruntions la locomotive Talis pour nous y rendre. Nous ne savons pas combien coûte le billet de ce train puisqu’il est inclus dans celui du vol Ouaga-Bruxelles par Air France.

Mais, ce ne serait pas faire injure aux Noirs que de dire que les Blancs travaillent. Vraiment, à voir comment là-bas chacun se dévoue à sa tâche, est pressé d’arriver à l’heure au boulot, notre conviction est presque faite. Chez nous, on semble s’amuser et rien ne paraît prioritaire : on a tout le temps, dit-on.

Combien sont-ils les travailleurs au Burkina, voire en Afrique, qui se pointent au boulot, une ou deux heures après l’heure indiquée et qui, pis est, usent de subterfuges pour quitter leur lieu de travail aussitôt arrivés, pour "régler une affaire" ?

C’est vrai, nos conditions de vie et de travail sont difficiles, car le salaire est insuffisant, la famille est très élastique, il fait très chaud chez nous et la poussière n’épargne personne. Mais vivre en Europe aussi comporte des aléas !

Alors le peu d’entrain à nous investir dans le boulot serait-il une des causes de notre situation de sous-développement ? Ce n’est pas exclu. Bref, nous avions embarqué à l’heure "h" de Paris pour Bruxelles. Temps du trajet : 1h 30 environ.

Ce fut un voyage agréable pour notre petite équipe composée de 8 personnes dont deux respectables Peul et deux petits Bobo. Inutile de vous dire que nous n’avons pas senti passer le temps tant nous n’avons pas dérogé à la règle qui consiste à pratiquer à fond la parenté à plaisanterie.

Bruxelles, la coquette !

C’est une ville étendue, car, nous a-t-on fait comprendre, l’espace disponible par habitant y dépasse la moyenne des autres capitales européennes, une part non négligeable du bâti étant composée de maisons unifamiliales, maintenant divisées en appartements, et d’immeubles de faible hauteur.

Dans ce passage urbain s’élèvent cependant des tours de bureaux modernes (Tour du midi, Tour de Madou, Tour Dexia, Tours Belgacom, Tour des finances, etc.) concentrés dans les quartiers d’affaires. Mieux, de nombreux parcs jalonnent la ville, et la proportion d’espaces verts n’est aucunement négligeable.

Dans ce haut lieu, nous nous sommes rendu compte qu’il existe des bâtiments remarquables dans une grande diversité de styles, des constructions médiévales à l’architecture contemporaine.

Selon les statistiques, Bruxelles compte 87% de francophones contre 13% seulement qui parlent le néerlandais.

Une capitale bilingue qui a fêté son millénaire en 1979 et où l’économie est dominée par le secteur des services et les activités des pouvoirs publics. Son rôle de métropole européenne en fait aussi une grande ville de congrès. C’est tout de même le siège de l’Union européenne !

A Bruxelles, nous avons fait la connaissance du personnel de l’ambassade du Burkina, un immeuble bien fonctionnel qui est, depuis plusieurs décennies, la propriété de notre pays. N’oublions pas que c’est là qu’officie notre ancien Premier ministre, Kadré Désiré Ouédraogo.

Un homme méticuleux et courtois. Nous l’avons constaté lors de la séance de travail que nous avons eue à l’ambassade, avant la venue du président Compaoré.

Hormis l’ambassadeur, deux personnalités auront retenu notre attention au sein de cette représentation diplomatique : il s’agit de Paul Tiendrébéogo qui fait office de protocole et de Saidou Nikièma, dit Niki, un des chauffeurs.

Et c’est avec Niki que nous sortions souvent. Il est ressortissant de Kombissiri, parle un français approximatif et travaille comme chauffeur dans cette ambassade depuis 1977.

C’est tout jeune qu’il y a été envoyé grâce à Issoufou Joseph Conombo, à l’époque homme fort du régime. C’est dire que Niki connaît tous les diplomates qui y ont été affectés.

Du colonel Antoine Dakouré en passant par Rigobert Congo, Amadé Ouédraogo, Youssouf Ouédraogo, jusqu’à Kadré Désiré Ouédraogo. Il est de commerce facile et ne tarit pas d’éloges à l’égard de Salif Diallo pour sa générosité. "Ah, dit-il, quand lui il venait ici, on se bat tous pour pouvoir être son chauffeur. Il a grand cœur, Salif Diallo".

Un soir, Niki est venu nous rendre visite à notre hôtel. Mes deux confrères Jolivet Emmaüs Sidibé de Sidwaya, Sylvain Vebamba de la RNB et moi avions décidé de manger ce soir à l’africaine. Sans hésitation, Niki nous a embarqués à bord de sa voiture, une Starlet qu’a bien voulu lui céder, en 2001, un compatriote contre une bouchée de pain.

Le premier restaurant sur lequel nous sommes tombés est tenu par une Camerounaise. Elle a un physique avenant, tout comme sa sœur qui l’aide dans sa tâche. Seulement nous n’étions pas venus pour contempler le physique des femmes, mais pour prendre de l’énergie en mangeant pour une fois depuis notre arrivée à Bruxelles, du riz chaud à la sauce tomate ou têguê-dêguê, c’est-à-dire de pâte d’arachide.

Dans ce restaurant, assez exigu, nous ne nous sommes pas fait prier pour avaler le riz à la sauce têguê-dêguê. Délicieux. Les trois plats commandés ont coûté 27,5 euros (environ 20 000 FCFA).

C’est là que nous avons rencontré quelques membres de la colonie camerounaise à Bruxelles. Pour la plupart, ils suivaient un match de football à la télé tout en dissertant sur le décès de leur ambassadeur.

Après 17 ans en tant que représentant diplomatique du Cameroun en Belgique, Son Excellence venait de rendre l’âme et l’heure était aux préparatifs du rapatriement du corps. 17 ans au même poste d’ambassadeur, nul doute, disions-nous, que celui-là devait être un pote sûr à Biya.

Un Camerounais nous rétorquera que ce n’est que 17 ans et que cela n’a rien d’étrange. Pour monter haut la barre, il nous dira même qu’un des ambassadeurs de Côte d’Ivoire en Suisse sous Houphouët a totalisé 33 ans d’affilée à son poste. Terrible !

Le Heysel

Nous étions dans notre "31" pour assister à l’ouverture des journées européennes. Il y avait grand monde et la sécurité sévissait. C’est là que nous avons vu l’ex-président burundais Pierre Buyoya descendre d’une banale bagnole comme un simple mortel.

Dire que cet homme a dirigé deux fois le Burundi et totalisé plus d’une dizaine d’années comme magistrat suprême ! Là, il était désespérément seul, dans l’anonymat le plus total. Cela était d’autant plus sérieux que Buyoya, comme nous, a été aussi soumis à la fouille, a dû donc montrer patte blanche avant d’avoir accès à la salle.

Fini pour lui toute la cour (protocole, aide de camp, etc. qui, jadis, le tenait à la semelle. Lorsqu’on prend de telles habitudes de nager dans la facilité, ce n’est pas du tout évident qu’on accepte de bon cœur de devenir un simple mortel au volant de son véhicule et qui peut se permettre de s’offrir une bière au coin de la rue.

C’est peut-être pour cela aussi que ceux qui ont eu la chance de goûter aux délices du pouvoir n’entendent plus lâcher prise. Pour rien au monde. En tout cas, lorsque nous avons vu Buyoya se débrouiller pour se trouver une place assise dans la salle de conférences, nous avons compris pourquoi certains se battent bec et ongles pour rester au pouvoir.

Un autre homme que nous avons aperçu et qui ne fait pas preuve de mine avenante, c’est le général Président centrafricain, François Bozizé. Il était tout simplement mélancolique et a achevé son circonstanciel discours difficilement. Il a raison, le pauvre général qui, comme Guéi, était venu pour balayer la maison, centrafricaine celle-là, avant de se retirer, mais y est resté.

En tout cas, c’est ce qu’avait dit Bozizé après son coup d’Etat contre Ange Félix Patassé. Ayant contraint celui-ci à l’exil à Lomé, Bozizé promettait de ne pas être candidat à la présidentielle. On connaît la suite : le général a organisé les élections à sa mesure et s’est naturellement retrouvé "Président démocratiquement élu" (P.D.E.) pour faire mode).

Mais si ses opposants politiques n’ont pas réussi à le battre à "la régulière", il est par contre angoissé par la rébellion qui s’est déjà emparée de deux de ses villes ! Nous n’étions d’ailleurs pas les seuls à nous interroger sur ce que Bozizé était venu faire à Bruxelles pendant que ça chauffe à la maison !

Mais, enfin, à chacun ses préoccupations. De retour de la conférence et en route pour l’hôtel, nous avons vu du beau monde. Faure Gnassingbé du Togo qui était logé sur le même palier que Blaise Compaoré, nous a dit n’avoir rien à déclarer à la presse à l’issue de leur tête-à-tête. En voyant le jeune président togolais, notre religion a été faite. Le fils de Eyadéma prend de l’assurance et également goût à la chose.

Nous avons aperçu également le Béninois Yayi Boni qui s’est voulu assez discret, tout comme un prince cousu de pétrodollars de l’Orient. C’est d’ailleurs dans un des ascenseurs, que nous avons rencontré l’astrophysicien malien, maintenant à Microsoft, Cheick Modibo Diarra.

L’homme est pressé et sollicité de toutes part, mais nous avons obtenu une dizaine de minutes de conversation avec lui dans sa chambre au numéro 123 du Conrad. L’impression qu’il nous a laissé, c’est que c’est un homme qui a un idéal, une vision pour l’Afrique.

C’est au sortir de ce tête-à-tête avec le célèbre Malien, que Niki nous a fait découvrir Bruxelles by night. C’était tout simplement bien ! Pour ne pas être trop long, arrêtons-nous là, car de ce voyage nous parlerions des heures durant, que nous ne parviendrions pas à tout relater.

Boureima Diallo
Ouaga-Bruxelles-Ouaga

Observateur Paalga

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