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Aide au développement : L’Afrique face aux défis de la gouvernance

Publié le mercredi 22 novembre 2006 à 07h45min

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Compaoré et Barroso

L’Europe, en général, et les vingt cinq pays membres de l’Union européenne, en particulier sont intéressés à un rapprochement économique plus marqué et un dialogue politique plus prononcé avec l’Afrique.

A l’heure où la République populaire de Chine courtise âprement le continent noir, Bruxelles, lieu d’expression de la coopération européenne avec le reste du monde, réclame de vive voix, la place qui est la sienne dans le développement des pays africains.

Les premières Journées européennes du développement (JED) organisées du 13 au 17 novembre 2006 dans la capitale belge illustre une nouvelle donne dans les relations euro-africaines souhaitées par l’Europe des 25. Elles ont été exclusivement consacrées à l’avenir de l’Afrique.

Au cœur de « ce partenariat franc et direct » que le vieux continent veut sceller avec son voisin du Sud, son aide au développement. Avec, bien sûr, un maître-mot sur le terrain, « la bonne gouvernance. » « L’Afrique reçoit 60% de toute l’aide européenne au développement soit quinze (15) milliards d’euros par an. L’Europe achète 85% des productions agricoles africaines, 65% des contributions du Fonds mondial de lutte contre le Sida et la tuberculose provenant de l’Union européenne », a rappelé José Manuel Boroso, président de la Commission européenne.

L’Europe ne veut pas entretenir uniquement des relations économiques et commerciales avec l’Afrique. Elle souhaite s’y investir politiquement. Comme cela a été le cas en République populaire du Congo où l’Union européenne a dépêché un contingent militaire et participé financièrement aux élections présidentielle et législatives. « La lutte contre la corruption ne peut constituer à elle seule, la bonne gouvernance. Ce n’est qu’un aspect résultant de la faillite de l’Etat et de la croissance des inégalités.

Ce n’est pas faire injure à l’autonomie africaine que de vouloir partager avec ce continent des valeurs morales et éthiques (séparation des pouvoirs, tolérance...) communes à l’humanité », a rappelé Louis Michel, commissaire européen au développement et à l’aide humanitaire. Ces Journées européennes du développement ont été une occasion d’écoute et d’interpellation de divers acteurs du développement sur plusieurs aspects touchant la gestion de l’aide européenne et la conduite des politiques de bien-être des populations africaines.

De Marlène Zébango, parlementaire burkinabè à Aminata Dramane Traoré, leader du Forum social africain (FSA), de Ketulé Massiré, ancien chef d’Etat botswanais à Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), de Sidiki Kaba, président de la Fédération international des droits Humains (FIDH) à Sophia Akuffo, membre de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, de Daniel Kaberuka, président de la Banque africaine de développement BAD), à Paul Wolfowitz président de la Banque mondiale, de Thomas Yayi Boni, chef de l’Etat béninois à Blaise Compaoré président du Faso...chacun a revendiqué, plaidé ou prêché la bonne gouvernance en Afrique.

« Tirant les leçons des conflits devastateurs et le retard entraîné dans le développement, les Africains se sont donnés des gages tels la Charte africaine sur la démocratie pour amorcer un réel progrès », a indiqué Saïd Djinnit, commissaire de l’Union africaine.

Bonne gouvernance ou gouvernance responsable ?

Politiques, économiques et acteurs de la société ont unamimement reconnu les avancées démocratiques en Afrique avant d’émettre le vœu pressant d’assainir et de renforcer les cadres institutionnels en vue d’une meilleure promotion de la gouvernance sur le continent.
Pour le commissaire européen Louis Michel, le développement, la stabilité et la sécurité sociale... doivent être exclusivement du ressort d’un Etat capable de s’acquitter de ses fonctions régaliennes essentiellement fondées sur l’éducation, la santé, la sécurité, la bonne gestion des ressources humaines et naturelles. « Les inégalités tirent leurs sources du dysfonctionnement des actions de développement », a-t-il soutenu.

Toutefois, l’Union européenne assure que le dialogue politique qu’elle envisage avec l’Afrique ne saurait être interprétée comme une nouvelle conditionnalité d’accès à l’aide au développement. Bien que l’institution de Bruxelles entende modifier l’architecture de son soutien à l’Afrique. « L’Europe croit qu’elle a été trop timide quand il s’agit de discuter de développement avec l’Afrique.

Elle souhaite un nouveau contrat de confiance entre gouvernants et gouvernés, entre donateurs et recipiendaires. L’aide doit se fonder sur les capacités d’appropriation des populations et l’engagement des partenaires au développement national », a laissé entendre José Manuel Barroso, président de la Commission européenne. Situés au premier plan des activités de la gouvernance, les chefs d’Etat africains ont dressé la situation sur la question dans leurs pays respectifs. Dix huit (18) d’entre eux ont effectué le déplacement de Bruxelles pour exposer sur la gouvernance. « La démocratie n’est un concept absent des traditions africaines. Le premier roi du Mali a été tiré au sort.

Et la charte de Kouroukan Fougan a donné dès le XIIIe siècle aux sociétés, une idée de gouverner ensemble malgré leurs différents », a expliqué le Malien Amadou Toumani Touré. Tandis que pour son homologue malgache, le qualificatif « bonne » qui précède la gouvernance ne sied pas. Marc Ravalomanana préfère parler de « gouvernance responsable tenant compte de plus d’intégrité et de professionnalisme dans la gestion de la chose publique ».

Il appelle les Africains à être plus ambitieux s’ils veulent sortir de l’engrenage de la pauvreté.
Les chefs d’Etats, bien qu’adhérant à la nouvelle stratégie européenne en faveur de l’Afrique, n’ont pas omis de dénoncer le contexte économique mondial défavorable au continent noir. Le Béninois Thomas Yayi Boni a fait remarquer que la baisse des cours du coton et la hausse du prix des hydrocarbures ont entraîné la chute de la croissance de son pays de 6,5% en 1995 à 2,9% en 2005. « Il n’y a rien à partager. C’est là aussi l’epreuve de la gouvernance », a-t-il reconnu.

Face à cette mondialisation peu sociale, le président du Faso interpelle les partenaires au développement à une solidarité internationale agissante pour ne pas remettre en cause des efforts consentis dans la gouvernance en Afrique. « La promotion de la bonne gouvernance dans nos pays suppose un contexte de gouvernance mondiale équitable et partagée. Le Burkina Faso réaffirme son soutien aux initiateurs visant à rendre le système économique mondial plus juste particulièrement à l’égard des producteurs de coton d’Afrique.

Les orientations futures de la coopération avec l’Union européenne devraient intégrer l’esprit du commerce équitable et l’exigence d’un développement acceléré de l’Afrique », a plaidé Blaise Compoaré. Seize (16) ans après le Sommet de la Baule où la France de François Mitterand a exigé la démocratie comme principe de base de son soutien aux pays africains, l’Union européenne réclame maintenant la gouvernance dans les programmes de développement. Un autre sujet de méfiance. « N’utilisez pas votre richesse et notre pauvreté pour créer les Africains à votre image », a prévenu Festus Mogae, président du Botswana.

Jolivet Emmaüs
Envoyé spécial à Bruxelles


Au cœur des Journées européennes de développement

L’Afrique en livres, sons et images à Bruxelles
En cinq jours, du 13 au 17 novembre 2006, l’Afrique a partagé Bruxelles avec l’Europe.
Campagne du millénaire (« No excuse 2015 : Voices against Poverty »), expositions d’arts africains, exposition de bandes dessinées africaines, concours artistique réservé aux jeunes écoliers de toute l’Europe sur le thème « Une Afrique qui marche », festival du cinéma africain, village du développement en Afrique ; débat entre journalistes africains et européens... La capitale de l’Europe a vibré aux couleurs de l’Afrique.

Les Journées européennes de développement se proposent d’envoyer un message positif concernant ‘l’Afrique en mouvement ». Au centre d’exposition de Bruxelles, Heyssel, livres et supports audiovisuels dans tous les domaines de développement en Afrique se sont distribués comme de petits pains par différents organismes.


Kofi Annan promet sa liberté au profit de l’Afrique

C’est avec émotion que les Africains aux Journées européennes du développement ont écouté à l’ouverture des travaux, le 15 novembre, le message de Kofi Annan transmis par vidéo. Le Ghanéen qui quitte officiellement ses fonctions de secrétaire général de l’ONU, le 1er janvier 2006 a invité ses « frères et sœurs » à s’armer de courage pour œuvrer à la paix, renforcer la cohésion sociale, vaincre la pauvreté... « Et de faire de l’Afrique, une terre d’espérance pour l’humanité ».
Il leur a promis son soutien dans leurs efforts de développement : « Quand je prendrai bientôt ma liberté, je serai à vos côtés et nous lutterons pour le progrès du continent ».
En effet, depuis 1962, Kofi Annan travaille pour la paix, la stabilité et le bien-être de l’humanité.


« Le Burkina Faso n’est pas un pays à risque »

La sécurité du président du Faso à Bruxelles a été réduite au strict minimum. Les autorités belges n’ont pas vu la nécessité d’affecter un véhicule de sécurité à la délégation de Blaise Compaoré. Seuls trois motards ont escorté le cortège et un élément de la sécurité belge était avec la garde rapprochée burkinabè. L’ambassadeur Kadré Désiré Ouédraogo qui s’était auparavant inquiété de ce strict minimum lors des préparatifs de la visite de son chef d’Etat s’est entendu dire : « Selon l’Institut belge des crises, le Burkina Faso ne constitue pas un pays à risque ».
Bonne appréciation pour la gouvernance nationale et pour les investissements.


Jean Pierre Bemba réclamé à Bruxelles

Tout comme Paris est le refuge de nombreux africains dont les pays ont été colonisés par la France, Bruxelles est le pied-à- terre d’un grand nombre de Congolais de la République démocratique du Congo. Alors que l’élection présidentielle venait de rendre son verdict avec la proclamation de la victoire de Joseph Kabila, les partisans du candidat malheureux, Jean-Pierre Bemba, manifestaient à Bruxelles. Un groupe de Congolais acquis à sa cause scandaient : « Rendez la victoire à Bemba » tandis que le cortège burkinabè s’ébranlait vers le siège de l’Union européenne.


Niki pour les sentiments

Avec sa forte corpulence et le borsal sur la tête, on prendrait Saïdou Nikièma pour un Américain-Africain. N’eussent été ses cicatrices éthniques à peine visibles sur les deux joues. Ce natif de Kombissiri dans le Bazéga a été affecté comme chauffeur à l’ambassade du Burkina Faso à Bruxelles en 1977. Et depuis, Saïdou Nikièma y réside avec son épouse, une Burkinabè et ses trois enfants (deux filles, un garçon). De Michel Compaoré à Kadré Désiré Ouédraogo en passant par Amadé Ouédraogo, Rigobert Congo ou Youssouf Ouédraogo, Saïdou Nikièma a conduit plusieurs ambassadeurs.

Retraité en 2001, il est engagé local par l’ambassade. Et M. Nikièma continue de servir le Burkina Faso avec le même enthousiasme. « Je m’appelle Saïdou mais Niki pour les sentiments. Entendez (les intimes), dit-il à ses passagers. Avec Niki, on ne s’ennuie pas. Le mooré trouve sa place dans le français. Avec plaisir, Niki est prêt à faire découvrir Bruxelles à ses compatriotes, soit avec le monospace de l’ambassade, soit avec sa Toyota Starlet. Il a une explication à tout.

Les 29 ans de résidence ne l’ont pas pourtant éloigné de son Faso natal : « Tous les deux ans, je rentre au pays. J’aime manger même ici le tô, la sauce oseille au soumbala... ». Seulement Niki a changé la patate si prisée dans son terroir, le Bazéga, par la pomme de terre. Sacré Niki surtout, pour « les
sentiments ».

Rassemblés à Bruxelles par Jolivet Emmaüs

Sidwaya

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