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20 ans de Sidwaya : De la pensée unique à la voix plurielle

Publié le lundi 5 avril 2004 à 11h00min

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Michel Ouédraogo
DG de sidwaya

Aujourd’hui, 5 avril 2004, Sidwaya a vingt ans. Vingt ans faits de succès et d’insuccès. Vingt ans à servir un peuple, à forger une opinion. Vingt ans à vivre les tourments d’un Etat dont l’histoire est jalonnée de hauts faits agrémentés de valeurs révolutionnaires et républicaines.

Que retenir de l’existence d’un journal, qui dès sa création avait pour mission de défendre un ordre politique incarné par la Révolution démocratique et populaire (RDP) ? Que dire de ce même titre qui quelques années après devait symboliser les couleurs arc-en-ciel de la République ?

Sidwaya a vécu une histoire et vit à présent une autre tout aussi exaltante. La pensée unique, Sidwaya l’a été. Il n’y a pas de honte à le reconnaître. Il a servi de bras idéologique à la Révolution, tel un instrument créé pour défendre un pouvoir établi. A l’époque, avec la conscience professionnelle requise, les uns et les autres ont répondu à cette volonté politique.

Mais, il faut aussi accepter et reconnaître que cette phase de la vie de Sidwaya est désormais considérée comme celle des années de braise. A sa naissance, il fut marqué du sceau de ceux qui, dès les premiers cris annonçant leur apparition à la vie, portent le péché originel.
Certains diront dans un langage fataliste que : "Son nom est gâté le jour de sa naissance".

Pour les uns, Sidwaya n’est que "la voix de son maître". Et puis d’autres, avec le temps et la complicité coupable de ceux chargés de défendre sa pérennité, n’ont pas trouvé mieux que de tourner le titre en dérision. Sidwaya (la vérité est apparue) est devenu "Ziriwaya" (le mensonge est apparu). Ce humour de mauvais goût a été fatal à la renommée et à l’image du journal.

Les a-priori ont la vie dure. Pour cette période révolutionnaire de 1983 à 1990, Sidwaya a connu un destin partisan. Victime d’un passé révolu, avec la restauration de l’ordre républicain, il devait se confectionner de nouveaux habits, au centre d’une République à la recherche de ses repères pour assurer sa stabilité. Ainsi, face au peuple burkinabè, Sidwaya prenait un autre rendez-vous avec l’histoire.

Des mutations démocratiques

Tout comme son histoire révolutionnaire, l’histoire républicaine de Sidwaya a connu des entraves pour son expression. Il fallait avant tout vaincre les comportements résiduels de la période révolutionnaire. Certes, le contexte politique a évolué, mais ce sont les mêmes acteurs politiques qui détiennent les rênes du pouvoir. Certains, habitués à se voir caresser dans le sens du poil ne pouvaient souffrir toute critique. D’autres criaient à la trahison lorsque la parole est donnée à la société civile et aux partis politiques dans l’opposition. Selon eux, Sidwaya restait leur chasse gardée. Cette situation de bradage de la ligne éditoriale a été renforcée par la "peur" bleue des animateurs. Heureusement que les plus hautes autorités de ce pays ont une autre lecture du rôle et de la place de Sidwaya dans un contexte socio-politique démocratique où la liberté de la presse a été fortement exprimée.

Fort de cette volonté manifeste et irréversible, de donner à la presse publique sa liberté, Sidwaya va opérer ses premières véritables mutations démocratiques. Il ne s’agissait pas de provoquer des fractures douloureuses mais d’aller en crescendo. Le premier défi fut de "libéraliser" la ligne éditoriale et d’ouvrir le journal à toutes les forces républicaines. Aujourd’hui, le constat est évident.

Si le Congrès pour la démocratie et le progrès (parti au pouvoir) reste celui, qui, pris individuellement, a le plus de visibilité dans les colonnes de Sidwaya à cause de l’activité intense du gouvernement, la tendance s’est inversée, lorsque l’analyse porte sur les groupes sociaux et politiques. La majorité présidentielle est distancée de très loin par l’opposition qui a plus de visibilité. Mieux, la société civile (syndicats, mouvement des droits de l’homme...) est plus présente dans les colonnes du journal que l’ensemble de la classe politique (majorité + opposition). Cette évolution est positive et répond au principe de l’ouverture et de l’accès de toutes les sensibilités nationales à la presse de service public qu’incarne Sidwaya.

Des perspectives nouvelles

Sidwaya se refuse d’être la chèvre libérée qui ne cesse de tourner désespérement autour du pieux qui la tenait prisonnière. L’initiative revient à tous ceux et celles qui ont le devoir de lui assurer un avenir radieux. Les lignes forces de ce destin nouveau doivent se résumer en des perspectives nouvelles. La maturité doit se traduire par l’acceptation totale de sa responsabilité sociale qui bannit le journalisme de facilité fait d’invectives et d’attaques gratuites. Les réformes structurelles porteront sur l’introduction de la notion de Médiateur et la création du club des lecteurs’’.

Le Médiateur de Sidwaya est une innovation qui indique la ferme conviction d’établir un pont entre le journal et les lecteurs. Le Médiateur sera une autorité morale avec de larges pouvoirs d’intercession, d’interpellation et surtout de conciliation. Le club des lecteurs vise à impliquer les principaux intéressés à l’amélioration du contenu des titres Sidwaya. Ainsi, ces deux structures viendront consolider la ligne démocratique et la crédibilité du quotidien national.

Ces innovations organisationnelles vont s’accompagner d’un véritable "lifting’’ des différents journaux. En plus de l’introduction de la quadrichromie très prochainement, ce qui fera de Sidwaya le premier quotidien burkinabè à paraître en couleurs, une autre innovation non moins importante est annoncée. "Samedi/dimanche’’ (SDS) verra bientôt le jour, consacrant ainsi la naissance de la sixième édition de la semaine.

Ainsi, Sidwaya pour ses vingt ans ouvre une nouvelle ère de son histoire, où le défi principal, reste celui de la défense de sa ligne démocratique et républicaine.

Par Michel OUEDRAOGO

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