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Smockey et le bon son d’Abazon !

Publié le mardi 6 avril 2004 à 05h25min

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Dans le quartier dit de la Patte d’oie. Quelque part dans ce coin de Ouaga, jadis périphérie, aujourd’hui en passe de devenir le cœur de la capitale, se trouve une villa à l’apparence commune, si ce n’est le portail dont la peinture annonce qu’il ne s’agit point d’une résidence ordinaire. C’est ici que Serge Bambara, plus connu sous le pseudonyme de Smockey, a choisi depuis quelques temps de créer la chapelle du rap burkinabé et ça marche !

Studio Abanzon, tel est le nom de ce temple qui, depuis 2001, permet à de nombreux mélomanes d’apprécier cette variété musicale qui fait briller la musique burkinabè d’un autre éclat, si on ne s’en tient qu’à la quantité d’œuvres de qualité produites en un temps aussi court.

Le rap est un genre qui bouscule les traditions musicales de beaucoup de nos concitoyens. A cela s’ajoute la teneur des textes souvent tranchants et dénonciateurs qui ne lui facilite pas la fréquentation des salons feutrés, où généralement, se trouvent les tiroirs bien garnis. Qu’à cela ne tienne ! Smockey et ses potes ont décidé de dire ce qu’il ont sur le cœur au prix des sacrifices multiples. A chacun son arme, dans un monde où l’injustice, l’impunité, la dépravation des mœurs vont crescendo.

C’est dans les années 1988-1989 que Serge, qui réside en France commence à plagier les premiers chanteurs de rap Africains-Américains. En 1993, alors qu’il était gérant au restaurant le Farafina, bien connu de tous ceux qui ont eu l’occasion de flâner dans le quartier des Halles à Paris, il renoue avec la musique qu’il pratiquait depuis l’enfance en s’exerçant au clavier. C’est ainsi qu’il développe ses talents de rappeur pendant ses rares moments de repos.

Convaincu qu’il a trouvé sa voie, (sa voix ?) Il a cependant du mal à trouver preneur, auprès des nombreux producteurs de la place. Le rap ça dérange ! Lorsqu’en plus, on ne dispose pas d’un background consistant en matière discographique…
C’est pas facile ! Selon l’expression si chère à l’ami Gervais. Cependant, lorsqu’on aime ce qu’on fait et qu’on a envie de faire ce qu’on veut, il n’y a qu’une seule solution : se donner les moyens de sa politique.

Serge profite de l’aubaine que lui offre son séjour parisien pour s’équiper en matos et s’auto-former en programmation musicale. Le retour au bercail en mars 2001 consacre la naissance du studio Abazon avec ses 24 pistes audio. La même année, notre jeune rappeur sort son premier album de 17 titres, comme pour se moquer (n’est-ce pas qu’il s’appelle Smockey ?) de ceux qui ont jusqu’ici refusé de croire à son art. " Celui qui souffre avec patience ne perd rien sur sa conscience. " Cette sentence laissée par un ami sur les murs intérieurs de son studio en dit long sur la rage de Smockey. C’est l’explosion.

Yeleen, 3ème Regiment, 2Kas, la Censure, Baloukou, Wed Hyack, Clepto gang, Madson junior… autant de jeunes et talentueux artistes qui ne cherchaient qu’un cadre propice pour s’exprimer ne se feront pas prier pour aller à cette messe qui consacre un nouveau tournant pris par la musique burkinabè. Un détour, reconnaissons-le, qui lui permet de bomber la poitrine aussi bien sur les scènes de Bamako, Dakar ou Abidjan.

Mais, si Abazon signifie "Il faut faire vite" en langue nationale bissa, Smockey marche avec une prudence de caméléon, car seul le sérieux au travail permettra à cette musique qu’il affectionne et qui continue de subir une certaine discrimination, de s’imposer véritablement. Musique trop facile pour les uns. Parce qu’on n’a pas forcément besoin de connaître le solfège ou de maîtriser un quelconque instrument pour produire un tube. Musique de voyous pour les autres, à cause du look de ses adeptes et surtout des mots souvent trop osés, qui évitent de caresser les tontons dans le sens du poil.

Tout cela met Smockey et ses potes sur la " défensive, parce qu’ils se sentent en permanence agressés. " Rien n’empêche cependant Abazon d’aller son petit bonhomme de chemin avec une production régulière de trois albums par an depuis son ouverture. Entre temps, cette société privée qui marche avec trois permanents et des appuis ponctuels, contribue aussi à l’enregistrement et la promotion des œuvres de nombreux artistes.

" Si Dieu fait tomber la nuit, c’est pour faire briller les étoiles."" Voilà le genre de vision positive qui anime ceux qui estiment qu’il faut aller vite pour stopper l’injustice, car " au train où vont les choses, les cimetières deviendront des parcs d’attraction. " Peinture dure d’une réalité souvent plus cruelle.

Smockey, dans son dernier album de 17 titres plus une intro, monte le ton dès le premier morceau, contre cette société qui se déglingue. 18 tubes. Un chiffre fort mais normal pour un style musical qui marque plus par sa thématique, que par sa rythmique. Chaque morceau est un message, donc difficile de faire un tri. Titres anodins, paroles osées, Smockey n’a pas sa langue dans la poche, lorsqu’il s’agit de s’élever contre l’impunité, la prostitution, le deal des ONG, le rap à papa juste pour se faire du blé… Même les Etalons du foot qui " ont eu beaucoup de briques " et qui " n’ont pas marqué de but " en ont pris pour leurs sabots.

Le rythme soutenu de la guitare live de Cycle, enjolive cette musique souvent faite d’une permanence de grosse caisse et de fortes perfusions d’électronique. L’album Zamana (mon peuple) signe l’envol de celui qui a horreur qu’on continue de dire que le rap s’installe au Burkina Faso. Façon insidieuse de ne pas lui reconnaître son aura véritable.

Pour montrer que " le rap est une musique démocratique ", Smockey fait appel aux frangines, Djata, Sami Rama et Awady. Les frères Smarty et Mandoe sont aussi dans la place, pour de parfaites interprétations ( featuring pour les plus branchés.) Quelle symbiose !

Mais, l’engagement a un prix et Smockey le sait bien, lui qui rend savamment hommage à Norbert Zongo, l’intégrité assassinée. C’est pourquoi, souvent sans sponsor, il est obligé de casser la tirelire et de mettre les ficelles bout à bout pour faire descendre dans le Burkina profond le rap avec ses compagnons de lutte. C’est dur, mais que faire d’autre lorsqu’on est convaincu que la lutte pour l’amélioration des conditions de vie de ses concitoyens est possible avec l’arme musicale.

Après la sortie officielle de Zamana le 18 mars dernier, Smockey a dès le lendemain mis le feu aux gradins du théâtre de l’amitié à Bobo. Ce soir 25 mars, le Théâtre populaire de Koudougou doit vibrer sous le poids des nombreux fans, dont certains feront le déplacement de Ouagadougou, le 27. Ce jour-là, de nombreux jeunes du mouvement hip hop viendront apporter un soutien mérité à celui qui, en moins de quatre années, parvient à leur tailler un costume de respectabilité.

Smockey, du haut de ses 32 printemps est sûr qu’avec un léger coup de pouce à son studio Abazon, le rap a de beaux jours devant lui. Alors, the show must go on ! *

Par Ludovic O. Kibora
* Le spectacle doit continuer !

L’Evénement

P.-S.

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Vos commentaires

  • Le 5 janvier 2005 à 18:27, par NADINE En réponse à : > Smockey et le bon son d’Abazon !

    SMOCKEY EST ET SERA TOUJOURS LE MEILLEUR DES ARTISTES BURKINABE .GRACE A LUI BEAUCOUP DE GROUPES ONT VU LE JOUR ET PERSONNELLEMENT JE LUI TIRE MA REVERENCE.

  • Le 24 mars 2005 à 00:59, par Seketeli En réponse à : > Smockey et le bon son d’Abazon !

    Bonjour,
    je voudrais savoir s’il est possible d’obtenir le email de smockey
    ou d’un de ses proches.
    Je suis producteur vivant en france et en collaboration avec Animal Son
    (producteurs de Booba, Dadoo...).
    Pourriez vous me répondre, c’est une démarche sérieuse...

    Sincèrement,

    Mawuena Seketeli

  • Le 27 mai 2005 à 10:41, par zazou korotimi En réponse à : > Smockey et le bon son d’Abazon !www.studioabazon.com

    bonjour !smockey,moi c’est korotimi plus connue sur le non maman.je trouve ke t’es genial.tu chante bien j’adore tes chansons.t’ as eu une idée d’avoir créer le studio abazon.c’es une aide à la promotion du rap burkinabé.BRAVO À TOI SMOCKEY.je t’encourage

  • Le 13 octobre 2005 à 16:44, par Miguel LOPEZ, Paris, FRANCE. En réponse à : > Smockey et le bon son d’Abazon !

    Bonjour, je souhaiterai connaître le lieu d’implantation de Seydoni Production. J’attends votre réponse avec impatience. Merci par avance. M.

  • Le 16 juin 2006 à 00:38, par cricri du posses des criquets En réponse à : > Smockey et le bon son d’Abazon !

    bonjour je sui un viel ami de serge je sui cricri et je cherche a le joindre depuis des annee c a dire depuis sont retour au pays pouriez vous lui transmetre se message afin qu il puisse me joindre je vous en remercie d avance

  • Le 8 avril 2013 à 20:36, par kami baaba En réponse à : Smockey et le bon son d’Abazon !

    je suis un jeune passionné du rap, je fais du rap, style français plus, tel sopra, fouine et maitre gims la sexion d’ass mes idoles. j’aimerai juste me faire écouter et si possible pourquoi pas me faire produire. j’sais bien que c’est pas facile ce domaine, mais je m’bas depuis des années, je m’entraine 6 dur pour pouvoir être à la hauteur mes idoles un jour. j’suis tjrs élève en classe de terminale A, cette année. j’espère que quelqu’un voudra bien m’écouter avant tout jugement, ce que je peux dire de plus c’est que j’ai pas le ventre vide.la musique est comme une partie de moi, j’aime juste rapper, car je me sens juste vivant quand je rap et c’est qu’en rappant que je trouves le sens de ma vie. pour toute personne qui se sentirait intéresser de m’écouter pourrait me joindre pas email :arnaudwkima@live.fr ou par tel : 0022671285639
    j’espère de tout cœur que j’aurai une réponse, un signe de quelqu’un.MERCI !!!!!!!!!

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