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Cyril Goungounga, président du PARIS : “Je ne suis pas un homme politique rigolo”

Publié le lundi 6 novembre 2006 à 13h14min

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Cyril Goungounga

Le député Cyril Goungounga était l’invité de la rédaction des Editions Sidwaya le mardi 17 octobre dernier. Une occasion pour échanger avec lui sur des questions d’actualité. Un jeu auquel l’honorable a pris plaisir à se soumettre.

Elu sans discontinuer député depuis trois législatures, monsieur Goungounga est un homme politique qui ne se barricade pas quand il doit défendre ses choix. Et les choix de Cyril sont au prorata de ses va-et-vient entre le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) et le Parti républicain pour l’intégration et la solidarité (PARIS), sa formation politique ressuscitée le 6 juin dernier.

Intellectuel au parcours scolaire impressionnant, monsieur Goungounga fait partie des Burkinabè qui ont marqué leur génération dans le domaine du papier du blanc. Titulaire du diplôme d’ingénieur statisticien économiste, il est auréolé de deux baccalauréats en série C avec la mention très bien, et en série A4 avec la mention assez bien. Au plan professionnel, monsieur Goungounga a toujours occupé des postes de commandement depuis son intégration à la Fonction publique en 1975. Notamment directeur, directeur général, secrétaire général.

Il a été ministre intérimaire sous le Conseil national de la Révolution en août 1983, puis ministre chargé des Relations avec le parlement entre 1997 et 2000. C’est donc un homme d’envergure qui, trois heures durant, a échangé avec les journalistes de la rédaction des Editions Sidwaya dans une ambiance tout à la fois détendue et par moment électrique.

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce que vous avez célébré le 15 octobre ? L’avènement de la Rectification ou la mort de Thomas Sankara ?

Cyril Goungounga (C.G.) : Les deux. J’ai célébré la mort de Thomas Sankara parce que c’est un événement d’une grande importance historique. Toutefois, malgré tous les griefs à l’encontre du Conseil national de la Révolution, il faut reconnaître que ce régime a imprimé sa marque par ses méthodes musclées. Il y a pourtant des fois où notre peuple a plutôt besoin d’un certain dirigisme.
C’est dans ce sens qu’il faut dénoncer le mauvais usage de la liberté par les bénéficiaires de cette liberté. Je tiens à signaler que Thomas Sankara était mon promotionnaire. Nous avons passé le baccalauréat au même moment. Il était au Prytanée militaire du Kadiogo et moi au lycée Philippe-Zinda-Kaboré. Lorsque Thomas Sankara est arrivé au pouvoir, j’étais le secrétaire général du ministère du Plan.

C’est ainsi que j’ai été nommé comme ministre du Plan par intérim d’autant plus que les anciens ministres ont été mis ipso facto en résidence surveillée. J’ai eu des contacts et plusieurs échanges avec Thomas Sankara.
C’et pourquoi sa mort m’a marqué, attristé. Je salue donc l’avènement de la Rectification que j’ai également célébré. La Révolution a eu beaucoup de dérapages et il fallait le 15 octobre pour rectifier ce qui est rectifiable et revenir progressivement à l’Etat de droit. Il a fallu le 15 octobre pour que nous soyions ici en train de parler de l’approfondissement de la démocratie.

S. : N’est-ce pas opportuniste de célébrer les deux événements en même temps ?

C.G. : Il n’y a pas de choix à faire. Ces deux événements sont simultanés et équivalents. On ne saurait célébrer l’un sans l’autre quel que soit son bord politique, sa vision. Pour moi, ce n’est pas de l’opportunisme bien que ça peut être une qualité. Ce n’est pas non plus de l’équilibrisme et je suis sincère. Je peux vous montrer mes productions où je démontre que la Révolution que je n’ai pas aimée a eu des côtés positifs.

Vous savez, lorsque nous étions étudiants et on voyait ce qui se passait en Centrafrique, en Ouganda avec le régime de terreur de Amine Dada, nous disions que cela n’arriverait pas en Haute-Volta. Et bien cela s’est produit avec la bénédiction des étudiants de notre génération. Ces derniers ont approuvé des mesures dictatoriales du Conseil national de la Révolution (CNR). Certains ont déclaré que personne ne verra la fin du CNR.

On a vu des choses inimaginables sous la Révolution. Il s’agit de l’imposition du Faso Dan-Fani, du sport de masse. On a obligé les gens à mettre de la peinture blanche, la chaux sur leurs murs. On ne sait pas trop pourquoi. Mais ceux qui cautionnaient ces méthodes sont heureux de vivre la démocratie aujourd’hui. Il y a cependant un aspect positif dans leur comportement. Quelle que soit la bravoure d’un homme, on a des limites. Nous avons fait notre autocritique. Les étudiants de ma génération à Paris à l’époque ont reconnu qu’il y a des limites à tout. La théorie c’est très facile mais la pratique, c’est tout autre chose.

S. : Doit-on s’attendre à vous voir le 15 octobre le matin à Dagnoën et le soir à la célébration des 20 ans de la Rectification ?

C.G. : Quand je dis célébrer la mort de Sankara, ce n’est pas dans ce sens. Pour moi, il faut commémorer l’événement. Le côté spectaculaire ne veut rien dire. Thomas Sankara était un président et c’était la première fois qu’on mettait fin d’une façon sanglante à un régime. C’est donc un événement important et on ne peut pas dire qu’on s’en fout. Mais célébrer, selon moi, ne veut pas dire que c’est automatiquement la fête.

S. : Comment avez-vous vécu la campagne municipale avec la communalisation des villages ?

C.G. : J’ai eu la chance d’être à l’origine de tout ce phénomène de la décentralisation et ce, depuis la première législature. Vous savez que je suis un des rares députés à bénéficier de trois mandats, synonymes de la confiance du peuple. J’ai donc occupé une position stratégique où j’ai vu passer toutes les lois en tant que député mais aussi en tant que ministre chargé des Relations avec le parlement. Pour moi, la campagne pour les municipales était une fête pour la démocratie. Tout le monde a été impliqué. Même ceux qui soutenaient qu’ils s’en foutent de la politique. Brusquement, certains d’entre eux sont devenus des maires. Ils ont donc fait la politique. Parce qu’on ne peut pas devenir conseiller municipal ou maire sans faire la politique.

Au niveau des villages, quelle que soit sa neutralité, son indifférence, tout le monde a fini dans la danse, même les ténors des confessions religieuses. Pour ma part, j’ai battu la campagne mais je n’étais pas candidat. Pour moi, il faut laisser le village aux villageois. C’était par ailleurs une occasion pour échanger avec eux. On se gênait auparavant de dire à chaque fois, votez le parti, votez Blaise Compaoré ! Je veux être député !

Les gens avaient un langage stéréotypé. Par exemple, quelqu’un m’a dit un jour dans un village : on va vous aider à avoir ce que vous voulez mais aidez-nous à avoir ce que nous voulons. Mais cette fois c’est eux-mêmes qu’on devait voter. Le peuple se faisait beaucoup d’illusions et maintenant il sait de quoi il s’agit. Cependant, j’estime que la formule intégrale est trop brusque, rapide. On l’a administrée non pas comme le sérum antitétanique, mais du coup. On est allé trop vite en besogne en ce qui concerne la décentralisation. On aurait dû procéder progressivement.

Au lieu de doter chaque village de deux conseillers, on aurait dû découper les départements pour leur doter au maximum de 10 conseillers. Aussi, ce scrutin était très politisé. Dans le département de Saaba par exemple, mon département que je connais bien, il fallait présenter 48 conseillers dans 23 villages. Il y avait une dizaine de partis politiques. Comment voulez-vous que tous les partis présentent un nombre élevé de conseillers ? C’est de l’hypocrisie ! Il y a des gens qui sont conseillers dans des villages qu’ils ne connaissent pas. Des villages du Burkina ont ainsi des conseillers inconnus des villageois où ils sont élus.

Il y a des hommes politiques de fortune qui ont des moyens mais n’ont pas d’hommes et qui ont profité de la situation. Je ne les citerai pas par décence. Je ne veux pas profiter de ma position, de ma petite intelligence et de peu de sous que Dieu m’a donné pour humilier quelqu’un. Si je ne les dénonce pas, ce n’est pas par peur. Je ne suis pas un homme politique rigolo. Je corrige les mœurs en riant. Tous les villages ont des chefs. Ce n’est pas seulement chez les Mossis qu’on n’en trouve parce qu’il n’y a pas de communautés sans chefs.

La CENI aurait pu s’appuyer sur eux et leur demander de proposer deux conseillers ou conseillères. Cela aurait pu alléger la tâche. Mais en politisant sans scrupule les communales avec des bulletins de vote de grande qualité, très luisants, on a fait comprendre aux gens qu’il s’agit d’un réel pouvoir. Une vraie illusion avec ses conséquences. C’est dangereux. Parce que les réalités du terrain sont tout autre. Mais les gens pensent qu’une fois élus, ils ont un pouvoir. Maintenant, on leur fait croire qu’on les forme pour se prendre en charge.

Des intellectuels ont fait l’erreur de se faire élire conseillers au même titre que les villageois pur sang. Comment voulez-vous que ça fonctionne. C’est comme l’apartheid qu’on crée de force. Ils ont des visions différentes et cela va durer cinq ans. Les procédures, les textes, les collectivités, comment les expliquer au village ? Ils s’en foutent des textes.

S. : Que pensez-vous de la dissolution du conseil municipal de la ville de Pô ?

C.G. : C’est précipité. On aurait dû prendre le temps de revoir les textes avant de dissoudre. Pourquoi décider avant de réfléchir. Mon père me disait que la décision est comme un avion. Il faut prendre le soin de bien réfléchir avant sinon une fois que la décision est prise, il est difficile de faire un retour en arrière. Je pense que la dissolution du conseil de Pô est inopportune. Le code général dit : le gouvernement peut dissoudre et non doit dissoudre.

Le gouvernement a manqué de sang froid. Il faut reconnaître que le comportement de certains conseillers est irresponsable. Ils devaient voter leur candidat. Ils ont préféré un autre. Pourquoi un boycott après ?
C’est tout simplement parce qu’ils n’ont pas la capacité d’assumer. Ils ont donc entre les mains un pouvoir qu’ils ne peuvent pas exercer. Le pouvoir est un poids. Certains ne voient que les avantages d’une responsabilité. C’est une balance. C’est comme un compte bancaire où il y a des entrées et des sorties. C’est pourquoi, il faut admettre l’autre aspect de la responsabilité et s’assumer.

Ils doivent pouvoir dire qu’ils votent contre ou pour leur candidat. Même si le vote est secret. C’est essentiel et sans cela, on ne peut pas exercer le pouvoir de représentation. C’est pourquoi, le gouvernement aurait dû attendre une période de grâce. Il aurait fallu même résoudre le problème technique lié à l’incompatibilité des dispositions des lois que le président de la CENI a relevée. C’est pour cela qu’on se retrouve dans l’impasse. Les textes sont ambigus et pour avoir voté ces textes, je suis en partie responsable.

S. : Qu’est-ce qui explique le faible score de l’opposition ?

C.G. : En Afrique, le pouvoir a un effet attirant. En Europe, c’est tantôt la gauche ou la droite. Mais ici, le pouvoir, c’est le pouvoir et les gens en sont très dépendants. L’analphabétisme fait partie des pesanteurs sociales qui jouent sur le vote. Les sondages sont peu fiables et aléatoires. Quand on pose une question à quelqu’un, il ne répond pas automatiquement de peur d’avoir des problèmes.

En ce qui concerne le Burkina Faso, l’opposition est divisée. Il y a des candidats sérieux et des candidats de figuration. Le président Blaise Compaoré, quant à lui, a été non seulement jugé sur les résultats positifs obtenus sur le terrain et s’est déplacé partout. Aussi, il a des relais dans toutes les localités. Les maires, les députés... font entendre sa voix partout. Je crois que le score est correct et il n’y a eu aucun trucage. C’est bien normal que le CDP soit sorti majoritaire dans la plupart des localités.

S. : Pourquoi l’ADF/RDA a soutenu le candidat Blaise Compaoré ?

C.G. : A l’époque, Sidwaya m’avait interrogé et j’ai dit que nous présenterions peut-être notre candidat. Si tel n’est pas le cas, nous soutiendrons un autre candidat. A l’ADF/RDA, nous combattons la politique de la chaise vide. Après réflexion et débats, nous avons décidé de soutenir Blaise Compaoré à l’issue de notre congrès.
C’est le candidat qui prend en compte, du moins, partiellement notre programme. Mais c’est le candidat que nous avons soutenu. Il n’était pas sûr qu’il serait élu mais candidat et cela, ceux qui ne l’ont pas compris ont tout de suite dit que l’ADF/RDA a rallié le CDP.

Nous avons discuté avec Blaise Compaoré, Me Sankara, Ali Lankoandé et bien d’autres de leurs programmes. Ce n’est pas parce que l’ADF/RDA n’a pas la capacité de gérer le pouvoir mais il s’agit d’une stratégie de la conquête du pouvoir. Certes, l’ADF/RDA a eu deux postes au gouvernement mais il faut saluer positivement l’entrée de l’ADF/RDA au gouvernement en janvier 2006. Pour notre part, la lutte continue. Comme le dit les Africains, si tu arrêtes de gronder ton enfant, c’est qu’il n’est pas ton fils. C’est pourquoi, j’assume ce que l’ADF/RDA a fait en bien et en mal jusqu’au 31 mai 2006. Après cette période, je n’ai rien à voir dans la gestion de ce parti.

S. : Pensez-vous convaincre avec la formule soutenir le candidat et non le président quand on sait qu’on crée un parti pour prendre le pouvoir ?

C.G. : Quand il y a des élections, il y a une différence entre le candidat et le président. J’ai suivi un débat de campagne présidentielle en France où Mitterrand exigeait que Chirac l’appelle M. le Président, mais ce dernier faisait la différence. Les villageois ont du mal ici à faire la différence entre les deux entités. Mais pour nous intellectuels, cela ne souffre d’aucune ambiguïté.
Une fois élu, il faut que les gens acceptent le programme de Blaise Compaoré. Je le dis en toute sincérité. Je suis un homme politique, mais je ne défends pas l’indéfendable. Je suis un homme de droit de sang. Personnellement, je ne suis pas devenu ministre. C’est pour vous dire que j’ai une ligne de conduite.

Thomas Sankara était secrétaire d’Etat à l’Information et moi directeur général de la Caisse nationale de dépôt des investissements. Au cours d’une réunion, on a voulu m’obliger à débloquer des fonds pour un problème. J’ai dit non. Je ne suis pas ici pour vous raconter des futilités. Nous avons soutenu « le Progrès continu pour une société d’espérance » et nous assumons. Je défends toujours ma positon. J’ai discuté avec le président Gbagbo en 1998 à la RTI à l’occasion d’un symposium intitulé « L’Afrique et l’Europe à l’horizon du 21e siècle », pour vous signifier que sur des grandes questions, je garde mes capacités à défendre des points de vue.
Cependant, on ne peut pas soutenir un candidat qui devient président et on dit qu’on est de l’opposition.

S. : La vie est-elle chère au Burkina Faso ?

C.G. : Oui, la vie est chère. C’est une vérité tangible. Nous sommes tous mortels et nous avons tous des problèmes.
Il y en a qui emmènent les leurs au service mais moi je ne le fais pas. Mais j’ai aussi des problèmes.

S. : Que peut faire l’Etat pour lutter contre la vie chère ?

C.G. : Il y a des gens qui font étalage de leur richesse dont on ignore la provenance. Un ami fonctionnaire nous a invités chez lui. Il a un salaire de 100 000 F et il venait de construire une maison à deux étages. Quand il m’a dit qu’il a pris un prêt bancaire pour le faire, j’ai dû demander à rentrer avec ma délégation. Il se fout des gens.

Vous savez si la dévaluation n’a pas eu de problème pour s’installer, c’est dû à tout cela. Moi, j’ai refusé par exemple de boire un jus à 3 000 F dans un hôtel de la place et ce, par solidarité pour les pauvres. Il faut que ceux qui ont le pouvoir à savoir le gouvernement, l’Assemblée nationale prennent l’engagement d’agir contre la vie chère. Encore qu’il faut en avoir conscience. Il y a des décideurs qui disent gaillardement qu’on ne peut rien faire. Je dis non car il n’y a pas de problème sans solution.

On peut bien agir contre la vie chère. Il faut du courage, des actions pour changer notre mode de vie. Même si nous dépendons de l’extérieur, il y a toujours une solution. Dans les pays du Golfe, Qatar, Koweït... pourquoi il y a des pauvres ? C’est à cause de l’écart des revenus. C’est un problème d’autant plus que le PNB, le critère de comparaison des Etats jusqu’en 1990 ne suffisait plus. Il a fallu inventer l’indice de développement humain pour prendre en compte l’écart des revenus.

Si on prend une mesure et il y en a qui ont des moyens pour acheter, on a l’impression que la mesure est bonne. Les ouvriers qui n’ont pas les moyens, eux croupissent dans la misère. Il faut combattre la corruption, la dénoncer. Je connais un agent des finances avec le BEPC qui changeait de voitures à souhait. Je l’ai interpellé et il m’a traité de jaloux. Un jour, il a été accusé pour un détournement de 25 millions. Il m’a sollicité pour l’aider. J’ai refusé de cautionner l’injustice et on l’a licencié.

D’ailleurs, trop de revenus donnent des palpitations. On devient fou ou on prend d’autres engagements inutiles. J’estime que la lutte contre la vie chère doit être l’affaire de tous.
Je serai mal à l’aise dans une tour, une maison à étages, à côté des voisins qui n’ont absolument rien.

S. : Est-ce que vous aimez partager vos biens ?

C.G. : Je partage régulièrement mes biens.

S. : Dans ce cas, nous viendrons vous voir ?

C.G. : Il n’y a pas de problèmes (grands rires dans la salle). Je partage mes biens et je parle sous le contrôle de témoins qui sont assis (il désigne ses deux collaborateurs qui assistent à l’interview). Le bonheur chez moi, c’est le partage.

Ce n’est pas l’égoïsme. C’est une conviction chez moi. Mais chacun donne des valeurs à des choses. Par exemple, il y en a qui donnent de la valeur à l’argent. Si c’était l’argent qui m’avait guidé, je ne serais pas ici au Burkina, dans mon pays. J’ai choisi de travailler dans mon pays, dans la poussière. C’est un choix. Quand je quittais la France pour rentrer au pays, à la fin de mes études, on m’a poursuivi pour que je reste, mais j’ai dit non ! Ils ont même écrit au président Lamizana pour me retenir.
J’ai choisi de vivre modestement. Je vous donne encore un exemple.

J’ai refusé qu’on construise la tombe de ma mère avec des carreaux, alors que mes frères le voulaient.
Mon objectif dans la vie, c’est que les enfants soient bien éduqués, que mon entourage soit bien formé et que les jeunes prennent conscience que nous pouvons être indépendants. Eux qui n’ont pas connu par exemple le racisme. Mais, nous, nous l’avons vécu en France et même ici au Burkina.

En 1966, lorsque j’étais en seconde au lycée, la moitié de la classe était composée de Blancs et tous les professeurs étaient Blancs. Ils ne toléraient pas qu’un Noir ait une bonne note. Une fois, j’ai obtenu la meilleure note en mathématiques et c’était un scandale. Le professeur a dit publiquement que ce n’était pas normal.

Quand on parle de ces choses-là aux générations actuelles, elles pensent que ce sont des contes de fée que l’on raconte. Au-delà de tout, je pense que nous devons tous lutter pour que la vie soit moins chère, parce qu’elle est vraiment chère.

S. : Vous êtes le promoteur du « Groupe éducatif Koudpoko-la-Grande ». Quels efforts avez-vous consentis pour soulager les parents d’élèves de votre établissement dans ce contexte de vie chère ?

C.G. : Il y a un bon nombre d’élèves que je prends en charge. Mais cela n’a pas tellement d’incidence sur les recettes.
Seulement, il faut savoir qu’à force de distinguer ces enfants sous l’appellation « enfants pris en charge », ceux-ci cessent d’être performants. Chez nous, nous prônions « l’intégration », des élèves.

Sinon, au niveau des frais de scolarité, nous avons essayé de supporter. Mais, c’est dommage que dans la presse, des gens écrivent pour dire que les fondateurs d’établissements sont des assoiffés d’argent. En réalité, ce sont des gens qui ne s’y connaissent pas dans le domaine. Car les fondateurs sont des gens à plaindre. Ils rencontrent beaucoup de problèmes. L’Etat dit qu’il prend des mesures en faveur de l’éducation, mais en réalité, ce n’est pas vrai.

Vous savez, c’est lorsque les gens n’ont pas eu de place dans le public, qu’ils se tournent vers le privé. Souvent, il faut attendre pratiquement la fin du mois d’octobre pour démarrer les cours.
Pour revenir à la mauvaise publicité qui a été faite au niveau des frais de scolarité dans le privé, il faut dire que tout est parti d’un arrêté du ministre des Finances qui disait que les honoraires (les heures supplémentaires) des enseignants dans les établissements publics devaient subir une augmentation d’environ 40 à 50%.

C’est en se disant que cette mesure pouvait atteindre le privé, que les fondateurs ont décidé d’augmenter les frais de scolarité, au lieu de lutter contre son application. Mais je pense que cela ne devrait pas s’appliquer au privé. Et aucun fondateur n’a intérêt à augmenter les frais de scolarité, parce que c’est de l’anti-publicité.

En réalité, les tarifs promotionnels sont des critères de performance, un critère d’attrait. Si un fondateur dit qu’il augmente la scolarité, c’est qu’il est sincère.
Sinon à mon niveau, je dispose de trois lycées : le lycée Girovy, le lycée Voltaire, le lycée Samora- Machel dont je viens d’acquérir la gestion. En plus de cela, j’ai l’Institut supérieur de technologie (BAC+2) et délivre le BTS et le DUT. J’ai également une école primaire et nous faisons de très bons résultats. Cette année nous avons réalisé 100% au CEP.

S. : Il semble qu’avec le personnel permanent du lycée Samora-Machel, il y a des problèmes. De quelle nature sont-ils ?

C.G. : Je ne souhaiterais pas parler de cela. Parce que c’est une affaire personnelle et civile. Je suis en train de régler cette question dans un autre cadre.

S. : De manière générale, les gens se plaignent du faible niveau de l’enseignement et de l’inadaptation formation/emploi. Que dites-vous de cela ?

C.G. : C’est une question très importante qui comporte deux volets.
Premièrement, le niveau de l’enseignement est effectivement bas. Je ne sais pas d’où cela vient, mais je trouve qu’il y a un manque de conscience. Et les gens sont orgueilleux. Ils ne veulent pas qu’on les corrige. Donc, on n’avance pas et on mélange tout. Finalement, on n’apprend rien.
Donc, il y a un problème très sérieux au niveau de l’enseignement et du savoir-faire. Maintenant, en ce qui concerne l’adaptation, j’ai une autre façon de voir pourquoi l’on veut que la formation soit adaptée.

Et d’ailleurs, à quoi doit-elle être adaptée. Je crois que l’essentiel, c’est de former les gens. C’est à force de donner l’impression que la formation doit aboutir à quelque chose, qu’il y a des problèmes. Il faut former l’homme pour le former, sans un objectif précis. Si aujourd’hui, les pays développés fabriquent des avions, cela est dû au travail et sans plus. Dieu a créé le monde en six (6) jours et s’est reposé le 7e jour et le reste c’est l’homme qui fait le travail.
J’ai enseigné en France. Mais à aucun moment, on n’a jamais dit qu’on s’arrêtera pour demander à quoi sert la formation.

On a mis dans nos têtes que l’école, c’est pour avoir du travail. Maintenant, si ce n’est pas le cas, cela devient un problème. Il y a aussi cette politique qui consiste à favoriser ceux qui s’orientent par exemple en mathématiques au détriment des autres disciplines surtout littéraires, notamment le français. J’ai dénoncé cela, à travers un article. Je pense qu’il ne faut pas complexer les gens.

En plus de cela, n’oubliez pas que les bailleurs de fonds déversent beaucoup d’argent, pour nous former comme ils veulent, pour nous adapter à ce qu’ils veulent.
Regardez aujourd’hui avec les langues nationales. Quand on traduit le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) en langue nationale, ça ne rime pratiquement à rien.
Donc au niveau de l’éducation, il y a beaucoup de choses à faire, mais par nous-mêmes, surtout par les jeunes générations. Il faut qu’elles prennent conscience et il faut que les jeunes soient humbles pour écouter leurs éducateurs et les anciens.

S. : La justice burkinabè a fait son mea-culpa lors de la dernière rentrée judiciaire. Il est ressorti que la justice au Burkina n’est pas la même, selon que l’on soit riche ou pauvre. Que dites-vous de cela ?

C.G. : Depuis mon jeune âge, j’ai toujours su qu’il n’y avait pas de justice sur cette terre. Il n’y a que des rapports de force et des intérêts.
Maintenant, ce sont des codifications qui régissent la justice. C’est une entente. Il y a des gens qui sont commis à dire le droit. Et il y a le droit, tant que la procédure est respectée.

Une fois, j’ai été condamné à payer à quelqu’un qui pourtant me devait. Parce qu’il a utilisé les procédures de droit. Et ceux qui ont jugé l’affaire ont dit que j’avais tort et m’ont condamné.
C’est cela la justice !
Quand il n’y a pas de justice, les gens se font justice. Donc, il faut que les juges rendent la vraie justice.

S. : Mais qu’est-ce que vous auriez dû faire pour aider la justice à être juste ?

C.G. : Il n’y a pas une solution globale pour cela. C’est au cas par cas. Quand il y a délibération après un jugement, il y en a qui sont contents et d’autres ne le sont pas. C’est là que le rapport de force s’établit.

S. : Parlant du nomadisme politique, est-ce normal qu’un candidat élu sous la bannière du lion se retrouve juste après les élections sous la bannière de la panthère ?

C.G. : Ce terme (nomadisme politique) n’existe pas dans mon vocabulaire politique.

S. : Comment peut-on alors qualifier ce mouvement. Est-ce une mue ?

C.G. : Non. C’est un changement. C’est un dynamisme politique. Je ne sais pas ce que vous entendez par nomadisme politique. Parce que la politique, c’est la vie à grande échelle. Ce que nous faisons tous les jours relève de la vie privée, individuelle. Et la vie à grande échelle, c’est la politique et qui est médiatisée.
Il y a des événements qui se présentent et l’on prend position par rapport à ces événements...

S. : Pour être plus précis, on voulait faire allusion aux cas où des conseillers ADF/RDA ont rejoint le CDP, immédiatement après les municipales ?

C.G. : Il y a toujours eu des changements en politique depuis l’histoire ancienne. D’abord, pour adhérer à un parti, c’est un mouvement que l’on fait. Si ce parti fusionne avec un autre, vous ne pouvez pas dire que vous n’allez pas suivre.

Dans la mesure où vous décidez de vous engager dans la vie politique, c’est déjà un mouvement. Et ne pensez pas qu’il est facile de changer. Et je sais comment il est né le terme nomadisme politique. La Convention nationale des patriotes progressistes (CNPP) était le premier parti (créé le 18 janvier 1988) avant l’ODP/MT (Organisation pour la démocratie populaire/Mouvement du travail) dont la création est intervenue le 15 avril 1989.

Ces deux partis constituaient donc, les deux forces politiques à l’Assemblée nationale avec 13 députés pour la CNPP et très rapidement, il y a eu une scission au niveau de la CNPP. Et cela donna naissance au PDP/PS avec à la tête le Pr. Joseph Ki-Zerbo. Une dizaine de députés de la CNPP avait rejoint le professeur.

Et c’est à partir de ce moment, qu’ils ont commencé à s’accuser de nomadisme politique. Le PDP/PS a accusé la CNPP/PSD d’être nomade parce que le contenant est resté avec le second, mais le contenu est allé avec le premier. A son tour, la CNPP/PSD a aussi accusé le PDP/PS de nomadisme politique. Donc, c’est un débat qui n’a jamais été tranché.

Ce que vous appelez nomadisme politique, ne pensez pas que quelqu’un est heureux de se retrouver dedans. Et il n’y a que les hommes politiques qui peuvent comprendre ce phénomène. Quelqu’un qui ne fait pas de politique, ne peut pas comprendre que les gens changent. Et de toutes les façons, si l’on devait codifier cette donnée, il n’y aurait plus de démocratie.

S. : Pour parler maintenant de l’actualité internationale, l’Union africaine vient de prolonger une fois de plus le mandat du président Laurent Gbagbo pour une année avec renforcement des pouvoirs du Premier ministre Charles Konan Banny. Pensez-vous que c’est la solution qui puisse sortir la Côte d’Ivoire de la crise ?

C.G. : En tant que mathématicien, je raisonne par l’absurde. Quelle est l’autre solution ? Quelle peut être l’autre solution ?
Pour ma part, bien que cette solution déçoive certains, je me dis que c’est le pis-aller. A l’heure actuelle, pour éviter le vide juridique après le 31 octobre, je ne vois pas d’autres solutions.

S. : Le coup d’Etat est-il une solution ?

C.G. : Mais, on ne peut pas dire au grand jour que l’on va préconiser un coup d’Etat (rires). Si l’on doit dire à des gens de faire un coup d’Etat, cela devient très grave. D’ailleurs, quelqu’un à qui on dit de faire un coup d’Etat sait bien qu’il ne le pourra pas. Lui-même se dira que c’est un piège qu’on lui tend. Vous voulez que j’approuve un coup d’Etat ?

S. : C’est une question qu’on vous a posée ?

C.G. : Un coup d’Etat ne peut pas être approuvé. D’ailleurs au PARIS, nous condamnons les coups d’Etat.

S. : Et que dites-vous de ceux qui préconisent qu’on mette la Côte d’Ivoire sous tutelle de l’ONU, comme par exemple en Haïti ?

C.G. : Je n’adhère pas à cette solution. Car en ce moment, cela devient très grave. Je pense plutôt, qu’il est préférable de trouver des solutions entre nous (Africains).
La preuve est que les chefs d’Etat africains peuvent se réunir pour décider quelque chose.
Mais, si c’est l’ONU, c’est fini, parce qu’ils n’auront plus rien à dire. Et tout le monde sait qui est l’ONU.

S. : Qui est l’ONU ?

C.G. : Tout le monde connaît le nom de la vieille, mais tout le monde l’appelle grand-mère (rires).

S. : Mais dès lors que les Ivoiriens se sont montrés incapables de résoudre eux-mêmes leur problème...

C.G. : Est-ce qu’ils se sont montrés incapables à partir du moment où il y a des immixtions étrangères.
Je ne suis pas sûr du caractère naturel et gratuit de cette crise. Je pense toujours à une main étrangère, ou à des mains étrangères dans cette crise.

S. : A votre avis, faut-il parachuter les troupes onusiennes au Darfour ou se conformer aux désirs des autorités soudanaises et laisser faire, vu que les troupes de l’Union africaine restent démunies ?

C.G. : Le cas du Darfour est vraiment dramatique et prend des tournures très graves. En réalité, le président soudanais a peur de cette « invasion » onusienne. Parce que l’ONU, c’est toujours les mêmes personnes que nous connaissons. Parce que lorsqu’ils viennent pour pacifier un pays, ils finissent par s’accaparer de tout. Ils ne vont pas se contenter du Darfour. Ils vont quadriller tout le pays.

S. : Le président soudanais doit-il seulement protéger son fauteuil et laisser la population aux mains des rebelles ?

C.G. : C’est difficile. Si vous voulez qu’il accepte les troupes onusiennes, il faut lui donner les garanties que son fauteuil ne sera pas menacé. Mais si les Africains n’arrivent pas à résoudre ce problème soudanais, c’est très grave. Il est déplorable qu’à chaque fois, l’on se réfère à l’ONU, aux Etats-Unis, etc. Ou alors la solution, c’est que l’ONU donne plus de moyens à l’Union africaine.
Cela peut rassurer le président, car il doit se sentir plus en confiance avec ses pairs, qu’avec l’ONU.

S. : Les Nord-Coréens ont-ils oui ou non la liberté de posséder la bombe nucléaire ?

C.G. : La question de la bombe atomique est très sérieuse. Mais elle rejoint les mêmes problèmes que je viens d’évoquer. Parce que là encore on retrouve les Etats-Unis. Ils ne veulent pas que quelqu’un s’épanouisse. Ils sont tout puissants et font ce qu’ils veulent. Les autres n’ont qu’à rester petits. Et tous ceux qui optent pour l’arme nucléaire le font malgré eux. Voyant ce qu’on fait à l’Irak ou à l’Iran. C’est pourquoi la Corée du Nord est obligée de faire irruption dans la famille des pays possédant l’arme nucléaire.

S. : Pensez-vous qu’à l’instar de l’Allemagne, du Chili, du Liberia ou de la Suède, le vainqueur de l’élection présidentielle en France, soit une femme ?

C.G. : D’abord, j’ai toujours souhaité que Nicolas Sarkozy remporte la présidentielle en France, parce que c’est un fonceur et un étranger. Moi qui ai vécu en France, j’aimerais qu’un étranger, à défaut d’être un Africain, soit président de la France. J’aime ça.

S. : Pourquoi ?

C.G. : Parce que Sarkozy est un étranger et il bouscule tout. C’est un fonceur.

S. : Voulez-vous qu’un étranger soit un jour à la tête du Burkina Faso ?
C.G. : Non. Je dis la France.

S. : Mais pourquoi voulez-vous qu’un étranger dirige la France ?

C.G. : Je parle en tant que Cyril Goungounga, burkinabè, ancien étudiant en France.

S. : C’est une revanche ?

C.G. : Si vous voulez. J’aimerai bien que Sarkozy passe. C’est vrai qu’il est l’auteur des lois anti-immigration ou immigration choisie. Mais en réalité, c’est une stratégie pour prendre le pouvoir. C’est de l’opportunisme que j’approuve.
Maintenant, cela ne veut pas dire qu’il va combattre l’immigration en réalité.

Depuis aussi « l’apparition » de Royal, j’aimerais bien qu’une femme soit présidente de la France. Mais, je ne suis pas sûr de l’indépendance de Ségolène Royal face aux barons du Parti socialiste (PS). Je ne suis pas sûr de leur honnêteté en la présentant.
Je ne sais pas qui sera vainqueur de la prochaine présidentielle en France. Mais, je pense que Sarkozy a plus d’imagination, il est capable de surprise. Mais en France, comme on assiste le plus souvent à une alternance entre la gauche et la droite au sommet de l’Etat, cela donne plus de chance à la gauche. Surtout que la fin de Chirac n’est pas très propre.

S. : Quand vous parlez de la non- indépendance ou de la soumission de Ségolène Royal par rapport aux barons du PS, l’expérience a montré que les femmes, une fois arrivées au sommet de l’Etat, s’affranchissent et deviennent plus exigeantes que les hommes ?

C.G. : Mais, c’est le cas où les maris sont dans l’ombre ou inexistants.

S. : Mais, on a l’impression que François Hollande, le mari de Royal, ne pèse pas beaucoup au PS ?

C.G. : Il est quand même le premier secrétaire du PS. C’est le patron. C’est différent des autres cas que vous avez cités. Je dis simplement que cette non-indépendance est un facteur à ne pas négliger. C’est vrai que l’opinion en France est très forte et qu’elle l’a (Ségolène Royal) déjà adoptée. Mais, elle n’est pas à l’abri de coups bas.
Vous savez, en 1974, dans le face-à-face entre Jacques Chaban-Delmas et Valéry Giscard d’Estain, il a fallu la trahison de Jacques Chirac avec 43 députés au dernier moment, pour que Giscard puisse passer. C’est ce que je crains avec Ségolène Royal. Que la phallocratie se réunisse au dernier moment, les barons du PS et de l’UMP. Sinon, elle a des chances de passer.

S. : Le sigle de votre parti ressemble étrangement au nom d’une capitale occidentale. Y a-t-il un deal en-dessous ?

C.G. : C’est une simple coïncidence. Si on pouvait l’éviter, on l’aurait fait. Mais nous sommes tombés dedans. Nous avions notre premier parti, le PARI, qui a été dissous. Maintenant nous avons le nouveau parti, le PARIS. Le choix de ce nom a été fait par la majorité après quelques hésitations.

S. : Le PARIS est-il implanté dans toutes les provinces du Burkina ?

C.G. : C’est un nouveau parti, mais nous avons des représentants dans toutes les provinces. Nous avons abattu un travail, de sorte à faire du PARIS, un parti d’obédience nationale. Mais nous avons choisi d’avancer doucement avec humilité et sagesse, pour construire le parti.

S. : Avant le PARIS et l’ADF/RDA, vous étiez au CDP que vous avez quitté. Pouvez-vous expliquer ce départ ?

C.G. : J’ai quitté le CDP, pour simplement faire de l’espace. Parce que le CDP est un grand parti et à un certain moment, j’ai estimé que j’avais suffisamment fait et que je faisais du surplace et qu’il fallait laisser la place à d’autres personnes pour une autre expérience. C’est tout. C’était pour prendre du recul.
Photo de famille des journalistes avec l’Invité à l’issue de l’entretien.

Pour moi, c’était un départ positif. Car le CDP était devenu un parti populaire. Il y avait trop de monde et je pense qu’il était bon de partir en ce moment.
Je n’avais rien aussi à reprocher au CDP à l’époque. Tout ce que j’avais à dire, je l’ai dit, chaque fois que j’en avais l’occasion.

S. : Mais qu’est-ce qui explique votre départ de l’ADF/RDA ?

C.G. : J’ai passé trois ans à l’ADF/RDA. Et après les élections présidentielles et municipales j’ai pensé que c’était suffisant. Avec des camarades, puisque nous étions venus à l’ADF/RDA en tant que parti politique, nous avons estimé que nous devons partir. Ce sont ces camarades qui m’ont demandé d’ailleurs de partir. Ne pensez pas que je manipule les gens.
Ceux qui ne font pas la politique, pensent que l’on manipule les gens. Ce n’est pas le cas. Nous avons décidé simplement de partir. On ne peut pas rester éternellement dans un parti.

S. : Doit-on alors s’attendre à votre départ du PARIS dans les années à venir ?

C.G. : Je ne suis pas le bon Dieu. Par rapport aux événements, on peut même me chasser du PARIS.
Mon plus grand rêve, c’est qu’on fasse une réunion pour me dire que je peux partir (rires dans la salle).
Parce que je préfère faire du bon travail, et que quelqu’un d’autre vienne après moi, pour poursuivre. Même dans ma vie professionnelle, je suis comme ça. Vous savez, c’est épuisant de travailler sans relâche, de faire la politique.

S. : D’aucuns disent que vous partez chaque fois en catimini. Pour votre départ du CDP, vous n’auriez pas eu le temps d’informer la structure dirigeante en dehors du président Blaise Compaoré ?

C.G. : J’ai écrit une lettre de démission au président du CDP. Et il m’a répondu. Je lui ai demandé si je devais quelque chose au CDP. Il m’a rassuré que je ne devais rien et m’a même félicité pour le travail fait.
Il m’a remercié d’avoir contribué à l’épanouissement du CDP.Donc, je suis parti par la grande porte et non en catimini.

S. : Mais en politique, il semble que quand on ne manipule pas, on est manipulé. Qui manipule Cyril Goungounga ?

C.G. : Manipulé ? Vous n’allez quand même pas dire que je vais accepter ce mot !

Vous êtes très sympathique donc je ne sais pas comment vous apporter la contradiction. Vous savez, le niveau des gens quand vous dites cela, les gens croient que c’est vrai. Quelqu’un qui est manipulé ne se comporte pas de la sorte. Quand vous m’avez invité est-ce que j’ai demandé à quelqu’un ?
J’ai dit toute de suite ok. Quelqu’un qui est manipulé va dire « attendez je vais voir et vous rappeler ».

S. : On vous trouve très proche de Blaise Compaoré. On vous suspecte de vouloir même pousser à la non limitation des mandats.

C.G : Effectivement j’ai vu cela dans l’hebdomadaire, l’Indépendant. Je suis proche de Blaise Compaoré, ça veut dire quoi ?

S. : Que vous êtes un pion de Blaise Compaoré dans certains milieux ...?

C.G : Le président Blaise Compaoré n’a pas besoin de pions.

S. : Pourquoi l’ADF/RDA a soutenu la candidature de Blaise Compaoré ?

C.G : C’est à l’unanimité que cette décision a été prise au congrès du pari. Vous-même vous l’avez retracé en son temps. Vous savez, moi je ne participe jamais à un complot. Après le congrès on a dit de gauche à droite que nous avons vendu l’éléphant.
On a même dit que c’est moi qui
l’ai vendu. Un parent m’a appelé pour me dire qu’il a besoin d’argent. Je lui ai dit que je n’en ai pas, il est même venu chez moi et m’a demandé : « mais et l’éléphant que vous avez vendu ? ».
Il pense qu’on a tiré l’éléphant pour aller le vendre. Vous savez leur niveau est tel qu’ils ne comprennent pas comme vous.
Je peux vous rassurer que c’est parce que j’ai foi en la République, j’ai foi en la démocratie, j’ai foi à son premier responsable, j’ai foi au président du Faso, que je me comporte de la sorte.

Quand j’ai quitté le CDP, il y a des gens qui m’ont dit que je vais avoir des problèmes. Ce sont des gens qui ne croient pas à la démocratie.
Quitter le CDP, y a rien de mal, on le quitte dans les règles. Il y a une disposition qui dit qu’on peut démissionner.
On n’a pas dit qu’il faut aller voir des gens avant de démissionner.
Si on avait dit que pour démissionner il faut aller voir Jean ou Poco, là je serais allé les voir avant de le faire. Si je démissionne qu’est-ce qu’on peut me faire si ce n’est pas me refuser des postes.

S. : D’aucuns disent que c’est parce qu’on ne vous a pas nommé que vous êtes parti.

C.G : Je quitte pourquoi ? pour protester ?

S. : Oui

C.G : Mais si c’était le cas, je l’aurais dit. Si c’est mon départ de l’ADF/RDA ce n’est pas vrai.
Le gouvernement a été formé le 6 juin 2006. J’ai attendu la fin des élections municipales avant de partir. Vous croyez donc que je suis pas parti pour protester.
Si c’était pour cela, j’allais attendre. D’ailleurs, on nous avait annoncé une ouverture. On m’avait même dit de ne pas partir mais moi je ne suis pas là pour ça.

Ouverture ou pas, moi ce n’est pas mon problème. Je peux vous rassurer qu’il n’y a aucune manipulation et que là où je suis, peut- être que ce que je fais, les plus hautes autorités estiment que c’est correct. C’est peut-être ce qui fait qu’on pense que je suis manipulé. Je pense que le président Blaise Compaoré est un grand homme qui n’a pas besoin de manipuler quelqu’un.

On a dit que je suis un espion de Blaise Compaoré. Je dis un espion, c’est quelqu’un qui porte des lunettes noires et qui ne parle pas.
Moi je suis bruyant même si je ne parle pas comme dit Ségolène Royal : « Mon silence même est bruyant ». Soyez rassuré que ce n’est pas vrai. J’ai des principes.
Devant l’histoire par exemple, cette affaire c’est mon nom qui est devant, il faut qu’on explique pourquoi on a agi ainsi. Nous sommes des hommes politiques.

Il faut qu’on accepte les critiques. Il ne faut pas se fâcher contre quelqu’un parce qu’il pose des questions. Vous, vous me posez des questions, c’est une chance que vous le faites et ceux qui sont assis par exemple à Falangountou en train de m’insulter en buvant leurs bières, qu’est-ce que je peux faire ?

D’ailleurs, ça peut être un ami et quand il va être à Ouagadougou je vais même l’embrasser. Donc c’est pas juste, il faut remercier ceux qui vous posent des questions, en leur donnant des explications et en vous mettant à leur disposition à tout moment. C’est ce que les gens n’ont pas compris. D’autres quand ils parlent ils insultent.

Il faut reconnaître qu’il y a des départs positifs pour permettre à d’autres de se positionner. Je me sens mal à l’aise. J’avais l’habitude de dire à mon petit-frère Mahama Sawadogo (c’était mon voisin à la première législature) que je rêve un jour d’être député de l’opposition et j’ai été député de l’opposition. J’ai fait mon expérience pendant quatre (04) ans, avant de revenir dans la mouvance présidentielle.

S. : Après avoir fait trois mandats à l’Assemblée nationale, est-ce que vous allez laisser la place aux jeunes ?

C.G : Ce n’est pas à moi de laisser la place aux jeunes. C’est le peuple qui décide. Et c’est aux jeunes de prendre leur place

S. : Allez-vous être candidat en 2007 ?

C.G : On n’est pas encore arrivé à cette étape. Ce n’est pas un problème d’espace, c’est le peuple qui va s’exprimer. S’il estime que je dois circuler, je circule.
Je ne sais pas encore si je vais me présenter. Ce n’est pas parce que je crée un parti politique, que vous pouvez me coller cela.
Vous voyez, les gens prêtent des qualités aux autres sans preuve. Le débat que nous menons actuellement est intéressant plus que si j’étais assis ministre quelque part avec la langue de bois.
Je pense que je participe davantage à la vie de la République, à l’éducation de la masse et peut-être plus qu’un ministre. Chacun a sa vision des choses.

S. : Donc vous ne voulez pas être ministre ?

C.G : Attention, ne dites pas que je ne veux pas être ministre. Ne me condamnez pas.

S. : Si on vous consultait pour un prochain gouvernement, seriez-vous partant ?

C.G : C’est comme quelqu’un qui va à un baptême et on lui demande s’il veut la bière ? Il répond tout simplement qu’il est venu pour ça. On fait la politique, on me demande d’être ministre. Je trouve que c’est intéressant. Je n’ai pas dit à n’importe quelle condition. On va voir ce qu’il faut faire mais je serai content parce que c’est la consécration de vous appeler même si on ne vous nomme pas.

S. : N’allez-vous pas laisser la place aux jeunes ?

C.G. : Tout le monde est jeune. La jeunesse c’est pas une question d’âge, c’est l’état d’esprit. Quelqu’un qui a 70 ans qui est courageux, ouvert et travailleur est jeune. Quelqu’un qui a 30 ans, qui est calomniateur, un paresseux, un fumiste, c’est un vieux. C’est aux jeunes de prendre la place, prendre les responsabilités aussi. Il y a des gens quand on les invite au parti, ils vous demandent si vous êtes avec Blaise Compaoré. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ils veulent se rassurer si nous sommes derrière Blaise pour nous suivre.

Mais écoutez, on est pas contre Blaise mais on regarde le programme du président, la manière dont c’est appliqué, parce que le programme peut être bon mais mal appliqué par un gouvernement et on prend position par rapport à tout cela. Mais ce n’est pas une affaire personnelle. Les gens veulent la tranquillité. Il faut que les jeunes s’impliquent, il faut qu’ils soient dynamiques.

S. : En quoi être nommé ministre est une consécration pour un chef de parti politique ?

C.G. : Pouvoir d’Etat ne veut pas dire seulement être président de la République. Si c’est ça, c’est grave.
Dans le parti, même si vous êtes nombreux, vous ne pouvez pas être tous présidents mais participer au pouvoir. Quand je dis aux journalistes vous êtes le pouvoir, un parti politique, c’est aussi le pouvoir. C’est le pouvoir de participer, d’émettre des opinions. Il y a des partis politiques qui font des déclarations, qui approuvent des décisions qui condamnent, c’est ça le pouvoir.

Le pouvoir n’est pas un portefeuille ministériel ou être président du Faso. Le pouvoir d’Etat, c’est un ensemble de choses. Un parti politique c’est un pouvoir que de s’exprimer, de dire non, de participer aux élections, d’avoir des conseillers, de passer à la télévision gratuitement.
Il y a des gens qui, pour passer à la télévision, doivent payer tandis que les hommes politiques ont ce privilège. Il faut remercier le président du Faso pour ça, ainsi que tous ceux qui ont lutté pour ça.

Pour moi, tout cela constitue le pouvoir. Je pense que si c’est pour être président de la République, on n’aura pas cela. Souvent, on nous a fait le procès en disant, vous avez créé un parti, vous voulez dire que vous êtes président. Ce que nous faisons, nous ne sommes pas gênés de dire que nous soutenons le président du Faso. Pourquoi dire qu’on veut être président, ça c’est une opposition. Si on veut être président du Faso, il faut aller à l’opposition.

S. : Quand vous étiez allé à l’opposition, vous vouliez devenir président ?

C.G. : Non. Celui qui veut être président, ce n’est pas la peine d’être dans la mouvance présidentielle puisqu’il y a déjà un président. C’est une condition nécessaire pour être dans l’opposition. Je ne dis pas suffisante. Un militant d’un parti de la mouvance présidentielle ne peut pas dire, je veux être président, ça ne va pas, il ne peut donc pas dire qu’il combat le programme du président du Faso.

S. : Etes-vous d’accord avec ceux qui définissent la mouvance présidentielle comme des têtes de rats au lieu d’être queues de lions ? C’est-à-dire être grand dans un petit ensemble.

C.G. : Même dans les organisations de l’opposition, c’est cela, il y a des grands partis. Le PARIS est un parti de la majorité qui soutient le programme du président Blaise Compaoré.
Mais ce n’est pas par référence à un autre parti. Maintenant, parmi les partis qui soutiennent le président, il y a le CDP qui est le plus grand. Nous sommes un parti aussi avec nos réalités, on se respecte, il n’y a pas de hiérarchie.

S. : Si Blaise Compaoré quitte le CDP en 2010 pour un autre parti, qu’est-ce que le PARIS va faire ?

C.G. : Est-ce que vous ne pensez pas que c’est de la science-fiction que de parler de 2010 alors que nous sommes en 2006 tout en sachant bien que beaucoup de choses peuvent se passer.

S. : Allez-vous changer de parti ?

C.G. : Moi, je ne peux pas vous dire ici si je vais changer de parti ou pas. Je vois des gens qui ont dit qu’ils ne changeront plus de parti et ils ont changé. Je ne suis pas le bon Dieu tant que mes principes, ma vision et notre vision (je suis dans une équipe) ne sont pas respectés, nous prendrons des positions en fonction des circonstances. Je suis au regret de vous le dire. D’autres ont la possibilité de vous le dire qu’ils ne feront pas ça dans cinq (05) ans, mais moi, je n’en sais rien. C’est par rapport aux événements que je décide. J’adapte le mouvement en marchant. En fonction des événements, des circonstances, nous avons une équipe, on décide ensemble. Je ne suis pas un futuriste pour dire quoique ce soit.

S. : Est-ce que vos militants vous comprennent quand vous marchez de gauche à droite ?

C.G. : Qui vous dit que nous marchons de gauche à droite. Moi, je marche tout droit. D’ailleurs, pour être chef de l’Etat, il faut passer de gauche à droite ou de droite à gauche. Voyez le tour que l’ancien Premier ministre de Wade a fait après sa sortie de prison. La stratégie qu’il a menée. Moi j’ai pris des décisions. Bien sûr, mes adversaires disent ce qu’ils veulent mais moi ça ne me complexe pas. Je ne suis pas gené. J’ai toujours respecté le choix de chacun et je suis tolérant. Je déciderai en fonction des événements. Je ne peux pas faire autrement.

S. : Qu’est-ce que vous avez retenu de votre passage dans l’exécutif comme ministre chargé des Relations avec le parlement entre 1997 et 2000 et auparavant, ministre intérimaire en 1983 ?

C.G. : En 1983, quand Thomas Sankara est arrivé au pouvoir, il a mis les ministres en résidence surveillée. J’étais secrétaire général, je venais d’être nommé, il y a un mois. J’assurais l’intérim.
J’ai rencontré le président Thomas Sankara à propos de la coopération germano-voltaïque. J’ai eu également l’occasion d’échanger avec lui sur le nouveau langage révolutionnaire où on disait que la « la Révolution est venue pour donner et non pour prendre ».

J’ai échangé avec lui, je me suis permis de donner mon avis sur le hiatus avec le peuple. Parce que si le peuple comprend mal, ça pose problème. Donner, c’était pour donner la capacité à se prendre en charge. Le peuple comprend que c’est pour lui donner des largesses.
Je lui ai fait comprendre que le jour qu’il y aura un hiatus, ça va être des problèmes.
Et puis, il y avait des dégagements et j’ai donné mon point de vue sur ces dégagements, parce qu’on avait commencé à dégager des militaires. J’ai trouvé cela anormal.

J’ai dit que ce n’est pas bien et que ce n’est pas normal d’inventer ce concept. Quand j’étais ministre chargé des Relations avec le parlement, c’était autre chose, c’est une position que j’ai beaucoup aimée parce que c’est le carrefour de tout en fait.
Du gouvernement à l’Assemblée et de l’Assemblée au gouvernement, y a pas mal de choses. Cela m’a permis de suivre l’évolution politique de l’approfondissement de la démocratie, la mise en place des institutions. Donc ça m’a permis d’être un acteur de ce processus.

S. : Au regard de vos multiples tâches de consultant, d’homme politique, est-ce que vous pouvez affirmer que vous avez une vie professionnelle ?

C.G. : Oui. Personne n’a le temps, on prend le temps pour faire ce qu’on aime. Ce matin, j’ai été ouvrir le lycée Voltaire et j’ai élaboré un document pour l’Assemblée nationale parce que je suis membre de la commission Finances et du Budget.

Avant de venir ici, j’ai fait beaucoup de choses mais c’est un choix. J’ai publié mon dernier livre de 310 pages intitulé « L’économiste et ses méthodes quantitatives ».
De plus, je suis en train d’écrire un autre livre que je compte publier d’ici la fin de l’année. D’ailleurs, l’interview que nous sommes en train de réaliser va en faire partie. C’est la compilation des articles et interviews, que j’ai eus à faire depuis l’avènement de l’Etat de droit (1991).

Elle va comporter 300 pages. S’il y a la volonté, on se rend compte qu’on a le temps de faire. Souvent, il y a des gens qui ont des blocages psychologiques. Une fois, c’était le 24 décembre. J’étais dans mon bureau pour travailler, après nous sommes allés à l’église. Une voisine a dit que c’est trop. Pour eux, il ne faut pas travailler le 24 décembre. Quand on se met dans la tête qu’on ne peut pas le faire, on n’y parvient pas. Pour moi, la politique, ce n’est pas une activité isolée, c’est un comportement d’ensemble.

Mais il y a certains qui ont choisi de faire uniquement la politique, ils sont assis là-bas et ça donne une mauvaise image des hommes politiques. Parce que nous les cadres africains, c’est nous qui avons fait que les gens, notamment les jeunes, sont dégoûtés de la politique parce qu’on l’a présentée comme un truc mafieux. Alors que je trouve que la politique est noble, c’est un combat.
Peut-être que j’ai hérité de cette conception de par ma formation en math-sup où l’on nous disait à peu près que « les mathématiques et tout ce que vous connaissez, on va vous apprendre à souffrir ».

Ainsi, on vous insulte, on vous met à nu. Au début, ça nous frustrait mais finalement ça aguerrit.
On est habitué à vivre la vie, à ne pas être trop frustré, à ne pas être allergique. Mais si vous vivez dans un cadre où on vous couvre comme des poupées, vous êtes là, vous ne pouvez plus accepter que quelqu’un vous fasse des reproches alors qu’on ne peut pas tout le temps dire du bien de quelqu’un.

S. : Vous avez intégré la fonction publique burkinabè le 1er juillet 1975 et déjà entre 76 et 77, vous êtes bombardé directeur de la prévision au ministère des Finances. A quoi devez-vous cette promotion aussi rapide ?

C.G. : Vue par les générations actuelles que vous êtes, cette promotion est effectivement rapide.
Mais, je voudrais vous rappeler que nos aînés qui avaient la licence dans les années 60 étaient très attendus. Lorsqu’ils rentraient de France, on les logeait même à l’hôtel Indépendance en attendant de les intégrer. Depuis la France, j’ai reçu une lettre dans laquelle on me signifiait que j’étais attendu. Et quand je suis rentré, j’ai été intégré immédiatement.
A l’époque, il y avait Georges Sanogo, qui était le seul ingenieur-statisticien économiste et moi je représentais la nouvelle génération.

C’est ainsi que le ministre des Finances, Léonard Kalmogo, m’a demandé d’être directeur de la prévision et j’ai accepté. En 1978, Georges Sanogo a été nommé ministre du Plan et de la Coopération et moi, directeur général de l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD).
En fait, c’est parce qu’il n’y avait pas beaucoup de cadres à l’époque que l’on avait des promotions rapides. Mais aujourd’hui, je sais que ce n’est pas possible. On peut avoir de gros diplômes et traîner avant d’avoir du travail

S. : Depuis 1976, vous êtes soit directeur, soit secrétaire général, ministre ou président de groupe de travail ou de réflexion. On peut dire que vous êtes né sous une bonne étoile ?

C.G. : J’ai l’habitude de dire à mes enfants que comme nous n’avions pas à manger, nous étions obligés de travailler. Aujourd’hui, ils ont à manger, mais ils ne travaillent pas. Les jeunes veulent être payés avant de travailler, alors que nous c’était le contraire.
J’ai demandé par exemple à des professeurs de mon institut de corriger des copies. Mais avant, ils ont d’ores et déjà demandé à combien ils devraient être payés.
Pour revenir à mon cas, disons que lorsque le CMRPN (Comité militaire de redressement pour le progrès national) est arrivé au pouvoir, nous, qui étions de la nouvelle génération, étions vus comme brimés par la IIIe République. Donc, le nouveau régime a mis la main sur nous.
Ce qui peut aussi expliquer notre promotion. Nous avons bénéficié de ces faveurs jusqu’à l’avènement du CNR (Conseil national de la Révolution) où on nous a demandé d’aller voir ailleurs.

S : A quel homme aimerez-vous ressembler ?

C.G. : Voltaire.

S. : Dans votre plan de bataille figurerait en bonne place la prise de la mairie de Ouagadougou en 2011. Que faites-vous pour rendre vrai ce projet ?

C.G. : Il faut situer les choses dans leur contexte. Où avez-vous lu cela ? Dans tous les cas, je vous donne rendez-vous en 2011.

S. : Dans les fondements du PARIS, vous affirmez que vous voulez être plus présent dans les Conseils municipaux, notamment dans la commune de Ouagadougou ?

C.G. : Nous n’avons pas dit notamment Ouagadougou. Nous avons dit que nous voulons être présents de façon remarquable dans les conseils municipaux. Nous n’avons pas spécifié.

S. : Dans un commentaire d’un journal de la place, il est dit que le maire Simon Compaoré étant en bisbilles avec ses camarades du CDP, il n’y a pas de raison que le député Cyril Goungounga, qui n’est pas très loin de l’enfant terrible de Ziniaré, ne puisse pas être maire de Ouagadougou ?

C.G. : Ah non ! Je vous remercie de me donner des informations à partir de commentaires (rires dans la salle). Sinon, je n’ai pas lu l’article dont vous parlez.

S. : Mais la mairie vous intéresse-t-il ou pas ?

C.G. : S’il vous plaît ! Je ne suis pas venu ici pour dire si je suis candidat ou pas. Mais je ne peux pas dire aussi que cela ne m’intéresse pas. Et pourquoi vous liez cette question de mairie à Simon Compaoré. Celui-ci vient d’être élu pour la troisième fois. Cela veut dire qu’il fait du bon travail, il est aimé par les populations, etc. Il vient d’être élu et vous parlez déjà de ma candidature. Ceux qui parlent de cela veulent cogner les têtes des gens. Simon Compaoré est un petit frère avec qui j’ai travaillé et il est très dynamique.
Il mérite ses trois mandats. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas être candidat. En son temps, on verra.

S. : Vous avez voulu partir à la BAD en 2001 et cela n’a pas marché. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C.G. : Ce n’est pas que j’avais voulu partir à la BAD. En fait, le Burkina était administrateur suppléant avec un groupe de sept pays, avec une rotation et cela depuis 1963.
Quand le tour du Burkina est arrivé, c’est moi qui ai été désigné pour être administrateur. J’ai déjà été élu administrateur suppléant en 1989 et j’ai fait six ans.
Je devais passer comme administrateur ; le Burkina a été roulé. A partir de là, je ne peux pas en vouloir à quelqu’un. J’ai entendu dire que c’est la raison pour laquelle, j’ai quitté le CDP. Je saisis l’occasion pour vous rappeler que ce n’est pas pour cela.

S. : Qu’est-ce qui vous a poussé à faire le Bac A4 en France, alors que vous étiez déjà titulaire du Bac-C ici ?

C.G. : Parce que cela m’a plu. Mais en faisant le Bac-A, je n’ai plus composé en math car j’avais déjà le Bac-C. C’était tout simplement pour avoir un diplôme littéraire en plus du scientifique pour être « complet ».

S. : Il parait que l’honorable est un bon viveur et comme tout bon ressortissant de Saaba, il ne crache pas sur la viande de chien, la bière et les femmes ?

C.G. : Je ne bois pas la bière, par contre je mange la viande de chien. Maintenant les femmes...
Un homme normal aime les femmes (rires dans la salle). Ce n’est pas la première fois que j’entends dire que j’aime les femmes. Une fois quelqu’un me l’a dit et je lui ai demandé si lui, il préférait les bœufs (rires). C’est vrai, j’adore les femmes. La femme c’est un être fascinant.

S. : Vous les adorez comment ?

C.G. : Mais, que voulez-vous que je vous dise ! J’adore la femme. Maintenant, je ne sais pas ce que vous voulez comme précision (rires dans la salle). Je suis ouvert. Je suis prêt à vous donner toutes les précisions.

S. : La liberté de langage à des limites qu’il ne faut pas dépasser ?

C.G. : Je pense avoir donné la réponse. Il n’y a pas de complexe. D’ailleurs dans un salon de coiffure, ma femme a surpris une conversation avec des étudiantes à moi qui disaient que leur professeur aimait les femmes. Mais elles ne savaient pas que c’était ma femme qui était à côté. Après, quand elles l’ont su, elles sont venues demander pardon à ma femme. Celle-ci leur a dit qu’effectivement j’aime les femmes, et que c’est pour cela d’ailleurs que je l’ai choisie. Sinon, un « curé » ne peut pas lui faire la cour. Donc, je confirme s’il en était encore besoin que j’aime les femmes (grands rires dans la salle).

S. : Que pensez-vous de la presse burkinabè ?

C.G. : Je pense que actuellement, c’est bon. Il y a le débat, la liberté de presse.
Il faut que les citoyens comprennent aussi qu’ils peuvent s’exprimer dans la presse.

Je voudrais surtout dire aux jeunes générations qu’elles peuvent critiquer, mais elles ne doivent pas utiliser leurs plumes pour frustrer les uns et les autres. Il ne faudrait pas que quelqu’un souffre dans son for intérieur parce qu’il a été blessé par une plume. Ce sont des conseils que je vous donne. Sinon j’aime la presse. Mais je reconnais que votre travail est difficile. Parce que quand vous louez quelqu’un, il ne dit rien. Mais dès lors que vous l’égratignez un peu, il se plaint. Je trouve qu’aujourd’hui la presse est sur de bons rails. Maintenant, il faudrait améliorer les conditions de travail de la presse parce que vous êtes le pouvoir, en réalité.

Je pense aussi que Sidwaya est l’un des quotidiens les plus objectifs.
Parce que le mécanisme est fait de telle sorte qu’il faut faire attention, car vous êtes un service public de l’Etat et ce n’est pas facile par rapport au privé. Et je puis vous dire qu’en ce qui me concerne, je suis à votre disposition.

Sidwaya

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